Le père Céline
Le père Céline, on lui doit tout. Sans lui, aucun auteur actuel n’écrirait, ou alors comme Duhamel. Mais là-dessus, personne ne moufte jamais. On n’admet pas.
À la mort de Louis-Ferdinand, il y a eu dans les journaux des interviews charmantes. Tous les esthètes à combines y sont allées de leur couplet. Dans le genre surpris :
– Céline… auteur important, certes… conduite déplorable sous l’occupation… mais romancier puissant, il faut reconnaître… trivial, mais puissant… Une influence sur mon œuvre, dites-vous ?... Non. Non. Vraiment je ne vois pas. Ce que j’écris est tellement différent…
D’ailleurs, d’une manière générale, à la mort de Céline, la presse française s’est gentiment déshonorée. Les quotidiens de Paris ont annoncé la chose sur une petite colonne honteuse en cinquième page. Et avec des réserves sur la moralité du défunt, des pudeurs ultimes. Côté hebdo nouvelle vague, pas mal non plus. La disparition d’Ernest Hemingway (oui, grand écrivain, merci, je sais) ayant tragiquement coïncidé avec celle de Céline, c’est naturellement l’Ernest qu’on nous a placardé en couverture.
Et encore un coup de pot qu’il n’y ait pas eu de décès concomitant chez les Zoulous ou chez les Balubas, car c’est pour le coup que l’on nous aurait refilé ça en quadrichromie à la façade des kiosques.
Michel Audiard, Paris-Match, 1965.
A lire :
>>> Le Petit Célinien n°13 - Spécial Michel Audiard
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