Nous rentrons à l’instant de l’enterrement de Céline. Il est mort samedi vers 6h du soir, d’une congestion cérébrale. Depuis le matin, il se sentait encore plus patraque que d’habitude, il avait les nerfs à vif. Il s’est étendu un instant en disant à Lucette :
- Je vais crever.
A quoi Lucette lui répond avec son air serein :
- Tu dis ça tous les jours.
- Non, cette fois je sens que je vais crever.
Peu après, il a perdu connaissance, et en vingt minutes, tout était fini.
A quoi Lucette lui répond avec son air serein :
- Tu dis ça tous les jours.
- Non, cette fois je sens que je vais crever.
Peu après, il a perdu connaissance, et en vingt minutes, tout était fini.
Je n’ai appris sa mort qu’hier soir par un coup de téléphone de Robert Poulet. Lucette tenait absolument que cette nouvelle restât aussi secrète que possible, que les meutes de journalistes ne fussent pas alertées. Elle a bien fait. Nous n’étions ce matin qu’une trentaine d’amis (pour la littérature, Roger Nimier, Marcel Aymé, Robert Poulet, Claude Gallimard et moi). Et cet enterrement presque clandestin a été une extraordinaire page célinienne. Le cercueil était posé dans sa chambre à coucher, à côté de la porte de la salle de bain grande ouverte. On voyait le lavabo, les serviettes, et en tournant la tête de l’autre côté, les hardes de Louis-Ferdinand, ses cinq ou six canadiennes élimées, accrochées en tas à un porte-manteau. Lucette aurait voulu une messe (Céline s’en fichait, il aurait voulu la fosse commune), mais le curé du Bas-Meudon a refusé. Il a refusé d’envoyer aussi une religieuse pour faire sa dernière toilette. Nous sommes donc allés directement au cimetière du Vieux-Meudon. Juste à cet instant, il s’est mis à tomber un petit crachin, comme pour une illustration de Mort à crédit. Ce fut vraiment étonnant, car nous étions à peine sortis du cimetière que le soleil reparaissait sur cette banlieue hétéroclite. Nous avons tous jugé qu’il était parfaitement dans l’ordre de ce temps que le plus grand écrivain français d’aujourd’hui fût enterré ainsi, à la sauvette, par une poignée de copains, beaucoup plus pauvrement qu’un concierge.
Journal de L. Rebatet, cahier XX, p. 334 – 335
Cité dans LF Céline et Karl Epting de F.R. Hausmann, Ed du Bulletin célinien, 2008.
J'ai pas connu le roi de la brocante à l'absurde et au désespoir mais il n'est pas de jour que je ne pense à lui, à Marcel Aymé, à Blondin, qui m'influencent. Je ne saurais traduire comment ils me manquent, sinon que je cherche après eux dans mes phrases.
RépondreSupprimerémouvant...
RépondreSupprimerC'est suspeisct d'avoir lu, et adoré, la quasi totalité de l'oeuvre de Céline. On se sent presque coupable, on devrait s'excuser....Je n'ai pas pu finir "bagatelles....." parce que je ne suis pas antisémite. Pour le reste, j'aime quasi tout et je le relis souvent. Mon Proust à moi, fils d'ouvrier magrhebin, qui ne pouvait pas nous offrir de madeleines, c'est Céline.
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