Il y aura embouteillage ce vendredi matin au cimetière des Longs Réages à Meudon. A midi, la Société d’Etudes Céliniennes, présidée par Me François Gibault, déposera une gerbe sur la tombe de Louis-Ferdinand Destouches dit Céline à l’occasion du cinquantième anniversaire de sa mort. Les éditeurs n’ont pas attendu juillet pour coller à la commémoration (pas célébration, non promis, pas célébration, ni nationale ni internationale). L’abondante bibliographie célinienne s’est enrichie d’une dizaine de nouveaux titres, pas tous indispensables. Deux surnagent : l’un très attendu, l’autre inattendu.
Le premier est la biographie d’Henri Godard Céline (608 pages, 25,50 euros, Gallimard), universitaire dont la réputation de sagesse sur un sujet aussi brûlant n’est plus à faire, comme en témoignent ses propres essais et son édition de l’œuvre et de la correspondance de Céline dans la Pléiade. Après les vies de Céline signées Gibault, Bardèche, Vitoux, Alméras, celle de Godard entend « retracer le chemin de la vie à l’œuvre », démanichéiser la lecture de l’une et l’autre en les rendant tant à leur intimité qu’à leur complexité. Son Céline est un, génie et haine confondus. Comment en est-il venu à une vision aussi sombre de la vie et des hommes ? Pourquoi l’a-t-il exprimée de manière si radicale ? Qu’est-ce qui l’a amené à refouler ce qu’il avait en lui de compassion et de sensibilité ? Comment le Mal l’a-t-il si complètement envahi jusqu’à déshumaniser l’Autre ? Comment est né sa vocation d’écrivain sur un tel substrat ? Comment a-t-il affronté ses contradictions ? Telles sont les questions que s’est posées Henri Godard, et auxquelles son livre entend répondre. Un modèle de rigueur, de sérieux, de vérification, de mesure ce qui est d’autant plus appréciable s’agissant d’une œuvre et d’un homme qui en manquait. Il fera référence, aux côtés de quelques autres dont le principal handicap fut d’avoir été publié en un temps où toutes les lettres n’étaient pas accessibles. Dommage que son récit, monocorde jusqu’à l’ennui, manque à ce point d’allant, de mordant, d’humour, de style quoi !
Le second livre à retenir est inattendu. Non que David Alliot (né en 1973) soit inconnu au bataillon des céliniens, tout au contraire (six titres déjà à son actif sur le sujet). Mais son projet est rien moins que surprenant. D’un Céline l’autre (1184 pages, 30 euros, Bouquins/Laffont) est la plus originale des anthologies. L’éditeur de cette somme assure que si un tiers de ces témoignages était connu, le deuxième tiers était difficilement accessible et le troisième tout à fait inédit. Ils sont heureusement classés par ordre chronologique, et non par correspondants, thèmes ou familles d’esprit, car tout cela serait illisible sorti de son contexte précis. Ainsi ils ont souvent la valeur de notes à leurs dates. L’étude de la réception d’une œuvre est un genre à part, une discipline en soi. Mais ce livre, qui se tient en marge des études, ignore volontairement l’accueil critique réservé à cette oeuvre. Car tel n’est pas son objet. Ce rassemblement systématique de témoignages sur un écrivain, à travers des Journaux intimes, des mémoires et des correspondances, entreprise à notre connaissance inédite, est si édifiant qu’il pourrait être le chevau-léger d’une collection prometteuse ; reste à lui trouver un titre car on n’imagine pas « D’un Faulkner l’autre »… Céline est l’archétype du « cavalier seul » comme le rappelle François Gibault dans sa préface. L’avocat de Lucette Destouches née Almanzor (un nom qui fleure bon l’Espagne musulmane, dérivé de l’arabe Al-Mansour, le seigneur) ne manque pas d’imagination pour le qualifier : « homme des cavernes », « spectateur du déluge », « cavalier de l’apocalypse », « prophète du mal », « chien de garde », « chien d’aveugle et de traîneau », et même « puceau de l’horreur » encore que ce dernier se rapporte au jeune cuirassé de 14-18. La guerre, toujours. Celle-là et pas une autre. On n’en sort pas dès lors qu’il s’agit de comprendre ce qu’il y a d’ailleurs la moindre page de Céline. Toutes les pages ? « Il n’y a pas d’autres explication des pamphlets » assure François Gibault ; il rappelle que l’écrivain avait demandé à son éditeur Robert Denoël que celui-ci ceinture Bagatelles pour un massacre du bandeau « Pour bien rire dans les tranchées », mais l’argument ne convainc pas. Il en faut davantage à qui veut saisir le moment où Céline passe de l’humanisme du Voyage au bout de la nuit à la haine meurtrière distillée par les pamphlets. Sur la durée, on voit bien l’évolution du jeune séducteur passionné de danse classique au vieux misanthrope ruminant son ressentiment dans son pavillon. Rien de bien mystérieux. C’est dans la charnière des années 30 qu’il faut creuser cette région obscure de l’âme où le mal absolu s’oppose à la fraternité.
On connaît les témoins à décharge, ils répondent à l’appel, Jacques Benoist-Méchin, Gen Paul, Lucien Combelle, Gerhard Heller… On connaît moins les témoins à charge. Non à retardement mais en leur temps, Abel Gance, Ernst Jünger, Paul Léautaud, Henry de Montherlant, Roger Vailland… Entre les uns et les autres, on trouve des surprises, tel l’abbé Mugnier en qui Céline voit « un compagnon d’infini ». Les récits de dîner chez Bernard Steele ( un temps l’associé de Robert Denoël) ou chez Benjamin Crémieux valent vraiment le détour. La préface de David Alliot fourmille elle-même d’informations. On y découvre que le manuscrit olographe du Voyage attend encore ses exégètes à la BnF quand on aurait crû qu’il avait déjà été maintes fois l’objet d’études approfondies ; le tapuscrit dort encore dans une collection privée à l’abri des regards génétiques ; ainsi l’analyse des nombreuses variantes et différences entre les deux reste à faire. Alliot rappelle également que Sigmaringen, ainsi correctement orthographié dans les actuelles éditions de D’un château l’autre (« D’un château l’hôte »…), l’était à l’origine « Siegmaringen » par la volonté de Céline de souhaiter la victoire (Sieg) de l’Allemagne. On apprend aussi que Folio vend 50 000 exemplaires du Voyage au bout de la nuit par an (on lira ici sa lettre du 14 avril 1932 à Gaston Gallimard). En revanche, on ne suivra pas David Alliot, mais alors pas du tout, lorsque, dans la dernière page de son avant-texte, il écrit : « Si l’on peut comprendre les résistances ou les hésitations devant une reconnaissance « officielle » de Céline, il est toujours curieux de constater que certains écrivains guère plus « philosémites » comme Paul Morand, Paul Léautaud ou Georges Simenon, en bénéficient ». Chacun est un cas et, sur cette question précise, chacun de ces cas n’a rien à voir avec le cas Céline. Mais ce jugement n’entache en rien la réussite et la richesse de cette masse documentaire heureusement indexée.
N’en déplaise à ceux qui voudraient l’enterrer une fois pour toutes, Céline est plus vivant que jamais. Mais il s’en est fallu de peu que son œuvre s’arrête aux Beaux draps. En 1943, Roger Vailland et quelques autres « terroristes » de ses amis avaient l’habitude de se réunir clandestinement dans un appartement d’un immeuble situé à l’angle de la rue Girardon et de l’avenue Junot. Céline vivait au 5ème étage. L’étage du dessus. Il recevait parfois des journalistes de Je suis partout. Un jour, Vailland et sa bande décidèrent de les exécuter. Quand ils en vinrent aux moyens (lancer de grenade par la fenêtre ou mitraillage dans le square ?), Jacques-Françis Rolland objecta : « Laubreaux, bien sûr. Ralph Soupault, certainement, c’est un pourri du PPF. Mais Céline ?.. C’est tout de même difficile d’abattre comme un chien l’auteur du Voyage au bout de la nuit. » La discussion fut âpre entre les pour et les contre. Le talent est-il une excuse ? La décision fut repoussée, la répression les détourna de leur objectif. Roger Vailland se souvint de cette soirée en publiant en 1950 une critique de Casse-Pipe dans La Tribune des nations. Constatant que, de son petit groupe de résistants, trois seulement sur dix avaient survécu, sa conclusion était plutôt amère :
« Laubreaux complote à Madrid son retour et notre mort. Soupault survit et jure qu’il aura notre peau. Et Céline, de Copenhague, écrit des lettres d’injures aux écrivains qui ne « collaboraient pas » et un mauvais livre que tous les « collabos » achètent parce qu’il collabora. Je crois que notre mansuétude fut un marché de dupes et par surplus une mauvaise action ».
L’article s’intitulant « Nous n’épargnerons plus Louis-Ferdinand Céline », ce dernier réagit vivement en dénonçant « un véritable appel au meurtre », jugement d’expert sous la plume du pamphlétaire. Dominique de Roux, qui lui consacra deux Cahiers de l'Herne dès 1963 et 1965 avant d'écrire un remarquable texte sur La Mort de Louis-Ferdinand Céline (Bourgois 1966, La Table ronde, 2008), disait que les controverses autant que la fascination qu'il suscite font toujours de lui un "impardonnable". Le mot figure en quatrième de couverture de ce volume d'anthologie publié aujourd'hui à l'initiative de l'éditeur Pierre-Guillaume de Roux, fils de Dominique. Il est précisé que dans la bouche de celui-ci, la formule était admirative. Elle peut aussi s'entendre tout autrement. On n'en a pas fini avec Céline.
Pierre ASSOULINE
La République des livres, 1er juillet 2011.
Photo (Le Petit Célinien) : tombe de Céline, 1er juillet 2011.
Le premier est la biographie d’Henri Godard Céline (608 pages, 25,50 euros, Gallimard), universitaire dont la réputation de sagesse sur un sujet aussi brûlant n’est plus à faire, comme en témoignent ses propres essais et son édition de l’œuvre et de la correspondance de Céline dans la Pléiade. Après les vies de Céline signées Gibault, Bardèche, Vitoux, Alméras, celle de Godard entend « retracer le chemin de la vie à l’œuvre », démanichéiser la lecture de l’une et l’autre en les rendant tant à leur intimité qu’à leur complexité. Son Céline est un, génie et haine confondus. Comment en est-il venu à une vision aussi sombre de la vie et des hommes ? Pourquoi l’a-t-il exprimée de manière si radicale ? Qu’est-ce qui l’a amené à refouler ce qu’il avait en lui de compassion et de sensibilité ? Comment le Mal l’a-t-il si complètement envahi jusqu’à déshumaniser l’Autre ? Comment est né sa vocation d’écrivain sur un tel substrat ? Comment a-t-il affronté ses contradictions ? Telles sont les questions que s’est posées Henri Godard, et auxquelles son livre entend répondre. Un modèle de rigueur, de sérieux, de vérification, de mesure ce qui est d’autant plus appréciable s’agissant d’une œuvre et d’un homme qui en manquait. Il fera référence, aux côtés de quelques autres dont le principal handicap fut d’avoir été publié en un temps où toutes les lettres n’étaient pas accessibles. Dommage que son récit, monocorde jusqu’à l’ennui, manque à ce point d’allant, de mordant, d’humour, de style quoi !
Le second livre à retenir est inattendu. Non que David Alliot (né en 1973) soit inconnu au bataillon des céliniens, tout au contraire (six titres déjà à son actif sur le sujet). Mais son projet est rien moins que surprenant. D’un Céline l’autre (1184 pages, 30 euros, Bouquins/Laffont) est la plus originale des anthologies. L’éditeur de cette somme assure que si un tiers de ces témoignages était connu, le deuxième tiers était difficilement accessible et le troisième tout à fait inédit. Ils sont heureusement classés par ordre chronologique, et non par correspondants, thèmes ou familles d’esprit, car tout cela serait illisible sorti de son contexte précis. Ainsi ils ont souvent la valeur de notes à leurs dates. L’étude de la réception d’une œuvre est un genre à part, une discipline en soi. Mais ce livre, qui se tient en marge des études, ignore volontairement l’accueil critique réservé à cette oeuvre. Car tel n’est pas son objet. Ce rassemblement systématique de témoignages sur un écrivain, à travers des Journaux intimes, des mémoires et des correspondances, entreprise à notre connaissance inédite, est si édifiant qu’il pourrait être le chevau-léger d’une collection prometteuse ; reste à lui trouver un titre car on n’imagine pas « D’un Faulkner l’autre »… Céline est l’archétype du « cavalier seul » comme le rappelle François Gibault dans sa préface. L’avocat de Lucette Destouches née Almanzor (un nom qui fleure bon l’Espagne musulmane, dérivé de l’arabe Al-Mansour, le seigneur) ne manque pas d’imagination pour le qualifier : « homme des cavernes », « spectateur du déluge », « cavalier de l’apocalypse », « prophète du mal », « chien de garde », « chien d’aveugle et de traîneau », et même « puceau de l’horreur » encore que ce dernier se rapporte au jeune cuirassé de 14-18. La guerre, toujours. Celle-là et pas une autre. On n’en sort pas dès lors qu’il s’agit de comprendre ce qu’il y a d’ailleurs la moindre page de Céline. Toutes les pages ? « Il n’y a pas d’autres explication des pamphlets » assure François Gibault ; il rappelle que l’écrivain avait demandé à son éditeur Robert Denoël que celui-ci ceinture Bagatelles pour un massacre du bandeau « Pour bien rire dans les tranchées », mais l’argument ne convainc pas. Il en faut davantage à qui veut saisir le moment où Céline passe de l’humanisme du Voyage au bout de la nuit à la haine meurtrière distillée par les pamphlets. Sur la durée, on voit bien l’évolution du jeune séducteur passionné de danse classique au vieux misanthrope ruminant son ressentiment dans son pavillon. Rien de bien mystérieux. C’est dans la charnière des années 30 qu’il faut creuser cette région obscure de l’âme où le mal absolu s’oppose à la fraternité.
On connaît les témoins à décharge, ils répondent à l’appel, Jacques Benoist-Méchin, Gen Paul, Lucien Combelle, Gerhard Heller… On connaît moins les témoins à charge. Non à retardement mais en leur temps, Abel Gance, Ernst Jünger, Paul Léautaud, Henry de Montherlant, Roger Vailland… Entre les uns et les autres, on trouve des surprises, tel l’abbé Mugnier en qui Céline voit « un compagnon d’infini ». Les récits de dîner chez Bernard Steele ( un temps l’associé de Robert Denoël) ou chez Benjamin Crémieux valent vraiment le détour. La préface de David Alliot fourmille elle-même d’informations. On y découvre que le manuscrit olographe du Voyage attend encore ses exégètes à la BnF quand on aurait crû qu’il avait déjà été maintes fois l’objet d’études approfondies ; le tapuscrit dort encore dans une collection privée à l’abri des regards génétiques ; ainsi l’analyse des nombreuses variantes et différences entre les deux reste à faire. Alliot rappelle également que Sigmaringen, ainsi correctement orthographié dans les actuelles éditions de D’un château l’autre (« D’un château l’hôte »…), l’était à l’origine « Siegmaringen » par la volonté de Céline de souhaiter la victoire (Sieg) de l’Allemagne. On apprend aussi que Folio vend 50 000 exemplaires du Voyage au bout de la nuit par an (on lira ici sa lettre du 14 avril 1932 à Gaston Gallimard). En revanche, on ne suivra pas David Alliot, mais alors pas du tout, lorsque, dans la dernière page de son avant-texte, il écrit : « Si l’on peut comprendre les résistances ou les hésitations devant une reconnaissance « officielle » de Céline, il est toujours curieux de constater que certains écrivains guère plus « philosémites » comme Paul Morand, Paul Léautaud ou Georges Simenon, en bénéficient ». Chacun est un cas et, sur cette question précise, chacun de ces cas n’a rien à voir avec le cas Céline. Mais ce jugement n’entache en rien la réussite et la richesse de cette masse documentaire heureusement indexée.
N’en déplaise à ceux qui voudraient l’enterrer une fois pour toutes, Céline est plus vivant que jamais. Mais il s’en est fallu de peu que son œuvre s’arrête aux Beaux draps. En 1943, Roger Vailland et quelques autres « terroristes » de ses amis avaient l’habitude de se réunir clandestinement dans un appartement d’un immeuble situé à l’angle de la rue Girardon et de l’avenue Junot. Céline vivait au 5ème étage. L’étage du dessus. Il recevait parfois des journalistes de Je suis partout. Un jour, Vailland et sa bande décidèrent de les exécuter. Quand ils en vinrent aux moyens (lancer de grenade par la fenêtre ou mitraillage dans le square ?), Jacques-Françis Rolland objecta : « Laubreaux, bien sûr. Ralph Soupault, certainement, c’est un pourri du PPF. Mais Céline ?.. C’est tout de même difficile d’abattre comme un chien l’auteur du Voyage au bout de la nuit. » La discussion fut âpre entre les pour et les contre. Le talent est-il une excuse ? La décision fut repoussée, la répression les détourna de leur objectif. Roger Vailland se souvint de cette soirée en publiant en 1950 une critique de Casse-Pipe dans La Tribune des nations. Constatant que, de son petit groupe de résistants, trois seulement sur dix avaient survécu, sa conclusion était plutôt amère :
« Laubreaux complote à Madrid son retour et notre mort. Soupault survit et jure qu’il aura notre peau. Et Céline, de Copenhague, écrit des lettres d’injures aux écrivains qui ne « collaboraient pas » et un mauvais livre que tous les « collabos » achètent parce qu’il collabora. Je crois que notre mansuétude fut un marché de dupes et par surplus une mauvaise action ».
L’article s’intitulant « Nous n’épargnerons plus Louis-Ferdinand Céline », ce dernier réagit vivement en dénonçant « un véritable appel au meurtre », jugement d’expert sous la plume du pamphlétaire. Dominique de Roux, qui lui consacra deux Cahiers de l'Herne dès 1963 et 1965 avant d'écrire un remarquable texte sur La Mort de Louis-Ferdinand Céline (Bourgois 1966, La Table ronde, 2008), disait que les controverses autant que la fascination qu'il suscite font toujours de lui un "impardonnable". Le mot figure en quatrième de couverture de ce volume d'anthologie publié aujourd'hui à l'initiative de l'éditeur Pierre-Guillaume de Roux, fils de Dominique. Il est précisé que dans la bouche de celui-ci, la formule était admirative. Elle peut aussi s'entendre tout autrement. On n'en a pas fini avec Céline.
Pierre ASSOULINE
La République des livres, 1er juillet 2011.
Photo (Le Petit Célinien) : tombe de Céline, 1er juillet 2011.
Pierre Assouline, merci pour ce long et sérieux article, et pour avoir attiré l’attention sur le livre de David Alliot qui ouvre effectivement de nouveaux horizons sur l’oeuvre et sur l’homme.
RépondreSupprimerQuelques remarques. Concernant Henri Godard vous évoquez « sa réputation de sagesse », et plus loin, s’agissant de sa démarche, sa « mesure ». C’est exact, on pourrait même aller jusqu’à dire sa prudence qui tend parfois au mutisme ou à la cécité. Ceci n’enlevant en rien au grand intérêt de son ouvrage.
Au milieu de toutes les questions qui animent le livre de Henri Godard telles que vous les exprimez, il en est une qui les résume toutes : « Qu’est-ce qui l’a amené à refouler ce qu’il avait en lui de compassion et de sensibilité ? »
Je pense justement que c’est sa compassion et sa sensibilité qui lui ont fait écrire des choses pour certains difficilement soutenables.
Gardons en mémoire le texte de Baudelaire « Assommons les pauvres ». La médecine à administrer à une France et à un monde en complète perdition ne devait-elle pas, pour le médecin et l’écrivain Céline, être du même ordre ?
« Il en faut davantage à qui veut saisir le moment où Céline passe de l’humanisme du Voyage au bout de la nuit à la haine meurtrière distillée par les pamphlets. » « Haine meurtrière » ne me paraît pas approprié et ferait de Céline un possédé, ce qu’il n’était pas, cependant je crois que nous n’aurons pas bien loin à chercher pour examiner de tels phénomènes avec les événements qui se préparent, et que quelques vocations de sérieux haineux risquent de voir le jour.
« Sur la durée, on voit bien l’évolution du jeune séducteur passionné de danse classique au vieux misanthrope ruminant son ressentiment dans son pavillon. Rien de bien mystérieux. » La durée prend un curieux raccourci et le mystère me semble bien vite expédié. Mais nous sommes à une époque qui n’aime pas les mystères, et qui va même jusqu’à nier leur existence.
La dernière partie de votre article prend un ton partisan, et il est difficile d’y répondre. Seuls les participants directs et les témoins contemporains pourraient apporter leur pierre, et encore… On pourrait simplement rapporter le fait que Céline savait parfaitement que ces réunions avait lieu, qu’il en avait informé l’un des participants en lui faisant savoir qu’il n’aurait rien à craindre de sa part (pardonnez-moi, je ne dispose sous la main ni de la référence exacte, ni de la source).
Bien cordialement.
"(...) Alliot rappelle également que Sigmaringen, ainsi correctement [? !] orthographié dans les actuelles éditions de D’un château l’autre (« D’un château l’hôte »…), l’était à l’origine « Siegmaringen » par la volonté de Céline de souhaiter la victoire (Sieg) de l’Allemagne. (...)". Bigre ! comment peut-on à ce point confondre la cinglante dérision d'un Céline qui savait la guerre perdue pour les Boches depuis 43 et le 1er degré ? "Siegmaringen" sonne au contraire d'une ironie bien cruelle pour la pétaudière de collabos qui y croupit (croupissement magnifiquement rendu par "D'un Château l'autre" justement) dans une Allemagne en déroute anéantie par les bombes.
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