vendredi 23 avril 2010

Des naves dans le potache

Un réjouissant polar de Brami où plane l'ombre de Céline et des autres.
Par Emmanuelle de Boysson*

Il faut être Emile Brami, ancien directeur de la librairie "D"un livre l'autre", rendez-vous des amateurs de Céline, pour oser un titre pareil. On s'attend à un pamphlet sur Bagatelles pour un massacre. Il n'en est rien. Il s'agit d'un polar ficelé comme une Morteau sur des cinglés de cet « antisémite délirant », « adulé aussi bien par les fascistes que par l'extrême gauche ou les anarchistes » - à savoir, le citoyen Destouches. Dès le début, on est dans le bouillon, sinon dans de beaux draps. 26 août 1944, dans un salon de coiffure transformé en QG de la Résistance, à mesure que le danger s'éloigne, une bande de FFI roule des mécaniques pour éradiquer le quota de collabos du quartier. Descente dans l'appartement déserté par Céline, 4 rue Girardon. Pillage en règle : vive l'anarchie et bras d'honneur ! Toute l'élégance des vainqueurs. Soixante ans plus tard, Elie Bénarous, un libraire, reçoit un fax d'un ami avocat, Pamphile Pollet, avec la couverture de "La Marquise", un manuscrit érotique de Céline qu'il recherche depuis dix ans. Le premier meurt poignardé, le second étranglé. L'inspecteur Raoul Marquis mène l'enquête auprès d'un ramassis de suspect, fanatiques du bon docteur de Meudon : membres de la Ligue des Fervents Céliniens, chercheurs, marchands, collectionneurs fétichistes. Bien que l'existence de "La Marquise" soit une rumeur, elle sert ici de prétexte à ce thriller où Brami égratigne au passage les libraires et les journalistes qui encensent les « conneries à la mode » des intellos. Les auteurs des biographies sur Céline font une apparition : François Gibault et l'auteur lui-même qui publia : « Céline, je ne suis pas assez méchant pour me donner en exemple ». Mais aussi Emmanuel Pierrat « avec sa bouille ronde d'étudiant ». Et tous les fans d'un styliste qui ne laisse personne indifférent : Claude Simon, Bernard Blier, Jean-Pierre Marielle, Fabrice Luchini, Deleuze, Frédéric Dard, Jacques Audiard... Edifiant sur les dérives des maniques d'un écrivain. Réjouissant. Potache à souhait.

Emile Brami, Massacre pour une bagatelle, L'Editeur, 2010.

Emmanuelle de Boysson
Service Littéraire n°29, avril 2010.

* Ecrivain, journaliste, publie à partir du 23 avril, "Nous les bons vivants, ras le bol des rabat joie", avec Claude-Henry du Bord, aux éditions du Rocher.


3 commentaires:

  1. "Et tous les fans d'un styliste qui ne laisse personne indifférent : Claude Simon, Bernard Blier, Jean-Pierre Marielle, Fabrice Luchini, Deleuze, Frédéric Dard, Jacques Audiard..."

    Il manque Rouge Le Renard ;) ( rire !)

    héhé !

    En tout cas ça donne envie de le lire, je m'y attèlerai donc. Le type polar c'est un bon coup commercial, d'autant qu'un des publics pour ce genre sont les femmes...

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  2. Pourquoi certains commentaires publiés disparaissent ?

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  3. Rien n'a été supprimé ces derniers temps. Peut-être avez vous laissé un commentaire sur un autre article. "Massacre pour une bagatelle" a été évoqué plusieurs fois...

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