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vendredi 24 juin 2011

Céline, mort il y a 50 ans, attise toujours les passions - AFP - 24 juin 2011

Génial et détestable, Louis-Ferdinand Céline, dont la puissance de l'oeuvre reste entachée par son antisémitisme, suscite toujours les passions cinquante ans après sa mort, le 1er juillet 1961, comme il l'avait fait de son vivant.

Ce 50e anniversaire devait-il être célébré ? La République française a jugé que non.

En janvier, Serge Klarsfeld, président de l'association des fils et filles de déportés juifs de France, s'était insurgé contre la présence de Céline dans les célébrations nationales 2011. Pour lui, le talent de l'auteur du "Voyage au bout de la nuit" ne doit "jamais faire oublier l'homme qui lançait des appels aux meurtres des juifs sous l'Occupation. Que la République le célèbre, c'est indigne". Certains, dont Bertrand Delanoë, l'avaient suivi, d'autres avaient parlé d'un mauvais procès. Le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand avait tranché : le nom de Céline a été rayé de la liste des célébrations. "C'est injuste. Céline est un immense écrivain français, le plus traduit et le plus diffusé dans le monde après Proust... En dehors de ça, c'est un pur salaud", résume Henri Godard, éditeur de Céline dans La Pléiade et qui vient de publier une volumineuse biographie de l'écrivain. Comme le dit Philippe Sollers, qui se penche sur l'oeuvre de Céline depuis 1963, "des salauds, il y en a beaucoup. De très grands écrivains, il y en a très peu".

Céline, auteur de trois pamphlets antisémites, "a ajouté son cyanure et son vitriol à cet antisémitisme qui demeure (...) une plaie ouverte dans la conscience française", relève Jean-Marie Rouart, de l'Académie française. "Pour autant, cet antisémitisme doit-il disqualifier l'écrivain Céline ? Evidemment, non", estime-t-il dans une préface à "Céline, l'infréquentable" de Joseph Vebret. La vie et l'oeuvre de Céline, en grande partie autobiographique, sont inséparables, pour le meilleur et pour le pire.

Louis-Ferdinand Destouches, né le 27 mai 1894, passe son enfance passage Choiseul, à Paris, où sa mère tient un magasin de dentelles. Après la guerre de 1914-1918, pendant laquelle il est grièvement blessé à la tête, le futur écrivain commence ses études de médecine. Dans son premier roman, "Voyage au bout de la nuit", il relate son expérience de la guerre, sous un jour grotesque et sordide. Ce récit tourmenté à la langue volcanique fait l'effet d'une bombe. Publié en 1932, il manque de peu le Goncourt et obtient le Renaudot. C'est alors que le docteur Destouches prend pour nom de plume le prénom de sa grand-mère, Céline. Paru en 1936, "Mort à crédit", son deuxième livre, encore plus désespéré et disloqué, se nourrit de sa jeunesse et dérive dans l'imaginaire. La même année, il publie un texte anti-soviétique, "Mea Culpa", après un séjour en URSS où "Le Voyage" est traduit.

Puis il écrit des pamphlets orduriers, particulièrement contre les juifs : "Bagatelles pour un massacre", "L'Ecole des cadavres", "Les Beaux Draps". Son outrance est telle que les antisémites les plus virulents se désolidarisent de lui. En Russie, après guerre, on parle de lui comme "une nullité littéraire et un criminel fasciste". Au lendemain du Débarquement, il fuit la France. D'abord en Allemagne puis au Danemark. Il est sous le coup d'un mandat d'arrêt pour trahison.
En décembre 1945, il est emprisonné dans le quartier des condamnés à mort au Danemark, qui refuse de l'extrader mais le remet en liberté sur parole en juin 1947. En avril 1951, l'ancien combattant Louis Destouches est amnistié par la justice française. De retour en France, il écrira encore "Nord" (1960), dans lequel il retrace sa traversée de l'Allemagne en 1945, ou "Rigodon", publié après sa mort à Meudon.

Des originaux de ses livres ou de sa correspondance se sont vendus à prix d'or aux enchères cette année.

Myriam CHAPLAIN-RIOU
Photo : Affiche et photos de Louis-Ferdinand Céline lors d'une vente aux enchères à Drouot, le 17 juin 2011 (AFP/Archives, Lionel Bonaventure)

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