À sa parution en 1932, «Voyage au bout de la nuit» obtint le prix Renaudot et manqua de peu le Goncourt. Il est impossible de nier que ce succès d’édition a profondément enouvelé la littérature contemporaine, confirmé par la parution de «Mort à Crédit».
L'apport de Louis-Ferdinand Céline à l'histoire de la littérature est incontestable. Son écriture inédite s’inspire d’abord de ses lectures. Céline comme bon nombre d’écrivains a lu les classiques. Il aimait évoquer dans ses entretiens ou sa correspondance des «autorités» auxquelles il se référait. Parmi elles Shakespeare, Pascal, Molière, Chateaubriand, Voltaire, Dostoïevski, Zola… Sans oublier l’influence de ses contemporains : ceux dont il se sentait proche pour diverses raisons (Henri Barbusse, Paul Morand) ou ceux dont les oeuvres étaient pour lui des repoussoirs (André Gide, Georges Duhamel). Son écriture a donc bénéficié de la tutelle de ces grands écrivains. «Voyage au bout de la nuit» en est la parfaite illustration : on y trouve des transpositions de Montaigne ou de Voltaire.
En quoi ce roman a-t-il révolutionné la littérature ? D’abord parce qu’il s’agit d’un roman de la diction qui déroule des phrases avant de dérouler des événements. L’impression d’oralité populaire donne son ton à la poétique d’ensemble. Céline déclarait dans un entretien : « Dans le « Voyage», je fais encore certains sacrifices à la littérature, la « bonne littérature ». On trouve la phrase bien filée… «À mon sens, au point de vue technique, c’est un peu attardé ». Céline a ainsi révolutionné l'écriture par l'introduction du langage parlé, souvent argotique. Une révolution également par les thèmes évoqués et leur contraste avec la manière de les décliner. Ainsi, dans un lyrisme débridé, son oeuvre évoque surtout dans la dérision la misère et le désespoir humains. Cet humour, qui tranche avec la dureté de l’histoire racontée, repose entre autres sur une onomastique profondément ironique et scabreuse. Un de ses procédés originaux est ainsi l’utilisation de plus d’une centaine de noms fictifs, toponymes et patronyme confondus.
La temporalité de son oeuvre a également suscité de nombreux commentaires. En effet, certains critiques ont vu dans ses romans une « littérature carnavalesque caractérisée par une hyper-actualité de ce qui est vécu et une impossibilité de perception distanciée du temps». Va-et-vient temporel, ellipses, répétitions sont ainsi remarquables dans «Voyage». Après le succès retentissant de ce «Voyage au bout de la nuit», Céline entama très vite un nouveau roman, «Mort à Crédit». Il voulait illustrer par ce titre l’étouffement des petits commerçants croulant sous les crédits. Le recours à l'humour et le registre satirique confirment l'originalité d'un style unique. Pour ces raisons, ces oeuvres peuvent être considérées comme des chefs-d'oeuvre littéraires. Et pourtant, même si sa haine antisémite n’est véritablement prégnante que dans trois de ses quatre pamphlets («Bagatelles pour un massacre», «L’école des cadavres», «Les beaux draps»), l’esthétique entière de Céline a partie liée avec un antihumanisme dérangeant impossible à nier. On ne peut l’en disculper sans risquer de contresens.
Catherine GARSON
Actualité Juive n°1152 du 10 février 2011
L'apport de Louis-Ferdinand Céline à l'histoire de la littérature est incontestable. Son écriture inédite s’inspire d’abord de ses lectures. Céline comme bon nombre d’écrivains a lu les classiques. Il aimait évoquer dans ses entretiens ou sa correspondance des «autorités» auxquelles il se référait. Parmi elles Shakespeare, Pascal, Molière, Chateaubriand, Voltaire, Dostoïevski, Zola… Sans oublier l’influence de ses contemporains : ceux dont il se sentait proche pour diverses raisons (Henri Barbusse, Paul Morand) ou ceux dont les oeuvres étaient pour lui des repoussoirs (André Gide, Georges Duhamel). Son écriture a donc bénéficié de la tutelle de ces grands écrivains. «Voyage au bout de la nuit» en est la parfaite illustration : on y trouve des transpositions de Montaigne ou de Voltaire.
En quoi ce roman a-t-il révolutionné la littérature ? D’abord parce qu’il s’agit d’un roman de la diction qui déroule des phrases avant de dérouler des événements. L’impression d’oralité populaire donne son ton à la poétique d’ensemble. Céline déclarait dans un entretien : « Dans le « Voyage», je fais encore certains sacrifices à la littérature, la « bonne littérature ». On trouve la phrase bien filée… «À mon sens, au point de vue technique, c’est un peu attardé ». Céline a ainsi révolutionné l'écriture par l'introduction du langage parlé, souvent argotique. Une révolution également par les thèmes évoqués et leur contraste avec la manière de les décliner. Ainsi, dans un lyrisme débridé, son oeuvre évoque surtout dans la dérision la misère et le désespoir humains. Cet humour, qui tranche avec la dureté de l’histoire racontée, repose entre autres sur une onomastique profondément ironique et scabreuse. Un de ses procédés originaux est ainsi l’utilisation de plus d’une centaine de noms fictifs, toponymes et patronyme confondus.
La temporalité de son oeuvre a également suscité de nombreux commentaires. En effet, certains critiques ont vu dans ses romans une « littérature carnavalesque caractérisée par une hyper-actualité de ce qui est vécu et une impossibilité de perception distanciée du temps». Va-et-vient temporel, ellipses, répétitions sont ainsi remarquables dans «Voyage». Après le succès retentissant de ce «Voyage au bout de la nuit», Céline entama très vite un nouveau roman, «Mort à Crédit». Il voulait illustrer par ce titre l’étouffement des petits commerçants croulant sous les crédits. Le recours à l'humour et le registre satirique confirment l'originalité d'un style unique. Pour ces raisons, ces oeuvres peuvent être considérées comme des chefs-d'oeuvre littéraires. Et pourtant, même si sa haine antisémite n’est véritablement prégnante que dans trois de ses quatre pamphlets («Bagatelles pour un massacre», «L’école des cadavres», «Les beaux draps»), l’esthétique entière de Céline a partie liée avec un antihumanisme dérangeant impossible à nier. On ne peut l’en disculper sans risquer de contresens.
Catherine GARSON
Actualité Juive n°1152 du 10 février 2011
Céline humaniste pour les uns, antihumaniste pour les autres... anti- et pro-, toujours sur le même étalon... cessons de nous prendre pour l'Humanité !
RépondreSupprimer"Voyager, c'est bien utile, ça fait travailler l'imagination. Tout le reste n'est que déceptions et fatigues. Notre voyage à nous est entièrement imaginaire. Voilà sa force. "
RépondreSupprimerCombien de lecteurs oublient d'être de simples voyageurs ? Et de se laisser porter "de l'autre côté de la vie" ?
E C-G
Parlons de contresens ! Celui que fait l'auteur de cette chronique sur le titre "Mort à crédit" prouve qu'elle n'a pas lu le livre ou, pire, qu'elle ne l'a pas compris...Il s'agit de notre mort - la délivrance - que nous payons tout au long de notre vie,afin de nous acquitter de l' obole que nous remettrons en passant le Styx. Prétention, ignorance, etc.etc.
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