Marie-Noëlle RECOQUE : Vous êtes connu pour être un spécialiste de L.F. Céline, pourquoi avez-vous eu envie de rédiger une biographie d’Aimé Césaire [Aimé Césaire, le nègre universel, Infolio, 2008] ?
David ALLIOT : J'ai eu un coup de foudre en lisant le Cahier d'un retour au pays natal. Cela fait une vingtaine d'années que je lis Aimé Césaire, c'est un auteur qui me passionne. Comme je suis un peu fouineur, j'ai commencé à accumuler des documents, des éditions rares. Et au final, j’ai commencé à écrire sa vie. C'est arrivé très naturellement, mais sur le long terme
Quelles difficultés avez-vous rencontrées dans votre travail et quelles lacunes n’avez-vous pas réussi à combler ?
Je n'ai pas eu de difficultés si ce n'est le décès de Césaire lui-même qui m’a fait anticiper la publication de l’ouvrage; je devais me rendre à Fort-de-France, fin mai 2008, et rendre mon manuscrit en septembre 2008, pour une publication en janvier 2009. Je n'ai pas eu le loisir de rencontrer les enfants de Césaire, Pierre Aliker et d'autres témoins capitaux. Je vais le faire sous peu, en vue d'une édition « longue » de ma biographie, pour le centenaire de la naissance de Césaire en 2013. J'ai encore beaucoup de matériaux biographiques qui n'ont pas servi.
Faut-il faire (ou pas) le grand écart pour passer de Céline à Césaire ?
En fait je pense (mais cela n'engage que moi) que Céline et Césaire ont de nombreux points communs. Ce sont des poètes qui ont eu une vie palpitante et passionnante, ils se sont engagés politiquement (même si on peut critiquer l'engagement), ils avaient un profond rejet du système en place et une aversion de l'injustice. D’un auteur à l’autre, bien sûr, les styles diffèrent et les résultats également. Mais cela ne m'a pas demandé un effort considérable pour passer de l'un à l'autre. J’aime les hommes de conviction et les gens qui s'engagent.
Dans quelles circonstances des manuscrits de Césaire ont-ils pu être conservés à l’Assemblée nationale ? Je veux parler des œuvres littéraires, notamment un manuscrit du Cahier d’un retour au pays natal.
Ce manuscrit est une merveille conservée à la bibliothèque de l’Assemblée nationale. Il a été acheté à un libraire d’autographes, qui lui-même l’avait acheté à des particuliers, à la fin des années 80, et il est bien conservé. C’est la version la plus ancienne connue du Cahier, il y a des ratures, des ajouts, des corrections, des passages supprimés, ce qui laisse entrevoir comment Césaire travaillait ses poèmes. Sa façon de créer se révèle passionnante. J’étudie d’ailleurs d’autres manuscrits et prépare d’autres ouvrages sur Césaire.
Vous attirez l’attention dans votre ouvrage sur le fait que l’étude des manuscrits de Césaire est primordiale pour la compréhension de la genèse de son œuvre mais vous précisez que cette étude n’en est qu’à ses balbutiements. Que faudrait-il pour qu’elle soit rendue possible ?
Pour qu’il y ait une étude des manuscrits, il faut qu’il y ait un marché de bibliophiles ou de collectionneurs. Pour la simple raison qu’un papier qui n’a aucune valeur marchande est jeté et disparaît. Jusqu’à une date très récente Aimé Césaire n’avait pas une grande valeur bibliophilique et l’on pouvait acheter des autographes, des éditions rares et/ou signées pour une bouchée de pain. Par ignorance ou par préjugé, le marché n’existait pas. Le tapuscrit du Cahier d’un retour au pays natal a été acheté par la bibliothèque de l’Assemblée nationale à peu près 1300 euros (8000 francs) en 1992, un prix dérisoire. Mais les choses changent et la cote de Césaire grimpe très vite. Du coup, les manuscrits commencent à sortir des tiroirs. Cela permet de les étudier au passage. Maintenant il faut que les bibliothèques et les archives les préemptent pour que ces documents littéraires et historiques puissent rejoindre définitivement les collections publiques et deviennent le patrimoine de tous.
Propos recueillis par Marie-Noëlle RECOQUE
La plume francophone, 2 juillet 2010.
David ALLIOT : J'ai eu un coup de foudre en lisant le Cahier d'un retour au pays natal. Cela fait une vingtaine d'années que je lis Aimé Césaire, c'est un auteur qui me passionne. Comme je suis un peu fouineur, j'ai commencé à accumuler des documents, des éditions rares. Et au final, j’ai commencé à écrire sa vie. C'est arrivé très naturellement, mais sur le long terme
Quelles difficultés avez-vous rencontrées dans votre travail et quelles lacunes n’avez-vous pas réussi à combler ?
Je n'ai pas eu de difficultés si ce n'est le décès de Césaire lui-même qui m’a fait anticiper la publication de l’ouvrage; je devais me rendre à Fort-de-France, fin mai 2008, et rendre mon manuscrit en septembre 2008, pour une publication en janvier 2009. Je n'ai pas eu le loisir de rencontrer les enfants de Césaire, Pierre Aliker et d'autres témoins capitaux. Je vais le faire sous peu, en vue d'une édition « longue » de ma biographie, pour le centenaire de la naissance de Césaire en 2013. J'ai encore beaucoup de matériaux biographiques qui n'ont pas servi.
Faut-il faire (ou pas) le grand écart pour passer de Céline à Césaire ?
En fait je pense (mais cela n'engage que moi) que Céline et Césaire ont de nombreux points communs. Ce sont des poètes qui ont eu une vie palpitante et passionnante, ils se sont engagés politiquement (même si on peut critiquer l'engagement), ils avaient un profond rejet du système en place et une aversion de l'injustice. D’un auteur à l’autre, bien sûr, les styles diffèrent et les résultats également. Mais cela ne m'a pas demandé un effort considérable pour passer de l'un à l'autre. J’aime les hommes de conviction et les gens qui s'engagent.
Dans quelles circonstances des manuscrits de Césaire ont-ils pu être conservés à l’Assemblée nationale ? Je veux parler des œuvres littéraires, notamment un manuscrit du Cahier d’un retour au pays natal.
Ce manuscrit est une merveille conservée à la bibliothèque de l’Assemblée nationale. Il a été acheté à un libraire d’autographes, qui lui-même l’avait acheté à des particuliers, à la fin des années 80, et il est bien conservé. C’est la version la plus ancienne connue du Cahier, il y a des ratures, des ajouts, des corrections, des passages supprimés, ce qui laisse entrevoir comment Césaire travaillait ses poèmes. Sa façon de créer se révèle passionnante. J’étudie d’ailleurs d’autres manuscrits et prépare d’autres ouvrages sur Césaire.
Vous attirez l’attention dans votre ouvrage sur le fait que l’étude des manuscrits de Césaire est primordiale pour la compréhension de la genèse de son œuvre mais vous précisez que cette étude n’en est qu’à ses balbutiements. Que faudrait-il pour qu’elle soit rendue possible ?
Pour qu’il y ait une étude des manuscrits, il faut qu’il y ait un marché de bibliophiles ou de collectionneurs. Pour la simple raison qu’un papier qui n’a aucune valeur marchande est jeté et disparaît. Jusqu’à une date très récente Aimé Césaire n’avait pas une grande valeur bibliophilique et l’on pouvait acheter des autographes, des éditions rares et/ou signées pour une bouchée de pain. Par ignorance ou par préjugé, le marché n’existait pas. Le tapuscrit du Cahier d’un retour au pays natal a été acheté par la bibliothèque de l’Assemblée nationale à peu près 1300 euros (8000 francs) en 1992, un prix dérisoire. Mais les choses changent et la cote de Césaire grimpe très vite. Du coup, les manuscrits commencent à sortir des tiroirs. Cela permet de les étudier au passage. Maintenant il faut que les bibliothèques et les archives les préemptent pour que ces documents littéraires et historiques puissent rejoindre définitivement les collections publiques et deviennent le patrimoine de tous.
Propos recueillis par Marie-Noëlle RECOQUE
La plume francophone, 2 juillet 2010.
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