Le Procès Céline éclaire la personnalité complexe de l'auteur du Voyage au bout de la nuit . Remarquable.
« Moi, je dis qu'un génie ne peut pas être un salaud », assène Philippe Alméras, écrivain spécialiste de Louis-Ferdinand Céline dans Le Procès Céline, écrit par Alain Moreau et réalisé par Antoine de Meaux, diffusé ce soir sur Arte...
Céline, ignoble génie
...La narration, abrupte, incisive, irrévérencieuse comme les mots de l'écrivain, est dite par Marie-Christine Barrault. Et comme on ne comprendrait rien ou trop peu de chose sans connaître les oeuvres de l'« accusé », de larges extraits du Voyage, qui le fit découvrir, mais aussi de Bagatelles pour un massacre, qui le fit haïr, sont lus par un Didier Sandre sidérant. « Qu'on le veuille ou non, le génie de Céline est inséparable des accusations d'antisémitisme. Il n'aura pas fallu moins de cinquante ans pour faire remonter au jour cette vérité essentielle. »
C'est sur ce commentaire que démarre vraiment l'émission. On comprend qu'il ne s'agit pas de relancer une énième polémique sur l'écrivain mort il y a cinquante ans mais d'un questionnement sur « le vrai mystère de Céline », à savoir « comment est-il arrivé à redevenir un grand écrivain de fiction ? ».
À la barre (imaginaire puisque chacun est confortablement assis dans un fauteuil), les témoins se succèdent : les écrivains biographes Émile Brami, Pierre Assouline, Marc-Édouard Nabe et Stéphane Zagdanski, le président de la Société d'études céliniennes François Gibault, qui fut aussi l'avocat de Lucette Destouches, veuve du romancier, son éditeur dans la Pléiade, Henri Godard, ou encore Frédéric Vitoux, de l'Académie française, et Philippe Sollers.
En cause : son style. Céline a-t-il fait offense au monde des lettres ? La cause semble dérisoire. Et pourtant. Paraphrasant le début de Voyage, Alain Moreau écrit : « L'ouverture de son procès débuterait comme ça. Nous sommes en 1932 ; un inconnu débarque dans le paysage littéraire avec un ouvrage inclassable... »
Car dans ces années-là, on croit avoir tout lu. « Le siècle est installé », affirme Marc-Édouard Nabe. Or Céline surgit, et « démode » ses pairs.« Dans les pièces à charge du procès, l'agression à la langue pèse lourd », poursuit Alain Moreau.
Céline écrit-il comme on parle ? « Pour donner cette impression d'émotion, de vitesse, il faut s'inspirer du langage parlé. Mais c'est un travail de déformation du langage, pour donner l'illusion de l'immédiateté », affirme Frédéric Vitoux. « Je pense que dans le procès instruit depuis longtemps, Voyage est une grande pièce à décharge », poursuit Pierre Assouline. Et Céline, que pense-t-il du procès qu'on lui fait ? L'ex-médecin apparaît abondamment dans des images en noir et blanc tournées dans le pavillon de Meudon où il se retira à l'automne de sa vie. « J'ai cessé d'être écrivain pour devenir chroniqueur. La véritable inspiratrice, c'est la mort », affirme l'homme caméléon, qui sut décrire comme personne la bête humaine de la Grande Guerre, tirant le tout vers le sordide. Ignoble idéologue. Mais laissant toujours, embusqué, le génie.
Valérie SASPORTAS
Le Figaro, 17 octobre 2011.
« Moi, je dis qu'un génie ne peut pas être un salaud », assène Philippe Alméras, écrivain spécialiste de Louis-Ferdinand Céline dans Le Procès Céline, écrit par Alain Moreau et réalisé par Antoine de Meaux, diffusé ce soir sur Arte...
Céline, ignoble génie
...La narration, abrupte, incisive, irrévérencieuse comme les mots de l'écrivain, est dite par Marie-Christine Barrault. Et comme on ne comprendrait rien ou trop peu de chose sans connaître les oeuvres de l'« accusé », de larges extraits du Voyage, qui le fit découvrir, mais aussi de Bagatelles pour un massacre, qui le fit haïr, sont lus par un Didier Sandre sidérant. « Qu'on le veuille ou non, le génie de Céline est inséparable des accusations d'antisémitisme. Il n'aura pas fallu moins de cinquante ans pour faire remonter au jour cette vérité essentielle. »
C'est sur ce commentaire que démarre vraiment l'émission. On comprend qu'il ne s'agit pas de relancer une énième polémique sur l'écrivain mort il y a cinquante ans mais d'un questionnement sur « le vrai mystère de Céline », à savoir « comment est-il arrivé à redevenir un grand écrivain de fiction ? ».
À la barre (imaginaire puisque chacun est confortablement assis dans un fauteuil), les témoins se succèdent : les écrivains biographes Émile Brami, Pierre Assouline, Marc-Édouard Nabe et Stéphane Zagdanski, le président de la Société d'études céliniennes François Gibault, qui fut aussi l'avocat de Lucette Destouches, veuve du romancier, son éditeur dans la Pléiade, Henri Godard, ou encore Frédéric Vitoux, de l'Académie française, et Philippe Sollers.
En cause : son style. Céline a-t-il fait offense au monde des lettres ? La cause semble dérisoire. Et pourtant. Paraphrasant le début de Voyage, Alain Moreau écrit : « L'ouverture de son procès débuterait comme ça. Nous sommes en 1932 ; un inconnu débarque dans le paysage littéraire avec un ouvrage inclassable... »
Car dans ces années-là, on croit avoir tout lu. « Le siècle est installé », affirme Marc-Édouard Nabe. Or Céline surgit, et « démode » ses pairs.« Dans les pièces à charge du procès, l'agression à la langue pèse lourd », poursuit Alain Moreau.
Céline écrit-il comme on parle ? « Pour donner cette impression d'émotion, de vitesse, il faut s'inspirer du langage parlé. Mais c'est un travail de déformation du langage, pour donner l'illusion de l'immédiateté », affirme Frédéric Vitoux. « Je pense que dans le procès instruit depuis longtemps, Voyage est une grande pièce à décharge », poursuit Pierre Assouline. Et Céline, que pense-t-il du procès qu'on lui fait ? L'ex-médecin apparaît abondamment dans des images en noir et blanc tournées dans le pavillon de Meudon où il se retira à l'automne de sa vie. « J'ai cessé d'être écrivain pour devenir chroniqueur. La véritable inspiratrice, c'est la mort », affirme l'homme caméléon, qui sut décrire comme personne la bête humaine de la Grande Guerre, tirant le tout vers le sordide. Ignoble idéologue. Mais laissant toujours, embusqué, le génie.
Valérie SASPORTAS
Le Figaro, 17 octobre 2011.
La citation attribuée à Pagès est de Nabe.
RépondreSupprimerErreur volontaire ?
Nabe ! Pagès ! Ejusquae farinae... Blabla ! Pitié ! Bons mots... pour se mettre en valeur... Aucune réflexion au long cours... Des bouts de pensées avortées... La loi du genre ? Possible... Les coupures... Sans doute ! Mais un Pierre Monnier aurait su expliquer. Brami ne s'en sort pas mal... Mais les autres ! Duraffour et ses décryptages psychanalo-racistes primaires...
RépondreSupprimer« Moi, je dis qu'un génie ne peut pas être un salaud ».
RépondreSupprimerVoilà qui place le débat à un niveau intéressant.
À Alméras plutôt.
RépondreSupprimerSi le génie dépasse, transcende, sublime la salauderie, alors oui, Nabe a raison.
RépondreSupprimerAvant de dire : " Un génie ne peut être un salaud", jolie formule péremptoire et générale qui pose son homme, faudrait savoir ce que les uns et les autres entendent par génie et par salaud. Dans l'Histoire (politique ou littérature ou arts ou sciences) n'y eut-il pas des génies qui furent des salauds ? Méfions nous des formules vagues qui ne veulent rien dire.
RépondreSupprimerj'ai pas trouvé ce documentaire transcendant, voir par moment malhonnête. Mais la réalisation est excellente.
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