LeFigaro.fr, 4/4/2011 : Seul en scène, il interprète avec générosité le personnage de Bardamu, héros de Voyage au bout de la nuit.
Des nuages s'amoncellent sur un écran géant installé au fond de la scène. Assis sur une couverture, au bord d'un «trou» , à deux pas d'un lit de camp, Jean-François Balmer devient Ferdinand Bardamu, le narrateur, l'antihéros de Voyage au bout de la nuit, le célèbre roman de Louis-Ferdinand Céline. Deux heures durant, ponctuées par un entracte salvateur et pour l'acteur et pour le spectateur.
Publié en 1932, le sombre ouvrage, d'une modernité étonnante, bouscule toujours les esprits. Nicolas Massadau, directeur adjoint de la Scène nationale, qui doit le connaître par cœur, en signe l'adaptation théâtrale, incomplète forcément, mais fidèle à la trame. Il retrace les temps forts du périple de Bardamu, de son enrôlement en 1914, à l'exercice du métier de médecin, dans la banlieue parisienne de Rancy, en passant par sa découverte de New York, la «ville debout», et son séjour en Afrique, «la vraie, la grande».
Vêtu d'un manteau militaire, Jean-François Balmer sert le pauvre bougre traumatisé avec la générosité et la détermination qu'on lui connaît. Il lui prête sa gouaille et ses accents avec un naturel déconcertant, même si on le devine parfois hésitant. La faute à un emploi du temps chargé: les tournages de Mort d'un président, une fiction pour France 3 où il joue Pompidou, Boulevard du Palais, la série de France 2, et Henri IV, la pièce de Daniel Colas, le comédien n'a eu que trois semaines pour répéter le spectacle. Il s'appuie parfois sur des notes glissées dans de vieux exemplaires du journal Le Miroir.
Dirigé par Françoise Petit, sa femme, Balmer évolue sur le vaste plateau en cherchant encore ses marques, qu'il trouvera sans aucun doute au fil des représentations qu'il reprendra à la prochaine saison, fin décembre, le soir de la première, conscient de ses lacunes, il a salué avec une modestie louable le «talent» du public.
«Une formidable erreur»
Pourtant, il n'est pas loin de relever ce défi audacieux. Fort de son expérience et de son aura, il réussit à nous embarquer aux côtés de Bardamu dans l'horreur de la guerre, «une formidable erreur», où le personnage sauve ses «tripes», mais reste «marqué à la tête pour toujours». Magnifiquement éclairés par Thierry Wilmort, les traits de Jean-François Balmer se confondent souvent avec ceux de Bardamu, bouleversé par l'absurdité de l'existence. Marchant dans ses pas, l'acteur nous entraîne à la rencontre de vrais personnages populaires, comme son fameux ami Robinson ou la gentille prostituée Molly qui tentera de lui redonner goût à la vie. On suit Jean-François Balmer jusqu'au bout du voyage, avec un mélange d'admiration et le désir de l'encourager à aller de l'avant.
Nathalie SIMON
Les Gémeaux, 92330 Sceaux.
Jusqu'au 6 avril, à 20 h 45.
01 46 61 36 67.
Des nuages s'amoncellent sur un écran géant installé au fond de la scène. Assis sur une couverture, au bord d'un «trou» , à deux pas d'un lit de camp, Jean-François Balmer devient Ferdinand Bardamu, le narrateur, l'antihéros de Voyage au bout de la nuit, le célèbre roman de Louis-Ferdinand Céline. Deux heures durant, ponctuées par un entracte salvateur et pour l'acteur et pour le spectateur.
Publié en 1932, le sombre ouvrage, d'une modernité étonnante, bouscule toujours les esprits. Nicolas Massadau, directeur adjoint de la Scène nationale, qui doit le connaître par cœur, en signe l'adaptation théâtrale, incomplète forcément, mais fidèle à la trame. Il retrace les temps forts du périple de Bardamu, de son enrôlement en 1914, à l'exercice du métier de médecin, dans la banlieue parisienne de Rancy, en passant par sa découverte de New York, la «ville debout», et son séjour en Afrique, «la vraie, la grande».
Vêtu d'un manteau militaire, Jean-François Balmer sert le pauvre bougre traumatisé avec la générosité et la détermination qu'on lui connaît. Il lui prête sa gouaille et ses accents avec un naturel déconcertant, même si on le devine parfois hésitant. La faute à un emploi du temps chargé: les tournages de Mort d'un président, une fiction pour France 3 où il joue Pompidou, Boulevard du Palais, la série de France 2, et Henri IV, la pièce de Daniel Colas, le comédien n'a eu que trois semaines pour répéter le spectacle. Il s'appuie parfois sur des notes glissées dans de vieux exemplaires du journal Le Miroir.
Dirigé par Françoise Petit, sa femme, Balmer évolue sur le vaste plateau en cherchant encore ses marques, qu'il trouvera sans aucun doute au fil des représentations qu'il reprendra à la prochaine saison, fin décembre, le soir de la première, conscient de ses lacunes, il a salué avec une modestie louable le «talent» du public.
«Une formidable erreur»
Pourtant, il n'est pas loin de relever ce défi audacieux. Fort de son expérience et de son aura, il réussit à nous embarquer aux côtés de Bardamu dans l'horreur de la guerre, «une formidable erreur», où le personnage sauve ses «tripes», mais reste «marqué à la tête pour toujours». Magnifiquement éclairés par Thierry Wilmort, les traits de Jean-François Balmer se confondent souvent avec ceux de Bardamu, bouleversé par l'absurdité de l'existence. Marchant dans ses pas, l'acteur nous entraîne à la rencontre de vrais personnages populaires, comme son fameux ami Robinson ou la gentille prostituée Molly qui tentera de lui redonner goût à la vie. On suit Jean-François Balmer jusqu'au bout du voyage, avec un mélange d'admiration et le désir de l'encourager à aller de l'avant.
Nathalie SIMON
Les Gémeaux, 92330 Sceaux.
Jusqu'au 6 avril, à 20 h 45.
01 46 61 36 67.
Les réservations pour la séance de mardi sont closes : c'est complet. Mais il reste de places pour mercredi.
RépondreSupprimer25 euros en tarif normal.
E C-G
Très grosse affluence : le théâtre est bondé. Des chaises pliantes fleurissent dans les hauteurs, à proximité de la régie.
RépondreSupprimerLa scène, habillée avec économie, est très spacieuse. Bardamu est posé dessus : dans un trou pour commencer (la guerre), dans un plumard ensuite (l'Afrique), sur un banc pour continuer (New York), sur une chaise enfin (le cabinet médical). Il fait nuit, le ciel est sombre et torturé en toile de fond.
La voix de Ferdinand se fait entendre, chevrotante, hésitante, un peu balourde, empâtée. L’artiste fait résonner la prose célinienne en adoptant un rythme volontiers syncopé, aéré par des silences asthmatiques assez laborieux et patauds.
Notre homme fait preuve de pugnacité et de générosité deux heures durant. Une ténacité largement récompensée par les applaudissements nourris d’un auditoire majoritairement conquis.
Mes voisins de fauteuils ont néanmoins profité de l’entracte pour se carapater, après 1h30 de voyage. J’ai résisté à l’envie de prendre la tangente à mon tour, afin d’échapper à cette somnolence qui me gagnait progressivement. Mais je suis resté encore trente minutes, jusqu’au bout, « qu’on n’en parle plus ».
Je suis rentré à la maison, quelque peu anesthésié, avec la sensation d’avoir assisté à un combat perdu d’avance. L’artiste semblait comme résigné, impuissant face à une œuvre inexorable, écrasé par la volonté de ne pas trahir. La tâche semblait trop rude, les responsabilités trop grandes.
En somme, je suis resté du mauvais côté de la vie.
E C-G
Merci pour ce compte-rendu...
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