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mercredi 15 juin 2011

Voyage au bout de la nuisette par Jacques Aboucaya

Maroushka fait des entrechats dans le monde de Céline et du réchauffé.

Un titre en trompe-l'œil. Voire une arnaque pure et simple. Chez Céline ? Plutôt chez Lucette Destouches, professeur de danse de son état. L'auteur fut son élève entre six et dix-sept ans. À l'en croire, quasiment sa fille adoptive. Quant à Louis, s'il hante ces pages, c'est à la manière d'un fantôme qu'on entend sans jamais le voir. Dont on devine seulement la présence furtive. L'apprentie ballerine le découvre peu à peu, mais seulement à travers les confidences de Lucette. Elle se souvient des chiens, du perroquet Toto. De Madame Agnès, l'intendante. Surtout des visiteurs de la maison de Meudon, route des Gardes, où l'écrivain noircit ses feuillets tandis qu'au-dessus de sa tête les petits rats font des pointes. Parmi les familiers, Arletty, la payse de Céline. Marcel Aymé, qui accompagne en cours sa petite-fille, se brouille et se réconcilie cent fois avec Ferdinand. Et puis Michel Simon. Quelques autres, silhouettes entrevues qu'elle conserve dans sa mémoire. Rien de palpitant ni de piquant. Pas de révélations — sinon que Malraux à Verrières, chez Louise de Vilmorin, poussait la nuit des hurlements de loup. Hou, hou.
Les voisins s'inquiétaient. Quant à Arletty, elle usait du même parfum que madame Almanzor : l'Heure bleue de Guerlain. Le reste, les relations au sein du couple, les souffrances de l'écrivain, ses migraines « à le rendre fou » (l'expression revient souvent), les tribulations danoises, la genèse de Rigodon, rien que du réchauffé. Une matière usée jusqu'à la corde. Des détails de seconde main. Narrés à la diable, qui plus est. Maroushka s'emmêle un peu les pinceaux entre les futurs et les conditionnels. On en déduira que la vocation de danseuse ne prédispose pas forcément à celle d'écrivain. Et que si le nom de Louis-Ferdinand Céline, glissé dans le titre, reste un pavillon aguicheur, il peut recouvrir une marchandise douteuse.

Jacques ABOUCAYA*
Service Littéraire n°42, juin 2011.

Maroushka, Une enfance chez Louis-Ferdinand Céline, Ed. Michel de Maule, 165 p., 19€.

* Écrivain et journaliste, dernier ouvrage paru "Mûrir de désir" au Rocher.
Commande possible sur Amazon.fr.

1 commentaire:

  1. Les danseuses, c'est connu, pensent d'abord avec leurs pieds et parfois, mais rarement, comme des pieds. Il est aussi de notoriété publique qu'elles ne quittent guère le miroir de leurs yeux. Alors, qu'attendre des "souvenirs" d'une petite danseuse, si jeune alors, si papillon...

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