mercredi 9 mars 2011

Céline sous la faucheuse situationniste par Eric Mazet (I)

Tous les lâches sont romanesques et romantiques, ils s’inventent des vies à reculons...”
Féerie pour une autre fois.

Je pensais ne plus écrire sur Céline avant quelque temps, mais un éditeur m’envoie un livre avec ses compliments: L’Art de Céline et son temps, d’un certain Michel Bounan que je ne connais pas. Dans la même collection, dont la qualité de finition m’avait séduit, M. Bounan a déjà publié Incitation à l’autodéfense, titre quelque peu inquiétant par sa brutalité paranoïaque. N’étant pas un de ces céliniens médiatiques, mais plutôt un chercheur de dates pour notules, la courtoisie de l’envoi me flatte. Je me dois d’y répondre. Et puis la couverture, avec la lame XIII du tarot de Marseille, celle de la mort en marche, éveille mon attention. La première lame, celle du Bateleur, moins morbide, plus célinienne, aurait aussi bien présenté ce livre, puisqu’elle évoque autant Bagatelles que Mort à crédit, comme la lame nommée “Le Mat”, avec son fou en marche, canne à la main et baluchon sur l’épaule, accompagné d’un chat ou d’un chien, peut aussi bien illustrer Voyage, D’un château l’autre ou Rigodon.
La quatrième de couverture aguiche le lecteur ignorant: “La bonne question n’est pas de savoir comment un libertaire en vient à s’acoquiner avec des nazis, mais pourquoi ce genre de personnage croit bon de se déguiser en libertaire”. Je suis d’accord avec M. Bounan: si Céline était un nazi, alors, à la poubelle ! Qu’on n’en parle plus. Et M. Bounan le premier. J’ai autant de répulsion que lui, j’imagine, quand on me montre le visage du nazisme ou du racisme au cinéma. La vie quotidienne, fort heureusement, m’en préserve. Je me suis toujours méfié des majorités; sinon je ne serais pas venu à Céline. Mais je n’ai jamais cessé de prêcher les vertus de la tolérance, du respect des plus faibles, par simple souci d’équité. Nous sommes sans doute, M. Bounan et moi, d’accord là-dessus. Ce n’est déjà pas mal.
Pour le reste, je vais paraître à M. Bounan bien désuet, décevant, arriéré. Tous les prêcheurs politiques m’ennuient. D’où qu’ils viennent, les politiciens sont des charlatans, attachés à gamelle. Mais écoutons M. Bounan. Sa thèse est simple. Céline n’est qu’un prétexte, un appât, à peine un exemple. M. Bounan est un “situationniste” qui explique les origines de la Seconde guerre mondiale par le financement d’une secte, les nazis, par des entreprises capitalistes. Des provocateurs, nervis de ces banquiers, ont désigné les Juifs comme fauteurs de guerre, à seule fin de faire diversion. Céline est de ceux-là. Après-guerre, les mêmes responsables ont gardé le pouvoir, sont devenus les juges de leurs anciens nervis, et financent derechef des courants antisémites pour occulter leurs nouveaux crimes contre l’humanité. Céline ne fut qu’un agent provocateur à leur solde, par appât du gain, et les céliniens d’aujourd’hui sont tous suspects d’antisémitisme ou de révisionnisme. C’est un résumé de notre sombre XXe siècle, ficelé par un “situationniste” qui a choisi Céline comme marque commerciale, afin d’attirer le chaland.
Plus inspiré par la musique, la peinture et la poésie que par la politique, je trouve ce discours bien mécanique, abstrait, fallacieux. La logique paranoïaque est toujours impeccable, aussi attrayante que les poupées russes qui s’emboîtent. Je ne sais si M. Bounan est infirmier psychiatrique ou psychanalyste situationniste. Il est surtout du genre homo politicus. Dès lors, en littérature nos goûts et nos lectures divergent . Pour moi, Céline n’est pas plus libertaire qu’il n’est nazi. Son apport à la littérature, son défi, sa gageure, ne se situent pas à ce niveau. Donc, la question initiale, de mon point de vue, est caduque. Et comme M. Bounan l’a écrit page 61: “Une question fausse ne peut recevoir que des réponses absurdes”. Pour lui, Céline n’est qu’un provocateur antisémite, du début à la fin. Un écrivain politique, un menteur, un tricheur, obnubilé par l’argent. La thèse n’est pas nouvelle. On y retrouve Alméras, Bellosta, Dauphin, lus comme nouveaux évangélistes. Citations non contrôlées, lectures de seconde main, diffamations répétées.
M. Bounan croit-il vraiment qu’on quitte la sinécure d’une clinique à Rennes, et puis d’un poste international à la SDN, pour faire fortune dans un dispensaire de banlieue en se lançant dans un énorme roman? Le risque était grand... M. Bounan ne voit que recettes à la mode dans Voyage et dans Mort à crédit. Croit-il qu’un écrivain, uniquement motivé par l’appât du gain, passerait quatre années à écrire un premier roman, puis quatre années encore pour écrire le second, en offrant une révolution esthétique digne des plus grandes révolutions littéraires des siècles passés? On ne devient pas l’égal de Rabelais ou de Victor Hugo avec des recettes de bistrot.
M. Bounan s’encolère, congestionne, du fait que le docteur Destouches, dans son étude sur “L’Organisation sanitaire aux usines Ford” , recommande en 1929 aux mutilés ou aux malades de ne pas s’exclure de la société, de refuser d’être des chômeurs, de ne pas devenir des assistés, mais de continuer à travailler dans la mesure de leurs possibilités, aidés par une médecine préventive, sociale, adaptée, et non intimidante, sanctionnante, mandarine. M. Bounan s’oppose-t-il aujourd’hui à la réinsertion des handicapés dans le monde du travail? Cela le révolte encore quand Louis Destouches demande la création d’une “vaste police médicale”. Sans doute le mot “police” n’évoque-t-il pour M. Bounan que le slogan “CRS-SS”, slogan que Cohn-Bendit lui-même trouve aujourd’hui ridicule. M. Bounan qui a écrit un livre sur Le Temps du sida doit savoir que les plus menacés ont dû créer leur propre “police”, changer d’habitudes, de mentalité et d’attitude vis-à-vis de la sexualité. Lorsque Céline affirme dans Les Assurances sociales que “l’assuré doit travailler le plus possible, avec le moins d’interruption possible pour cause de maladie” , M. Bounan oublie de mentionner que Céline n’envisage cette phase qu’après une lutte plus efficace contre les maladies par une refonte de la médecine. Céline devançait par là les thèses de “l’anti-psychiatrie” qui choisit d’insérer le “malade” dans la société au lieu de l’exclure. Avec M. Bounan, on croirait lire le petit catéchisme d’un homéopathe fanatique vitupérant les généralistes ou les chirurgiens ayant parcouru l’Afrique comme le fit le Dr Destouches. Notre situationniste oublie que Clichy, à l’époque, c’était le tiers-monde. Que pour sortir du fatalisme de la maladie et de la misère, de l’alcoolisme et de la syphilis, il fallait se livrer à une “entreprise patiente de correction et de rectification intellectuelle”. Médicale, humaniste, sociale, évidemment, comme le souhaitait le docteur Destouches, et non pas répressive, policière, punitive, comme l’insinue M. Bounan. Ce texte a d’ailleurs été approuvé et défendu en 1928 devant la Société de médecine de Paris - et M. Bounan passe ce fait sous silence - par le Dr Georges Rosenthal qu’on a du mal à imaginer nazi.
Il faut se rappeler qu’en 1918 les Américains avaient envoyé en Bretagne la Mission Rockefeller pour lutter contre la tuberculose qui faisait cent cinquante mille morts par jour dans le monde. C’est là que Louis Destouches, embrigadé dans cette croisade, cette “éducation populaire”, apprit, devant un public d’ouvriers, à condamner l’alcoolisme, “principal pourvoyeur de la tuberculose”, et non chez on ne sait quel folliculaire antisémite dont les attaques seront tantôt dirigées contre l’alcool, tantôt contre les Juifs. Était-ce vouloir enrégimenter les poilus de 14 dans un monde totalitaire que de vouloir leur épargner un deuxième fléau mortel en 1918 en appelant à la création d’écoles d’ infirmières visiteuses qui se rendraient chez les malades? Tous ces projets avaient été formés outre-atlantique par les professeurs Alexander Bruno et Selskar Gunn, médecins de la mission Rockefeller. Était-ce tenir des discours policiers ou nazis que de demander la construction de dispensaires anti-tuberculeux, et de parler en 1919 “au nom de la Patrie si réprouvée, au nom de l’Avenir de notre race” comme le faisait alors le comité de la mission? C’était le langage d’une génération formée aux études latines. Ni dans les tranchées de Verdun ni dans les livres d’histoire, on n’usait des codes “politiquement correct”qui pallient l’inculture de nos critiques.

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Eric MAZET
Le Bulletin célinien, n° 175, avril 1997, pp. 15-22.

Michel Bounan, L’art de Céline et son temps, Éd. Allia.

12 commentaires:

  1. bravo pour la mise à disposition de cet excellent texte;
    on en attend d'autres de cette qualité
    de la part de Mazet ou d'autres !!!

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  2. Eric Mazet donne des leçons...comme toujours...il y a des gens qui ne peuvent pas aimer en silence...il faut qu il donne leur opinion...ceci cela...mr mazet fait du commerce avec celine...les eds du Lerot le grand commerce celine...moi j achete pas...l oeuvre de celine me suffit...les etudes du Lerot a chier...celine vous crache a la gueule,celine aime des gens comme moi...simple...et qui font chier personne.

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  3. Avec l’année Céline on va pouvoir vendre du papier, faire du bon pognon tout en en crachant sa bille magnifique ! MD

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  4. Merci Monsieur Eric Mazet pour ces petites précisions qui méritaient d'être signalées à son "auteur".
    Une fois de plus, vous visez juste et bottez en touche !
    Sans vouloir en aucun cas être servile, je veux rendre hommage au travail que vous avez mené sur l'oeuvre de Céline depuis 30 ans, tendant à une meilleure compréhension de l'oeuvre et de la vie de Céline, ce en quoi vous avez réussi à merveille.
    Continuez s'il vous plait !

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  5. Aux détraqués détracteurs des Editions du Lérot et de son génial créateur Jean Paul Louis :
    Si ces éditions sont une machine à pognon, alors je ne regrette pas d’avoir participé à la fortune de leurs auteurs, étant donné la qualité des ouvrages édités et imprimés.
    Sans avoir mis mon nez dans leur compte, ils sont sûrement loin d’être fortunés grâce à leur travail. Quand les abrutis (là il n’y a pas d’autres vocables pour nommer ceux-ci) ci-dessus auront le courage de prendre une calculette, il s’apercevront qu’avec un volume par an édité à une trentaine d’euros, à 500 exemplaires, dont 2 à 300 restent invendus pendant de nombreuses années, cela laisse peut-être une marge nette de 10 euros par volume vendu soit la bagatelle (euh excusez moi, est-ce un mot autorisé par la censure ?) de 2000 à 3000 euros par an brut (300 exemplaires x 10 euros), soit par mois à peine 200 euros !
    Honte à Jean Paul Louis pour cette fortune bien mal gagnée ! Bien entendu je plaisante, continuez à nous régaler de vos ouvrages !

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  6. Mon pov jean marc...il te faut les editions du Lerot pour comprendre l oeuvre ce Celine...pfff...Celine t aurai dit d aller faire caca..pour te sentir mieux...les eds Du Lerot s il ne font pas de benefice( MERCI L.F.CELINE) aurait deja arreter le commerce...editeur a petit tirage...et gros benefice en fin d année.
    les etudes sur celine me font rire...c est avant tout du commerce...comme ce mr Emile Brami qui vend des pamphlets a 1500 euros...un voleur...une honte...comment peut-on aimer celine et faire du commerce...des lettres a 5000euros...un dictionnaire par ci...une bibliographie par lá...en tout cas avec moi ils font faillite.jean marc est un bon client il achete...

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  7. MD a mal formulé sa phrase et il s'en excuse, par Année Céline il entend, 50 ème anniversaire. les éditions du Lérot font un travail formidable depuis de nombreuses années et sont éminemment respectables.

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  8. A Anonyme "mon pov J marc":
    D'une part je n'ai pas besoin des éditions du Lérot pour soit disant "comprendre", mais il est intéressant, comme pour toutes études littéraires de lire l'opinion des autres, entre autres la tienne qui n'est pas piquée des vers et qui ne fera jamais avancer le dialogue bien loin !
    En ce qui concerne les riches collectionneurs achetant des lettres à 5000 euros, très peu pour moi, et c'est justement là qu'interviennent les éditions citées plus haut, puisqu'elles publient, tu n'as apparemment pas lu une seule des Années Céline, un grand nombre de lettes inédites tous les ans.
    Tu es, comme le houellebecq et un tas de faisans, là à critiquer, sans avoir lu aucune études, ni peut être même une ligne de l'oeuvre de Céline.
    Aucun intérêt à discuter plus loin, c'est stérile !

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  9. Continue jean marc...les editeurs ont besoin de client comme toi...l`unique livre chez du lerot qui vaut la peine c est le dictionnaire des personnages...le reste c est pour ce torcher le cul...a bon entendeur salut....moi mon unique plaisir en edition c est 1 exemplaire sur Alfa de mort a credit 1500 euros...que je possede, je me suis fais plaisir...pour le reste je suis pas collectionneur.

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  10. L'écriture de ce monsieur est composée de rots continus. Ces points de suspension ne sont que postillons d'ivrogne, inaudibles et tapageurs. Pour tout dire, il empeste. C'est peut-être la seule raison qui nous pousse à le prendre en considération.
    E C-G

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  11. EC-G met toi un doigt dans le cul...tu arriveras a jouir...tu te prends pour un intello? zai zur nous n avons pas la meme vision sur celine...moi je prefere les editions de la reconquete que les editions du lerot...malgré la qualité...regniez lui il prend des risques..il publie les pamphlets...mr Gibault bouge meme pas le petit doigt...

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  12. Je croyais l'accès du site interdit aux moins de 18 ans. Que de gesticulations puériles ! La violence étant le premier recours des faibles, je vais me réserver le droit de ne pas tirer sur l'ambulance.
    E C-G

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