Frank Castorf, dramaturge attitré de la Volksbühne, a mis en scène en 2007 Nord de Louis-Ferdinand Céline, joué à Berlin, Athènes et Avignon. Entretien avec Jean-François Perrier :
Vous montez Nord de Louis-Ferdinand Céline. Utiliserez-vous également d’autres textes de cet auteur ?
Frank Castorf : Nous n’avons obtenu les droits que pour Nord. Et nous nous sommes engagés à ne pas faire d’interprétions contraires aux volontés de l’auteur, ce qui est à craindre chez moi. Ce qui m’intéresse en réalité est la trilogie D’un Château à l’autre, Nord et Rigodon, dans laquelle Céline décrit la fin du Reich allemand.
L’histoire du roman Nord de Louis-Ferdinand Céline, est celle d’un exil à travers l’Allemagne en défaite. Vous êtes intéressé par le voyage de Céline ou par l’image qu’il donne de cette Allemagne en ruines ?
J’ai lu ce récit de voyage pour la première fois il y a quinze ans, par hasard. Il m’a tout de suite intéressé puisque Zornhof, l’endroit où Céline se trouve, se situe à cinquante kilomètres de Berlin, où j’habite. Voilà quelqu’un qui nous décrit non seulement la fin, l’apocalypse d’une Allemagne, mais aussi d’une Europe, celle des collaborateurs repliés en Allemagne. Cette description est faite non pas d’un point de vue critique, mais intime d’un individu qui l’a vécue. Cette apocalypse a quelque chose de surprenant, parce que ces fragments, des esquisses d’une précision naturaliste extrême, donnent une impression presque surréaliste, reflètent l’Histoire de plus près et de manière plus “vraie” qu’un “récit objectif”. Je ferais volontiers une parenthèse concernant un film allemand : La Chute (Der Untergang) réalisé en 2004 dans lequel Bruno Ganz interprète Hitler. Ce film décrit les derniers jours du führer. C’est une sorte de pièce de “théâtre de chambre” filmée, historique, totalement apolitique. On y voit un vieil homme hystérique dans un bunker. Il est le seul personnage à avoir des sentiments humains, mais il s’appelle Adolf Hitler. Au fond, on a de la compassion pour lui parce qu’il est entouré de carriéristes, d’opportunistes, de gens âpres aux gains, qui n’ont que des qualités négatives, et l’on construit ainsi une image d’Hitler totalement apolitique et a-historique, je veux dire historiquement fausse. Quand Hollywood produit un tel film, ce n’est pas grave, mais quand c’est fait en Allemagne, ça l’est. La chute n’a pas lieu dans ce film, alors qu’elle a lieu dans Nord, dans des scènes fictives, oniriques, vécues, réinterprétées, avec ce que j’appelle des moyens extrêmement naturalistes qui nous conduisent vers une vision surréaliste, et à travers lesquels on donne une image beaucoup plus véridique, plus juste, de cette chute de l’Allemagne et de l’Europe. Je pense souvent au roman de Voltaire Candide qui se passe aussi dans un château, et qui me rappelle celui de Zornhof ou celui de Sigmaringen. Mais si Voltaire part de la sentence de Leibnitz pour qui le monde est “le meilleur des mondes possibles”, chez Céline c’est le pire des mondes possibles qui est décrit. Comme dans Candide, il y a comme l’inventaire d’une situation, mais qui est diamétralement opposée.
Peut-on dire que Céline, étant écrivain, avait une vision plus juste que dans un pur récit historique ?
Céline est un artiste qui s’enfuit en Allemagne et qui décrit cette chute vue d’en bas, du côté des fuyards, des travailleurs enrôlés de force pour les usines allemandes, des soldats SS pris dans la débâcle, des prisonniers de guerre, description telle qu’on ne la trouve dans aucun récit de la littérature allemande. Céline est ce monstre vomissant de la littérature, l’artiste qui dans une situation extrême s’arroge la liberté de vivre comme il l’entend, le droit de dire tout, et qui saisit une approche psychopathologique des choses, en énonçant ce qu’il ressent, toutes sortes de choses qu’on ne peut forcément juger à l’aune des catégories éthiques et morales d’aujourd’hui, notamment à travers le politiquement correct que l’Amérique nous impose. Cet artiste transpose les choses dans un champ de provocation qui me semble très important de nos jours, à un moment où les artistes sont très souvent devenus des politiciens, des stratèges, et non plus des êtres qui saisissent les événements de manière physiologique. Mais Céline était aussi médecin, et il diagnostiquait sur le champ, il crachait immédiatement le récit (d’ailleurs Gottfried Benn l’a appelé “le vomisseur”), c’était un médecin qui faisait de la littérature de manière physiologique. Il voit cette Allemagne avec des yeux d’étranger remplis de haine contre tout, Allemands compris. Il traverse ce pays de manière absurde, dans des trains qui ne marchent plus, qui sont arrêtés, bombardés (lorsqu’il voyage de Baden- Baden à Hambourg via Berlin pour arriver enfin à Sigmaringen où il rejoint le gouvernement de Vichy en exil). On pourrait penser que tout se réduit dans ce petit univers où il se déplace comme dans un cauchemar. Il passe des mois dans différents endroits, pour arriver enfin dans le bien-aimé Danemark où il constate, une fois encore, que les gens y sont pires que les Allemands, selon lui le pire peuple sur terre.
Dans Nord, Céline est à la fois chroniqueur et romancier, il établit une chronique de l’Allemagne mais tout ce qu’il en dit est en rapport avec sa propre histoire; il se met au centre de l’Histoire. Il se pose en victime de celle-ci, tout en étant acteur et spectateur de ce théâtre. Est-ce que ce personnage de Céline qui se met en scène au milieu de l’apocalypse vous intéresse ?
Ce sujet est certainement très explosif et très controversé car la description des évènements se superpose à sa biographie. Quand il arrive en Allemagne, pays qu’il connaissait bien, il le scrute comme dans une vivisection. Il opère en quelque sorte le nerf à vif, et c’est très douloureux, pour tous ceux qui l’entourent mais aussi naturellement pour lui-même car lui aussi se fait bombarder, ou contrôler par les SS. Il en profite pour exprimer sa haine pathologique envers tous, dont Hitler qu’il détestait et qui était pour lui probablement “pire que les Juifs”. Il se meut dans un environnement antisémite, qui n’est pas l’antisémitisme des nazis, mais beaucoup plus largement du racisme pur et simple, que partageaient beaucoup de gens à l’époque. Cela m’intéresse de voir comment on peut “opérer” sans scrupule comme le fait le docteur Destouches. Alfred Döblin, médecin lui aussi, le critiquait en disant que Céline était un homme qui décrivait les événements du monde sans coeur et avec beaucoup de cynisme. On peut aussi faire référence à Dostoïevski lorsqu’il aborde la question de l’exil. Céline était un artiste dans une situation extrême, comme beaucoup d’écrivains dans les années 30-44, mais à la différence de beaucoup d’autres il s’est mis en scène et stylisé comme un marginal, et ce jusqu’à sa mort, de manière très consciente. Le principal but de mon travail est d’essayer de transposer de manière adéquate le roman biographique de cette Allemagne à feu et à sang, dans une adaptation pour le théâtre. Voilà ce qui m’intéresse.
Votre théâtre est fait pour ici et maintenant. Qu’est-ce qui dans ce roman ou plus largement dans la trilogie allemande de Céline peut encore nous concerner ? De quelle façon une vision historique de l’Allemagne en 1944-45 vous intéresse-t-elle aujourd’hui ?
Comme je disais tout à l’heure, c’est comme si une image négative de l’Europe s’était construite dans ce roman, une Europe dans laquelle nous vivons peut-être aujourd’hui. Dans Rigodon par exemple, il y a une métaphore centrale à travers ces trains qui traversent l’Allemagne. Comment peut-on montrer l’Europe dans ces wagons de trains roulants dans lesquels se rencontrent maréchaux allemands, gens de Lettonie, de Roumanie, de France, de Norvège, gens de toute l’Europe qui ont cru à l’idée d’une Allemagne nazie et d’une Europe sous domination allemande ? C’est une vision de l’Europe comme celle que nous vivons aujourd’hui, sous une autre forme bien sûr. Dans des conditions extrêmes, terribles, dans la destruction, émerge soudainement la conscience d’une Europe unie dont nous prenons conscience aujourd’hui. Céline crée cette conscience en dehors d’une hiérarchie étatique ou militaire imposée, en pleine dissolution. Lorsque dans Rigodon, des femmes lettonnes envahissent le wagon d’un maréchal allemand, le virent et s’y installent avec leurs enfants, elles saisissent ses biens, ce qui nous semble historiquement impossible car nous pensons toujours qu’il y a eu un ordre nazi rigide qui a fonctionné jusqu’à la capitulation de mai 1945. Céline décrit la dissolution de cette idée d’Europe dans cette Allemagne qui s’effondre. Le thème est omniprésent à travers les personnages qui viennent de toutes parts et qui paradoxalement se détestent. Céline décrit cela avec comme arrière-plan l’Allemagne en décomposition. Aujourd’hui, il semble que nous vivons en harmonie avec beaucoup de pays européens, mais on peut se poser la question de savoir ce que nous avons en commun, de la qualité de cette Europe et de sa réalité. L’image positive que nous avons aujourd’hui de l’Europe est dans Nord une image négative qui apparaît presque comme une sorte de pressentiment. Curieusement, la présence européenne était beaucoup plus forte à l’époque en Allemagne que l’Histoire officielle ne le dit, et cela m’intéresse beaucoup. Des hommes de toutes les nations erraient à travers les villes allemandes et avaient besoin de manger, de faire l’amour, ils essayaient de survivre dans cette antichambre de l’enfer. Au même moment, en 1945, Hitler disait à Martin Bormann, son secrétaire, qu’il était “la dernière chance de l’Europe” et il aurait dû ajouter qu’il l’a totalement ratée. Il était “la dernière chance” dans la mesure où en 1938, lors des accords de Munich, Anglais et Français, après l’expérience terrible de la première guerre mondiale, se sont retirés de toute politique agressive de confrontation. Ils ont dit qu’ils laissaient tout l’espace est-européen jusqu’aux Balkans aux Allemands et ont ainsi mis en place une politique européenne qui aurait été dominée par les Allemands pour des décennies. Mais cela n’a jamais intéressé Hitler qui n’était même pas capable de donner une véritable constitution au Reich, sans parler d’une constitution européenne pour cette Europe de l’Est. C’était une erreur tragique des Anglais et des Français alors qu’il y avait là une possibilité de créer une grande Europe. Sur ce sujet il y a un roman anglais, Fatherland de Robert Harris, qui décrit ce qui aurait pu se passer si Hitler avait gagné la guerre avec une Europe sous domination allemande. C’est dans ce sens-là que son constat d’avoir été la dernière chance de l’Europe était en effet ancré dans la réalité, sauf qu’il l’a lui-même détruite. Il est vrai que beaucoup de collaborateurs français se sont engagés au nom de “l’Europe nouvelle”.
Vous dites que Céline n’aimait pas Adolf Hitler ?
Oui, je ne crois pas que Céline ait vraiment apprécié Hitler mais il représentait pour lui l’homme politique qui pouvait protéger l’Europe, celle que Céline souhaitait. Pour lui, le Juif était la métaphore de toutes les menaces étrangères, qu’il a aussi utilisée pour parler des “jaunes” et des “noirs”. Hitler semblait être probablement une sorte de protecteur dans sa vision du monde raciste, plus qu’un homme admiré ou aimé. À la fin, Céline le trouvait même très timoré compte tenu des moyens dont il disposait pour exterminer ses ennemis.
Dans Nord, il y a une quantité énorme de personnages. Lesquels avez-vous choisi de garder et comment allez-vous traiter ce défilé ? Notamment le chat Bébert, omniprésent.
Le problème du chat se pose effectivement au théâtre puisqu’on ne peut l’apprivoiser ou le dompter. Bébert est en effet un vrai personnage; dans son panier, sous lui, se trouvent des armes, leurs passeports. Céline parle pour Bébert qui représente ce que l’auteur aurait parfois aimé être, à savoir un animal qui arrive toujours à se débrouiller. La figure littéraire de Bébert est une sorte de double de Céline. Les personnages principaux sont l’acteur, Le Vigan, qui parle très peu, ce qui est très étrange pour un acteur, sa femme, Madame Destouches, qui ne parle pas beaucoup non plus, et le chat qui bien évidemment ne parle pas du tout ! Et il y a aussi Céline, qui remplit tout l’espace. La configuration centrale est passionnante: une femme danseuse qui ne parle quasiment pas, dans aucun des trois romans, l’acteur taciturne, un chat, et au milieu un médecin artiste et écrivain qui hurle, crache, geint, vomit du texte sans cesse. Il y aussi beaucoup d’autres personnages qui représenteront les “autres”. Ce n’est pas qu’une simple adaptation car il s’agit de faire renaître encore et encore ce monde que Nord propose.
Le voyage de Céline et de ses compagnons nous fait traverser de nombreux lieux, de Baden-Baden à Hambourg en passant par Berlin pour se retrouver à Sigmaringen avec le gouvernement de Vichy en exil.
Comment rendre tous ces lieux successifs sur une scène de théâtre ?
C’est la difficulté. La métaphore centrale sur le plateau sera celle du wagon de train. Il représente ce mouvement permanent de ceux qui ont traversé l’Europe entière dans la fuite, vers le front, vers Auschwitz, vivant parfois dans ces wagons. C’est la métaphore que nous ferons bouger sur le plateau en un seul décor. Quand je réfléchis à ce temps de guerre, ce sont ces images de train qui me viennent en tête; les relations entre Auschwitz et les chemins de fer allemands, dont les directeurs savaient ce qui s’y passait. Nous essayons de faire apparaître ces stations, Baden-Baden, Zornhof ou Berlin, avec ce wagon, comme une histoire qui naît de la propre logique de cet objet “train”, comme une boîte de Pandore qui régurgite des gens, des situations du roman, toujours autour du quatuor central. Et puis il y a aussi Madame Destouches, qui s’entraîne pour la danse dans les situations les plus extrêmes.
Car la danse a aussi son importance, et c’est pourquoi je m’intéresse aux ballets de Céline que j’aimerais intégrer à ma mise en scène (ballets qu’il a proposés partout dans le monde, même lors de son voyage en Russie dans les théâtres de Leningrad). Ce wagon de train, une reconstitution à l’identique d’un vrai wagon, fonctionne comme une armoire magique d’où sortent toutes ces histoires. Dans Rigodon, Céline décrit un soldat qui doit pédaler sur une sorte de vélo pour faire marcher un générateur électrique, dispositif que je souhaite avoir sur le plateau pour éclairer le wagon de l’intérieur, comme un monde indépendant qui évoquera Baden-Baden ou Zornhof. C’est un peu le monde de Céline qui se déplace à travers l’Allemagne. À Zornhof, il y a le château de la famille von Zieten; la demeure est devenue un foyer pour enfants en RDA et est aujourd’hui en ruines, elle fait face à celle d’une veille famille aristocratique prussienne, les von Leiden, cette famille qui a gagné son procès contre Céline pour faire changer son nom dans le roman, dont le château a été entièrement rénové avec le soutien de l’Union européenne. Nous avons tourné des images de ces lieux que j’intégrerai probablement à la mise en scène pour évoquer ceux que Céline a fréquentés. J’ai aussi rencontré des témoins qui l’ont rencontré, et je veux inclure ces références, travailler sur ces frontières entre fiction et réalité. Cela m’intéresse beaucoup.
Dans Nord mais aussi dans Féerie les bombardements et leurs descriptions par Céline sont des moments incroyables, qui correspondent aussi à ses souvenirs de la première guerre mondiale, traités comme de véritables spectacles terrifiants où tout le monde sort pour voir l’embrasement de Berlin. Peut-on les mettre au théâtre ?
On peut essayer, bien sûr. Ce sont effectivement comme des feux d’artifice, ou des concerts de tambours ; quand on se trouve à Zornhof, et que l’on voit les bombardiers passer, qu’on entend les détonations de très loin, cela a un côté artificiel. Ce qui est intéressant chez Céline c’est que les scènes d’horreur ont toujours quelque chose de férocement comique, tout comme les scènes comiques ont un arrière-goût tragique. Il est très moderne et très véhément lorsqu’il transgresse les conventions. Les bombardements sont en quelque sorte des éléments de structuration quasi musicaux, comme un leitmotiv qui revient, et que nous essaierons de transposer.
Mais Céline n’établit-il pas des rapprochements entre ces bombardements et la première guerre mondiale pour pouvoir se présenter comme une victime ?
Oui, en effet. Il prétendait même parfois qu’il avait une balle dans la tête. Il a toujours eu une conception très large de la vérité avec laquelle il était peu scrupuleux. Mais à travers le mensonge il était peut-être plus proche d’elle que d’autres. Je crois que la seule chose qui intéresse Céline chez l’être humain, c’est la souffrance, et il l’a écrit “la seule chose qui m’intéresse, c’est l’homme souffrant”. La souffrance, la maladie, la mort, mais aussi l’animalité. Et chez la femme la beauté. Paradoxalement dans Nord, il y a déjà un côté théâtral.
Céline n’est-il pas comme un metteur en scène qui organise les événements comme sur un plateau, les personnages apparaissant comme des acteurs ?
Oui, il y a des situations très théâtrales. C’est comme les ballets qu’il a introduits dans Bagatelles pour un massacre, où il n’écrit plus de texte mais des didascalies, qui précisent ce qui doit se faire. Il y a par exemple cette scène où, vêtu d’une veste de parachutiste anglais, il est pris pour l’ennemi par des membres de la jeunesse hitlérienne et que Le Vigan, qui le reconnaît comme collaborateur français, lui sauve la vie. Il y a des situations hautement dramatiques, et qui sont probablement totalement imaginées, comme sa fuite à travers les toits de Copenhague, qui fait penser à l’évasion de Casanova sur les toits de Venise. Je crois qu’il a peur de l’abstraction, de tomber dans cet académisme qu’il a tant combattu. Lorsqu’il voit quelque chose, il le traite de suite, ce qui est proche du travail théâtral, comme les “théâtres scientifiques” du début du siècle, ou comme le faisait le docteur Charcot à l’hôpital de la Salpêtrière à Paris. Je crois qu’il vient de cette tradition. Il est aussi très proche du cinéma, et c’est d’ailleurs dommage que ses romans, pour des raisons politiques certainement, aient été si peu adaptés au cinéma.
Vous savez que jouer Céline en France est très délicat à cause de ses prises de position totalement antisémites, ses pamphlets en particulier. Quand récemment il y a eu l’annulation d’une pièce de Handke à la Comédie- Française on a beaucoup reparlé de cela. Quelle est votre position par rapport à ces débats entre homme et oeuvre ?
Il n’y a pas de solution, bien sûr. Georg Lukács, le philosophe marxiste, dit dans ses études sur Balzac qu’il était politiquement légitimiste alors qu’il faisait également partie des rares critiques de la France de la Restauration. L’écrivain et l’oeuvre ne sont pas toujours identiques. Parfois, selon Lukács, la valeur morale d’un auteur a moins d’importance que son oeuvre. Chez Céline, c’est bien sûr différent car il se met tellement en scène lui-même, il se confond tellement avec le narrateur à la première personne, qu’on ne peut le séparer de sa biographie. C’est l’autobiographe qui crache ce monde, il est le seul médium qui sans cesse vomit, chie ce texte, dans un processus de création intuitif sans réflexion, comme dans une sorte de transe produite par la haine. Et ce pour exprimer le seul état de vérité possible pour lui, une vérité évidemment paradoxale et polémique. Nous sommes dans les années trente, il est raciste, et le judaïsme devient la métaphore centrale de sa haine. Chez lui, l’antisémitisme me semble être un exutoire de tous ses ressentiments contre quasiment tout le monde. Il devient antisémite dans ce contexte où l’idée d’une race pure se répand dans les pays nordiques et anglo-saxons. Ces idées sont aujourd’hui obsolètes mais faisaient partie de l’esprit de l’époque. Il faut aussi penser que Nord a été écrit bien après la fin de la guerre, et qu’il s’agit de souvenirs transformés, transposés par la littérature.
Mais comment traiter l’antisémitisme de Céline ?
Je pars du roman, et je crois qu’on peut transposer sur scène toutes sortes de pensées, comme des aspects de la vie humaine. Sinon il faudrait interdire tout ce qui est extrême. Comme je l’ai déjà dit, il faudrait alors interdire la pensée méphistophélique car, parfois, pour citer Goethe, c’est le Mal qui crée le Bien. Un artiste doit pouvoir prendre des décisions intuitives qui doivent pouvoir provoquer. Quand l’art ne provoque pas, il y a un problème. Dostoïevski, Tennessee Williams, Flaubert, Balzac, tous les grands auteurs l’ont fait, si on retire ce droit à un artiste, il devient “politiquement correct”. Ce qui est important ici, c’est que quelqu’un dit que l’art est un monde autonome, sans but, qui peut induire l’erreur, mais l’erreur est là pour que les autres puissent la contredire, et ils doivent le faire. L’art est quelque chose de stimulant qui sert à éprouver les valeurs à l’aune de cette provocation. Il s’agit de trouver, dans l’esprit du siècle des Lumières, ce qui est vrai. Le provocateur diabolique me semble aussi important, c’est pourquoi je n’aime pas faire ce partage entre le bon et le mauvais, l’homme au sens pratique et le théoricien. Chez Céline cela se mélange et c’est ce qui le rend intéressant. Il faut oser voir la quantité de mal qui peut se cacher dans un être humain.
La solution a parfois été de couper des passages dans les textes mis en scène ?
Je crois que lorsque l’on fait une adaptation théâtrale, il ne faut ni corriger, ni améliorer, c’est ennuyeux. Nous en savons plus aujourd’hui grâce aux enseignements de l’histoire. À moi il m’importe de “comprimer” ce qui se trouve dans le roman tout en gardant le côté excessif de l’oeuvre, qui est pour moi un miroir fidèle de ces derniers mois de la guerre en Allemagne, vus par un étranger. Non seulement parce qu’il était Français mais aussi parce qu’il n’aimait pas beaucoup cette Allemagne. Quand Ernst Jünger a rencontré Céline et a discuté des Juifs avec lui, Céline a dit : “mais vous avez des baïonnettes et vous ne savez que faire des Juifs ?” avec une franchise qui a choqué Jünger, plus blasé et discret. En bon officier, il savait exactement jusqu’où il pouvait aller, il calculait toujours ce qu’il allait dire, contrairement à Céline qui venait d’une couche sociale inférieure, qui était bien plus anarchiste et qui disait les choses de manière spontanée. Pour moi Jünger était beaucoup plus opportuniste.
Comment peut-on rendre en paroles cette langue écrite qui se veut orale ?
Ce qui m’intéresse est de transposer la langue de Céline, de cet auteur qui a réussi son combat contre l’académisme au sein de l’histoire littéraire française. En écrivant tel que l’on parle, il a inventé une langue artificielle, sur une base orale et donc théâtrale. Il faut transposer cela au théâtre, afin que la langue morte redevienne vivante, et montrer la complexité des différents niveaux de réalité, avec tous les moyens à disposition, comme le film ou la musique. Tout comme Céline qui a écrit un scénario pour un film d’animation avec des chansons, des ballets. Je veux explorer toutes les possibilités offertes par l’art dramatique pour représenter un être humain et montrer un artiste en mouvement en train de fabriquer son oeuvre d’art. Céline m’intéresse beaucoup comme révolutionnaire entre la littérature et l’art théâtral. Pour s’approcher au plus près de sa langue, il faut épuiser toutes les ressources de l’art dramatique, comme la danse, les séquences filmées, les éléments picturaux. Mais on ne pourra naturellement jamais donner qu’une impression de ce scénario de l’apocalypse. Il y a aussi l’explosion de la langue, les points de suspension. La destruction de la syntaxe… Je crois que ce style éruptif, cette écriture subjective, s’approche beaucoup plus de la vérité et de ce qui s’est vraiment passé que les chroniques historiques officielles.
Comment bâtissez-vous le texte de la pièce ?
Je travaille toujours de la même manière. À partir du roman j’écris une sorte de scénario qui donne un fil rouge, puis lorsque je mets en scène je travaille sur le texte et on crée un costume taillé sur mesure. Je donne des phrases aux acteurs mais toujours à partir d’une situation de base. Que fait-on lorsque l’on se trouve dans un tel wagon de train, quand on vient de tuer un cochon à quoi pense-t-on en le rôtissant, quelles pensées descriptives ou philosophiques
viennent à ce moment-là, quels sont les éléments verbaux, non verbaux? Il est toujours intéressant de montrer le paradoxe: un homme fait quelque chose et sa partie inférieure ou bien sa tête font ou veulent faire autre chose, d’autres désirs. Dans le roman, même dans les situations les plus difficiles, l’homme continue toujours à faire quelque chose, il se protège de la pluie, il mange, ou bien il devient nostalgique, il a le désir de s’extraire de la réalité,
comme la femme qui se met tout à coup à danser. Lorsque Bébert douit avoir son lait, cela devient la chose la plus au monde alors qu’à côté, des gens meurent. On peut voir des gens saigner à mort ou brûler vivants et le petit chat est plus important. Si cette réaction est sans coeur, elle est tout à fait humaine, car les hommes pensent d’abord à la survie de leur environnement le plus proche. Il faut se laisser emporter par ces situations. Je travaille toujours de manière paradoxale. Chez moi les conversations ou le récit ne suivent pas toujours la logique, il n’y a pas de structure classique de développement d’un récit où A mène à B. Là est le paradoxe de la langue de Céline, ses ruptures, ses trois petits points qui signifient que ça ne vaut pas la peine de continuer la phrase, que “vous savez bien ce que je veux dire, je suis beaucoup trop pressé, je n’ai plus besoin de formuler ma propre littérature”, que chaque trait de plume est déjà de trop, qu’il faut aller plus vite, au prochain événement, que je dois continuer de courir, courir, courir. Cette énergie est celle d’un guerrier qui se précipite vers la prochaine action. Cela m’est très proche et lorsque nous travaillerons avec les acteurs, nous verrons ce que nous garderons, c’est à ce moment-là que se fera la sélection.
Dans le roman, Céline parle de 1944-45, mais écrit en France en 1960, avec des références à sa vie en 1960, en constant aller-retour entre ce moment et ce qu’il a connu en 45. Cela pour prouver qu’il est toujours persécuté alors que les autres ne le sont plus. Est-ce que cela fera partie du spectacle ?
Céline meurt le 2 juillet 1961 après-midi alors qu’il a donné le matin même le manuscrit de Rigodon à son éditeur. Presque chaque artiste se sent persécuté, opprimé, mal compris, mal traité. Céline croyait vraiment qu’il allait recevoir le prix Nobel de la paix parce qu’il avait oeuvré avec une idée littéraire au rapprochement de la France et de l’Allemagne sur de nouvelles bases après la guerre! Selon lui, il avait aussi mérité le prix Nobel de la littérature pour Voyage au bout de la nuit. Cette paranoïa permanente, ce sentiment de persécution, est pour un artiste le salaire de son don au monde. Un bon artiste est observé de près, commenté, il doit être corrompu dans les états totalitaires. Celui qui gagne beaucoup d’argent et a beaucoup de succès doit se méfier et se dire qu’il y a quelque chose de bizarre. Aussi il se “doit” d’être paranoïaque jusqu’à un certain point, d’avoir le réflexe de se retourner brusquement pour voir qui est derrière lui. La paranoïa de Céline, qui le pousse à travers l’Allemagne, doit bien sûr apparaître dans une adaptation de Nord. Mais il ne faut pas oublier que cette paranoïa le protège aussi contre tout, car rien ne peut atteindre son petit monde fait de sa femme, de son chat et de Le Vigan. La paranoïa doit être présentée comme une qualité qui lui permet de ne pas posséder de ressentiment et de s’adapter à ce qui arrive. L’artiste doit s’adapter à ce qui l’entoure et s’en méfier, ce qui peut mener parfois vers une paranoïa aiguë, qu’il faut absolument traiter dans cette adaptation.
Propos recueillis par Jean-François PERRIER
Février 2007
Vous montez Nord de Louis-Ferdinand Céline. Utiliserez-vous également d’autres textes de cet auteur ?
Frank Castorf : Nous n’avons obtenu les droits que pour Nord. Et nous nous sommes engagés à ne pas faire d’interprétions contraires aux volontés de l’auteur, ce qui est à craindre chez moi. Ce qui m’intéresse en réalité est la trilogie D’un Château à l’autre, Nord et Rigodon, dans laquelle Céline décrit la fin du Reich allemand.
L’histoire du roman Nord de Louis-Ferdinand Céline, est celle d’un exil à travers l’Allemagne en défaite. Vous êtes intéressé par le voyage de Céline ou par l’image qu’il donne de cette Allemagne en ruines ?
J’ai lu ce récit de voyage pour la première fois il y a quinze ans, par hasard. Il m’a tout de suite intéressé puisque Zornhof, l’endroit où Céline se trouve, se situe à cinquante kilomètres de Berlin, où j’habite. Voilà quelqu’un qui nous décrit non seulement la fin, l’apocalypse d’une Allemagne, mais aussi d’une Europe, celle des collaborateurs repliés en Allemagne. Cette description est faite non pas d’un point de vue critique, mais intime d’un individu qui l’a vécue. Cette apocalypse a quelque chose de surprenant, parce que ces fragments, des esquisses d’une précision naturaliste extrême, donnent une impression presque surréaliste, reflètent l’Histoire de plus près et de manière plus “vraie” qu’un “récit objectif”. Je ferais volontiers une parenthèse concernant un film allemand : La Chute (Der Untergang) réalisé en 2004 dans lequel Bruno Ganz interprète Hitler. Ce film décrit les derniers jours du führer. C’est une sorte de pièce de “théâtre de chambre” filmée, historique, totalement apolitique. On y voit un vieil homme hystérique dans un bunker. Il est le seul personnage à avoir des sentiments humains, mais il s’appelle Adolf Hitler. Au fond, on a de la compassion pour lui parce qu’il est entouré de carriéristes, d’opportunistes, de gens âpres aux gains, qui n’ont que des qualités négatives, et l’on construit ainsi une image d’Hitler totalement apolitique et a-historique, je veux dire historiquement fausse. Quand Hollywood produit un tel film, ce n’est pas grave, mais quand c’est fait en Allemagne, ça l’est. La chute n’a pas lieu dans ce film, alors qu’elle a lieu dans Nord, dans des scènes fictives, oniriques, vécues, réinterprétées, avec ce que j’appelle des moyens extrêmement naturalistes qui nous conduisent vers une vision surréaliste, et à travers lesquels on donne une image beaucoup plus véridique, plus juste, de cette chute de l’Allemagne et de l’Europe. Je pense souvent au roman de Voltaire Candide qui se passe aussi dans un château, et qui me rappelle celui de Zornhof ou celui de Sigmaringen. Mais si Voltaire part de la sentence de Leibnitz pour qui le monde est “le meilleur des mondes possibles”, chez Céline c’est le pire des mondes possibles qui est décrit. Comme dans Candide, il y a comme l’inventaire d’une situation, mais qui est diamétralement opposée.
Peut-on dire que Céline, étant écrivain, avait une vision plus juste que dans un pur récit historique ?
Céline est un artiste qui s’enfuit en Allemagne et qui décrit cette chute vue d’en bas, du côté des fuyards, des travailleurs enrôlés de force pour les usines allemandes, des soldats SS pris dans la débâcle, des prisonniers de guerre, description telle qu’on ne la trouve dans aucun récit de la littérature allemande. Céline est ce monstre vomissant de la littérature, l’artiste qui dans une situation extrême s’arroge la liberté de vivre comme il l’entend, le droit de dire tout, et qui saisit une approche psychopathologique des choses, en énonçant ce qu’il ressent, toutes sortes de choses qu’on ne peut forcément juger à l’aune des catégories éthiques et morales d’aujourd’hui, notamment à travers le politiquement correct que l’Amérique nous impose. Cet artiste transpose les choses dans un champ de provocation qui me semble très important de nos jours, à un moment où les artistes sont très souvent devenus des politiciens, des stratèges, et non plus des êtres qui saisissent les événements de manière physiologique. Mais Céline était aussi médecin, et il diagnostiquait sur le champ, il crachait immédiatement le récit (d’ailleurs Gottfried Benn l’a appelé “le vomisseur”), c’était un médecin qui faisait de la littérature de manière physiologique. Il voit cette Allemagne avec des yeux d’étranger remplis de haine contre tout, Allemands compris. Il traverse ce pays de manière absurde, dans des trains qui ne marchent plus, qui sont arrêtés, bombardés (lorsqu’il voyage de Baden- Baden à Hambourg via Berlin pour arriver enfin à Sigmaringen où il rejoint le gouvernement de Vichy en exil). On pourrait penser que tout se réduit dans ce petit univers où il se déplace comme dans un cauchemar. Il passe des mois dans différents endroits, pour arriver enfin dans le bien-aimé Danemark où il constate, une fois encore, que les gens y sont pires que les Allemands, selon lui le pire peuple sur terre.
Dans Nord, Céline est à la fois chroniqueur et romancier, il établit une chronique de l’Allemagne mais tout ce qu’il en dit est en rapport avec sa propre histoire; il se met au centre de l’Histoire. Il se pose en victime de celle-ci, tout en étant acteur et spectateur de ce théâtre. Est-ce que ce personnage de Céline qui se met en scène au milieu de l’apocalypse vous intéresse ?
Ce sujet est certainement très explosif et très controversé car la description des évènements se superpose à sa biographie. Quand il arrive en Allemagne, pays qu’il connaissait bien, il le scrute comme dans une vivisection. Il opère en quelque sorte le nerf à vif, et c’est très douloureux, pour tous ceux qui l’entourent mais aussi naturellement pour lui-même car lui aussi se fait bombarder, ou contrôler par les SS. Il en profite pour exprimer sa haine pathologique envers tous, dont Hitler qu’il détestait et qui était pour lui probablement “pire que les Juifs”. Il se meut dans un environnement antisémite, qui n’est pas l’antisémitisme des nazis, mais beaucoup plus largement du racisme pur et simple, que partageaient beaucoup de gens à l’époque. Cela m’intéresse de voir comment on peut “opérer” sans scrupule comme le fait le docteur Destouches. Alfred Döblin, médecin lui aussi, le critiquait en disant que Céline était un homme qui décrivait les événements du monde sans coeur et avec beaucoup de cynisme. On peut aussi faire référence à Dostoïevski lorsqu’il aborde la question de l’exil. Céline était un artiste dans une situation extrême, comme beaucoup d’écrivains dans les années 30-44, mais à la différence de beaucoup d’autres il s’est mis en scène et stylisé comme un marginal, et ce jusqu’à sa mort, de manière très consciente. Le principal but de mon travail est d’essayer de transposer de manière adéquate le roman biographique de cette Allemagne à feu et à sang, dans une adaptation pour le théâtre. Voilà ce qui m’intéresse.
Votre théâtre est fait pour ici et maintenant. Qu’est-ce qui dans ce roman ou plus largement dans la trilogie allemande de Céline peut encore nous concerner ? De quelle façon une vision historique de l’Allemagne en 1944-45 vous intéresse-t-elle aujourd’hui ?
Comme je disais tout à l’heure, c’est comme si une image négative de l’Europe s’était construite dans ce roman, une Europe dans laquelle nous vivons peut-être aujourd’hui. Dans Rigodon par exemple, il y a une métaphore centrale à travers ces trains qui traversent l’Allemagne. Comment peut-on montrer l’Europe dans ces wagons de trains roulants dans lesquels se rencontrent maréchaux allemands, gens de Lettonie, de Roumanie, de France, de Norvège, gens de toute l’Europe qui ont cru à l’idée d’une Allemagne nazie et d’une Europe sous domination allemande ? C’est une vision de l’Europe comme celle que nous vivons aujourd’hui, sous une autre forme bien sûr. Dans des conditions extrêmes, terribles, dans la destruction, émerge soudainement la conscience d’une Europe unie dont nous prenons conscience aujourd’hui. Céline crée cette conscience en dehors d’une hiérarchie étatique ou militaire imposée, en pleine dissolution. Lorsque dans Rigodon, des femmes lettonnes envahissent le wagon d’un maréchal allemand, le virent et s’y installent avec leurs enfants, elles saisissent ses biens, ce qui nous semble historiquement impossible car nous pensons toujours qu’il y a eu un ordre nazi rigide qui a fonctionné jusqu’à la capitulation de mai 1945. Céline décrit la dissolution de cette idée d’Europe dans cette Allemagne qui s’effondre. Le thème est omniprésent à travers les personnages qui viennent de toutes parts et qui paradoxalement se détestent. Céline décrit cela avec comme arrière-plan l’Allemagne en décomposition. Aujourd’hui, il semble que nous vivons en harmonie avec beaucoup de pays européens, mais on peut se poser la question de savoir ce que nous avons en commun, de la qualité de cette Europe et de sa réalité. L’image positive que nous avons aujourd’hui de l’Europe est dans Nord une image négative qui apparaît presque comme une sorte de pressentiment. Curieusement, la présence européenne était beaucoup plus forte à l’époque en Allemagne que l’Histoire officielle ne le dit, et cela m’intéresse beaucoup. Des hommes de toutes les nations erraient à travers les villes allemandes et avaient besoin de manger, de faire l’amour, ils essayaient de survivre dans cette antichambre de l’enfer. Au même moment, en 1945, Hitler disait à Martin Bormann, son secrétaire, qu’il était “la dernière chance de l’Europe” et il aurait dû ajouter qu’il l’a totalement ratée. Il était “la dernière chance” dans la mesure où en 1938, lors des accords de Munich, Anglais et Français, après l’expérience terrible de la première guerre mondiale, se sont retirés de toute politique agressive de confrontation. Ils ont dit qu’ils laissaient tout l’espace est-européen jusqu’aux Balkans aux Allemands et ont ainsi mis en place une politique européenne qui aurait été dominée par les Allemands pour des décennies. Mais cela n’a jamais intéressé Hitler qui n’était même pas capable de donner une véritable constitution au Reich, sans parler d’une constitution européenne pour cette Europe de l’Est. C’était une erreur tragique des Anglais et des Français alors qu’il y avait là une possibilité de créer une grande Europe. Sur ce sujet il y a un roman anglais, Fatherland de Robert Harris, qui décrit ce qui aurait pu se passer si Hitler avait gagné la guerre avec une Europe sous domination allemande. C’est dans ce sens-là que son constat d’avoir été la dernière chance de l’Europe était en effet ancré dans la réalité, sauf qu’il l’a lui-même détruite. Il est vrai que beaucoup de collaborateurs français se sont engagés au nom de “l’Europe nouvelle”.
Vous dites que Céline n’aimait pas Adolf Hitler ?
Oui, je ne crois pas que Céline ait vraiment apprécié Hitler mais il représentait pour lui l’homme politique qui pouvait protéger l’Europe, celle que Céline souhaitait. Pour lui, le Juif était la métaphore de toutes les menaces étrangères, qu’il a aussi utilisée pour parler des “jaunes” et des “noirs”. Hitler semblait être probablement une sorte de protecteur dans sa vision du monde raciste, plus qu’un homme admiré ou aimé. À la fin, Céline le trouvait même très timoré compte tenu des moyens dont il disposait pour exterminer ses ennemis.
Dans Nord, il y a une quantité énorme de personnages. Lesquels avez-vous choisi de garder et comment allez-vous traiter ce défilé ? Notamment le chat Bébert, omniprésent.
Le problème du chat se pose effectivement au théâtre puisqu’on ne peut l’apprivoiser ou le dompter. Bébert est en effet un vrai personnage; dans son panier, sous lui, se trouvent des armes, leurs passeports. Céline parle pour Bébert qui représente ce que l’auteur aurait parfois aimé être, à savoir un animal qui arrive toujours à se débrouiller. La figure littéraire de Bébert est une sorte de double de Céline. Les personnages principaux sont l’acteur, Le Vigan, qui parle très peu, ce qui est très étrange pour un acteur, sa femme, Madame Destouches, qui ne parle pas beaucoup non plus, et le chat qui bien évidemment ne parle pas du tout ! Et il y a aussi Céline, qui remplit tout l’espace. La configuration centrale est passionnante: une femme danseuse qui ne parle quasiment pas, dans aucun des trois romans, l’acteur taciturne, un chat, et au milieu un médecin artiste et écrivain qui hurle, crache, geint, vomit du texte sans cesse. Il y aussi beaucoup d’autres personnages qui représenteront les “autres”. Ce n’est pas qu’une simple adaptation car il s’agit de faire renaître encore et encore ce monde que Nord propose.
Le voyage de Céline et de ses compagnons nous fait traverser de nombreux lieux, de Baden-Baden à Hambourg en passant par Berlin pour se retrouver à Sigmaringen avec le gouvernement de Vichy en exil.
Comment rendre tous ces lieux successifs sur une scène de théâtre ?
C’est la difficulté. La métaphore centrale sur le plateau sera celle du wagon de train. Il représente ce mouvement permanent de ceux qui ont traversé l’Europe entière dans la fuite, vers le front, vers Auschwitz, vivant parfois dans ces wagons. C’est la métaphore que nous ferons bouger sur le plateau en un seul décor. Quand je réfléchis à ce temps de guerre, ce sont ces images de train qui me viennent en tête; les relations entre Auschwitz et les chemins de fer allemands, dont les directeurs savaient ce qui s’y passait. Nous essayons de faire apparaître ces stations, Baden-Baden, Zornhof ou Berlin, avec ce wagon, comme une histoire qui naît de la propre logique de cet objet “train”, comme une boîte de Pandore qui régurgite des gens, des situations du roman, toujours autour du quatuor central. Et puis il y a aussi Madame Destouches, qui s’entraîne pour la danse dans les situations les plus extrêmes.
Car la danse a aussi son importance, et c’est pourquoi je m’intéresse aux ballets de Céline que j’aimerais intégrer à ma mise en scène (ballets qu’il a proposés partout dans le monde, même lors de son voyage en Russie dans les théâtres de Leningrad). Ce wagon de train, une reconstitution à l’identique d’un vrai wagon, fonctionne comme une armoire magique d’où sortent toutes ces histoires. Dans Rigodon, Céline décrit un soldat qui doit pédaler sur une sorte de vélo pour faire marcher un générateur électrique, dispositif que je souhaite avoir sur le plateau pour éclairer le wagon de l’intérieur, comme un monde indépendant qui évoquera Baden-Baden ou Zornhof. C’est un peu le monde de Céline qui se déplace à travers l’Allemagne. À Zornhof, il y a le château de la famille von Zieten; la demeure est devenue un foyer pour enfants en RDA et est aujourd’hui en ruines, elle fait face à celle d’une veille famille aristocratique prussienne, les von Leiden, cette famille qui a gagné son procès contre Céline pour faire changer son nom dans le roman, dont le château a été entièrement rénové avec le soutien de l’Union européenne. Nous avons tourné des images de ces lieux que j’intégrerai probablement à la mise en scène pour évoquer ceux que Céline a fréquentés. J’ai aussi rencontré des témoins qui l’ont rencontré, et je veux inclure ces références, travailler sur ces frontières entre fiction et réalité. Cela m’intéresse beaucoup.
Dans Nord mais aussi dans Féerie les bombardements et leurs descriptions par Céline sont des moments incroyables, qui correspondent aussi à ses souvenirs de la première guerre mondiale, traités comme de véritables spectacles terrifiants où tout le monde sort pour voir l’embrasement de Berlin. Peut-on les mettre au théâtre ?
On peut essayer, bien sûr. Ce sont effectivement comme des feux d’artifice, ou des concerts de tambours ; quand on se trouve à Zornhof, et que l’on voit les bombardiers passer, qu’on entend les détonations de très loin, cela a un côté artificiel. Ce qui est intéressant chez Céline c’est que les scènes d’horreur ont toujours quelque chose de férocement comique, tout comme les scènes comiques ont un arrière-goût tragique. Il est très moderne et très véhément lorsqu’il transgresse les conventions. Les bombardements sont en quelque sorte des éléments de structuration quasi musicaux, comme un leitmotiv qui revient, et que nous essaierons de transposer.
Mais Céline n’établit-il pas des rapprochements entre ces bombardements et la première guerre mondiale pour pouvoir se présenter comme une victime ?
Oui, en effet. Il prétendait même parfois qu’il avait une balle dans la tête. Il a toujours eu une conception très large de la vérité avec laquelle il était peu scrupuleux. Mais à travers le mensonge il était peut-être plus proche d’elle que d’autres. Je crois que la seule chose qui intéresse Céline chez l’être humain, c’est la souffrance, et il l’a écrit “la seule chose qui m’intéresse, c’est l’homme souffrant”. La souffrance, la maladie, la mort, mais aussi l’animalité. Et chez la femme la beauté. Paradoxalement dans Nord, il y a déjà un côté théâtral.
Céline n’est-il pas comme un metteur en scène qui organise les événements comme sur un plateau, les personnages apparaissant comme des acteurs ?
Oui, il y a des situations très théâtrales. C’est comme les ballets qu’il a introduits dans Bagatelles pour un massacre, où il n’écrit plus de texte mais des didascalies, qui précisent ce qui doit se faire. Il y a par exemple cette scène où, vêtu d’une veste de parachutiste anglais, il est pris pour l’ennemi par des membres de la jeunesse hitlérienne et que Le Vigan, qui le reconnaît comme collaborateur français, lui sauve la vie. Il y a des situations hautement dramatiques, et qui sont probablement totalement imaginées, comme sa fuite à travers les toits de Copenhague, qui fait penser à l’évasion de Casanova sur les toits de Venise. Je crois qu’il a peur de l’abstraction, de tomber dans cet académisme qu’il a tant combattu. Lorsqu’il voit quelque chose, il le traite de suite, ce qui est proche du travail théâtral, comme les “théâtres scientifiques” du début du siècle, ou comme le faisait le docteur Charcot à l’hôpital de la Salpêtrière à Paris. Je crois qu’il vient de cette tradition. Il est aussi très proche du cinéma, et c’est d’ailleurs dommage que ses romans, pour des raisons politiques certainement, aient été si peu adaptés au cinéma.
Vous savez que jouer Céline en France est très délicat à cause de ses prises de position totalement antisémites, ses pamphlets en particulier. Quand récemment il y a eu l’annulation d’une pièce de Handke à la Comédie- Française on a beaucoup reparlé de cela. Quelle est votre position par rapport à ces débats entre homme et oeuvre ?
Il n’y a pas de solution, bien sûr. Georg Lukács, le philosophe marxiste, dit dans ses études sur Balzac qu’il était politiquement légitimiste alors qu’il faisait également partie des rares critiques de la France de la Restauration. L’écrivain et l’oeuvre ne sont pas toujours identiques. Parfois, selon Lukács, la valeur morale d’un auteur a moins d’importance que son oeuvre. Chez Céline, c’est bien sûr différent car il se met tellement en scène lui-même, il se confond tellement avec le narrateur à la première personne, qu’on ne peut le séparer de sa biographie. C’est l’autobiographe qui crache ce monde, il est le seul médium qui sans cesse vomit, chie ce texte, dans un processus de création intuitif sans réflexion, comme dans une sorte de transe produite par la haine. Et ce pour exprimer le seul état de vérité possible pour lui, une vérité évidemment paradoxale et polémique. Nous sommes dans les années trente, il est raciste, et le judaïsme devient la métaphore centrale de sa haine. Chez lui, l’antisémitisme me semble être un exutoire de tous ses ressentiments contre quasiment tout le monde. Il devient antisémite dans ce contexte où l’idée d’une race pure se répand dans les pays nordiques et anglo-saxons. Ces idées sont aujourd’hui obsolètes mais faisaient partie de l’esprit de l’époque. Il faut aussi penser que Nord a été écrit bien après la fin de la guerre, et qu’il s’agit de souvenirs transformés, transposés par la littérature.
Mais comment traiter l’antisémitisme de Céline ?
Je pars du roman, et je crois qu’on peut transposer sur scène toutes sortes de pensées, comme des aspects de la vie humaine. Sinon il faudrait interdire tout ce qui est extrême. Comme je l’ai déjà dit, il faudrait alors interdire la pensée méphistophélique car, parfois, pour citer Goethe, c’est le Mal qui crée le Bien. Un artiste doit pouvoir prendre des décisions intuitives qui doivent pouvoir provoquer. Quand l’art ne provoque pas, il y a un problème. Dostoïevski, Tennessee Williams, Flaubert, Balzac, tous les grands auteurs l’ont fait, si on retire ce droit à un artiste, il devient “politiquement correct”. Ce qui est important ici, c’est que quelqu’un dit que l’art est un monde autonome, sans but, qui peut induire l’erreur, mais l’erreur est là pour que les autres puissent la contredire, et ils doivent le faire. L’art est quelque chose de stimulant qui sert à éprouver les valeurs à l’aune de cette provocation. Il s’agit de trouver, dans l’esprit du siècle des Lumières, ce qui est vrai. Le provocateur diabolique me semble aussi important, c’est pourquoi je n’aime pas faire ce partage entre le bon et le mauvais, l’homme au sens pratique et le théoricien. Chez Céline cela se mélange et c’est ce qui le rend intéressant. Il faut oser voir la quantité de mal qui peut se cacher dans un être humain.
La solution a parfois été de couper des passages dans les textes mis en scène ?
Je crois que lorsque l’on fait une adaptation théâtrale, il ne faut ni corriger, ni améliorer, c’est ennuyeux. Nous en savons plus aujourd’hui grâce aux enseignements de l’histoire. À moi il m’importe de “comprimer” ce qui se trouve dans le roman tout en gardant le côté excessif de l’oeuvre, qui est pour moi un miroir fidèle de ces derniers mois de la guerre en Allemagne, vus par un étranger. Non seulement parce qu’il était Français mais aussi parce qu’il n’aimait pas beaucoup cette Allemagne. Quand Ernst Jünger a rencontré Céline et a discuté des Juifs avec lui, Céline a dit : “mais vous avez des baïonnettes et vous ne savez que faire des Juifs ?” avec une franchise qui a choqué Jünger, plus blasé et discret. En bon officier, il savait exactement jusqu’où il pouvait aller, il calculait toujours ce qu’il allait dire, contrairement à Céline qui venait d’une couche sociale inférieure, qui était bien plus anarchiste et qui disait les choses de manière spontanée. Pour moi Jünger était beaucoup plus opportuniste.
Comment peut-on rendre en paroles cette langue écrite qui se veut orale ?
Ce qui m’intéresse est de transposer la langue de Céline, de cet auteur qui a réussi son combat contre l’académisme au sein de l’histoire littéraire française. En écrivant tel que l’on parle, il a inventé une langue artificielle, sur une base orale et donc théâtrale. Il faut transposer cela au théâtre, afin que la langue morte redevienne vivante, et montrer la complexité des différents niveaux de réalité, avec tous les moyens à disposition, comme le film ou la musique. Tout comme Céline qui a écrit un scénario pour un film d’animation avec des chansons, des ballets. Je veux explorer toutes les possibilités offertes par l’art dramatique pour représenter un être humain et montrer un artiste en mouvement en train de fabriquer son oeuvre d’art. Céline m’intéresse beaucoup comme révolutionnaire entre la littérature et l’art théâtral. Pour s’approcher au plus près de sa langue, il faut épuiser toutes les ressources de l’art dramatique, comme la danse, les séquences filmées, les éléments picturaux. Mais on ne pourra naturellement jamais donner qu’une impression de ce scénario de l’apocalypse. Il y a aussi l’explosion de la langue, les points de suspension. La destruction de la syntaxe… Je crois que ce style éruptif, cette écriture subjective, s’approche beaucoup plus de la vérité et de ce qui s’est vraiment passé que les chroniques historiques officielles.
Comment bâtissez-vous le texte de la pièce ?
Je travaille toujours de la même manière. À partir du roman j’écris une sorte de scénario qui donne un fil rouge, puis lorsque je mets en scène je travaille sur le texte et on crée un costume taillé sur mesure. Je donne des phrases aux acteurs mais toujours à partir d’une situation de base. Que fait-on lorsque l’on se trouve dans un tel wagon de train, quand on vient de tuer un cochon à quoi pense-t-on en le rôtissant, quelles pensées descriptives ou philosophiques
viennent à ce moment-là, quels sont les éléments verbaux, non verbaux? Il est toujours intéressant de montrer le paradoxe: un homme fait quelque chose et sa partie inférieure ou bien sa tête font ou veulent faire autre chose, d’autres désirs. Dans le roman, même dans les situations les plus difficiles, l’homme continue toujours à faire quelque chose, il se protège de la pluie, il mange, ou bien il devient nostalgique, il a le désir de s’extraire de la réalité,
comme la femme qui se met tout à coup à danser. Lorsque Bébert douit avoir son lait, cela devient la chose la plus au monde alors qu’à côté, des gens meurent. On peut voir des gens saigner à mort ou brûler vivants et le petit chat est plus important. Si cette réaction est sans coeur, elle est tout à fait humaine, car les hommes pensent d’abord à la survie de leur environnement le plus proche. Il faut se laisser emporter par ces situations. Je travaille toujours de manière paradoxale. Chez moi les conversations ou le récit ne suivent pas toujours la logique, il n’y a pas de structure classique de développement d’un récit où A mène à B. Là est le paradoxe de la langue de Céline, ses ruptures, ses trois petits points qui signifient que ça ne vaut pas la peine de continuer la phrase, que “vous savez bien ce que je veux dire, je suis beaucoup trop pressé, je n’ai plus besoin de formuler ma propre littérature”, que chaque trait de plume est déjà de trop, qu’il faut aller plus vite, au prochain événement, que je dois continuer de courir, courir, courir. Cette énergie est celle d’un guerrier qui se précipite vers la prochaine action. Cela m’est très proche et lorsque nous travaillerons avec les acteurs, nous verrons ce que nous garderons, c’est à ce moment-là que se fera la sélection.
Dans le roman, Céline parle de 1944-45, mais écrit en France en 1960, avec des références à sa vie en 1960, en constant aller-retour entre ce moment et ce qu’il a connu en 45. Cela pour prouver qu’il est toujours persécuté alors que les autres ne le sont plus. Est-ce que cela fera partie du spectacle ?
Céline meurt le 2 juillet 1961 après-midi alors qu’il a donné le matin même le manuscrit de Rigodon à son éditeur. Presque chaque artiste se sent persécuté, opprimé, mal compris, mal traité. Céline croyait vraiment qu’il allait recevoir le prix Nobel de la paix parce qu’il avait oeuvré avec une idée littéraire au rapprochement de la France et de l’Allemagne sur de nouvelles bases après la guerre! Selon lui, il avait aussi mérité le prix Nobel de la littérature pour Voyage au bout de la nuit. Cette paranoïa permanente, ce sentiment de persécution, est pour un artiste le salaire de son don au monde. Un bon artiste est observé de près, commenté, il doit être corrompu dans les états totalitaires. Celui qui gagne beaucoup d’argent et a beaucoup de succès doit se méfier et se dire qu’il y a quelque chose de bizarre. Aussi il se “doit” d’être paranoïaque jusqu’à un certain point, d’avoir le réflexe de se retourner brusquement pour voir qui est derrière lui. La paranoïa de Céline, qui le pousse à travers l’Allemagne, doit bien sûr apparaître dans une adaptation de Nord. Mais il ne faut pas oublier que cette paranoïa le protège aussi contre tout, car rien ne peut atteindre son petit monde fait de sa femme, de son chat et de Le Vigan. La paranoïa doit être présentée comme une qualité qui lui permet de ne pas posséder de ressentiment et de s’adapter à ce qui arrive. L’artiste doit s’adapter à ce qui l’entoure et s’en méfier, ce qui peut mener parfois vers une paranoïa aiguë, qu’il faut absolument traiter dans cette adaptation.
Propos recueillis par Jean-François PERRIER
Février 2007
Si c'est bien le spectacle que j'ai vu en Avignon, on distribuait des boules quiès à l'entrée et voyant rouge s'allumait sur scène quelques secondes avant les pétarades pour prévenir les spectateurs. Beaucoup de bruit, de vociférations, d'allers et venues pour pas grand chose. Je suis parti à la mi temps. Je sais... d'autres céliniens ont trouvé ça génial. Moi pas trop.
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