A première vue, ce nouveau volume de la Pléiade consacré à Céline ne propose rien d'exceptionnel aux amateurs de l'écrivain: à quelques lettres de jeunesse inédites près, l'immense majorité de sa correspondance était déjà disponible, éditée par Gallimard (pour les succulentes Lettres à la NRF.) ou par plusieurs petites maisons (Editions du Lérot, La Flûte de Pan, L'Age d'homme), dont il faut saluer l'admirable travail de défricheurs... Tous les céliniens connaissent les lettres à Jean Paulhan, Gaston Gallimard, Albert Paraz, son admirateur juif américain Milton Hindus, les avocats Tixier-Vignancour et Albert Naud, sa secrétaire Marie Canavaggia ou les amis Robert Le Vigan, Antonio Zuloaga, etc. Les fanatiques de Céline, pourtant, auraient tort de passer à côté de ce volume qui est bien plus que la simple somme de ses parties : auparavant, en se plongeant dans les correspondances à l'unité, puisque adressées à un seul destinataire, le lecteur découvrait le monologue célinien en lignes parallèles. En assemblant toutes les lettres pour ce Pléiade, Henri Godard fait converger les lignes et insère la perspective dans le tableau : on avait tous les Céline à plat, on a tout Céline en relief. En lisant les lettres une par une apparais plus que jamais la fascinante complexité du personnage.
Les lettres de jeunesse, anodines, montrent un jeune homme normal et bien sage. Après le succès de Voyage au bout de la nuit, la fanfaronnade devient une signature. Dès 1936 jusqu'à la débandade de Sigmaringen, c'est l'obsession antisémite et l'aboiement systématique. A partir de l'exil au Danemark, et jusqu'à sa mort à Meudon. Céline écrit plus souvent, plus longuement. Désormais seul et sans auditoire, l'écrivain se livre à travers des milliers de pages et parle plus volontiers qu'hier de la nature de son travail, de son obsession du style, de son application si laborieuse face au manuscrit qu'il recommence indéfiniment. Il devient alors ce vieillard prématuré dont les gémissements permanents évoquent un Léon Bloy bouffon et souvent hilarant : l'invective d'hier laisse place aux jérémiades pleurnichardes les plus drôles. Car, au-delà de son génie stylistique, plus encore que ses pénibles obsessions raciales, voici ce qu'il faudrait surtout retenir de la correspondance de Céline : on rit beaucoup à sa lecture. Ce n'est pas rien.
Les lettres de jeunesse, anodines, montrent un jeune homme normal et bien sage. Après le succès de Voyage au bout de la nuit, la fanfaronnade devient une signature. Dès 1936 jusqu'à la débandade de Sigmaringen, c'est l'obsession antisémite et l'aboiement systématique. A partir de l'exil au Danemark, et jusqu'à sa mort à Meudon. Céline écrit plus souvent, plus longuement. Désormais seul et sans auditoire, l'écrivain se livre à travers des milliers de pages et parle plus volontiers qu'hier de la nature de son travail, de son obsession du style, de son application si laborieuse face au manuscrit qu'il recommence indéfiniment. Il devient alors ce vieillard prématuré dont les gémissements permanents évoquent un Léon Bloy bouffon et souvent hilarant : l'invective d'hier laisse place aux jérémiades pleurnichardes les plus drôles. Car, au-delà de son génie stylistique, plus encore que ses pénibles obsessions raciales, voici ce qu'il faudrait surtout retenir de la correspondance de Céline : on rit beaucoup à sa lecture. Ce n'est pas rien.
Nicolas UNGEMUTH
Le Figaro Magazine, 23/01/2010.
Pas encore acheté.
RépondreSupprimerbien la présentation.