Céline a-t-il appartenu au Cercle européen comme l’affirmait l’un des chefs d’accusation dirigés contre lui dans le réquisitoire de 1950 ? Si l’auteur le dément avec la plus grande fermeté, il n’en reste pas moins que son patronyme figure effectivement sur les listes nominatives de l’association. Identifié à l’un des piliers de la collaboration littéraire et qualifié par la presse d’après-guerre d’écrivain « pro-nazi » ou d’ « agent de la Gestapo » (1), Céline a sans conteste partagé certaines idées politiques et sociales avec ce cercle, dont l’objectif prioritaire était d’assurer la rénovation nationale autour d’un axe européen dominé par l’Allemagne. Qu’il y ait eu convergence idéologique, sans doute. Avait-il pour autant sa carte ? Même cette question appelle une réponse nuancée tant les sources font défaut pour trancher définitivement et avec certitude. De fait, l’évocation du cercle européen revient systématiquement dans les documents relatifs au procès. Une minute des renseignements généraux, datée de décembre 1949 (2), stipule le rattachement de Céline à l’association, et l’argument sera repris par M. Drappier, en février 1950, devant la 3e sous-section de la Cour de Justice. Une ordonnance du 26 décembre 1944 frappe d’indignité nationale tous ceux qui ont pris part, comme témoins ou acteurs, aux activités de groupes jugés collaborationnistes. Toute implication lors de « manifestations artistiques, économiques ou politiques [...] en faveur de la collaboration » est explicitement visée par ce texte. En conséquence, les membres du Cercle européen – dont Céline a évidemment le profil - font l’objet de poursuites juridiquement fondées. Mais l’accusé l’entend différemment et nie en bloc. Jamais Céline n’en démordra. Il s’est fait inscrire malgré lui au comité d’honneur, et déclare même avoir tout fait pour s’y soustraire.
Certes, qu’elle soit ou non effective, l’appartenance de Céline au Cercle européen est un bien mince détail au vue des faits qu’on lui reproche par ailleurs. Ses appels à la haine lui vaudront bien plus cher que quelques dîners parmi les habitués du Cercle.
Mais quand on lit la défense de l’auteur face à l’accusation d’en avoir été membre, il semblerait qu’il perçoive comme une injure à son indépendance ce rattachement indu à une chapelle. On sait qu’elle importance il accordait à son isolement d’écrivain sourd à influence de ses pairs. Sa liberté s’en trouve par là même compromise. Céline enlisé dans un groupe ? C’était remettre en cause son discours permanent de patriote au-dessus de la mêlée…
Extrait du mémoire de défense rédigé par Céline le 6 novembre 1946 (Archives nationales) :
Minute préparatoire d’un rapport de police, décembre 1949 (Archive de la préfecture de police)
L’officier décline l’identité du docteur Louis-Ferdinand Destouches, puis énumère ses faits de collaboration durant l’Occupation :
« DESTOUCHES, Louis-Ferdinand, dit CELINE, est né le 27 mai 1884 (sic), marié.
Docteur en médecine et Homme de lettres.
-Comme auteur de « Bagatelles pour un massacre », et « Voyage au bout de la nuit », « Mort à crédit ».
-Comme collaborateur pendant l’Occupation. A collaboré au « Pilori », à « Germinal » et au « Cri du Peuple.
-Comme A été membre de la du « Cercle Européen ».
A obtenu en 1942 un passeport pour se rendre en Allemagne.
Est Réfugié au Danemark depuis la Libération ».
Jean-François ROSEAU
Le Petit Célinien, 14 février 2012.
Jean-François ROSEAU
Le Petit Célinien, 14 février 2012.
Notes
1 - L’Humanité, 22 février 1950 et 27 avril 1951. L’expression revient, en effet, à plusieurs reprises.
2 - Archives de la préfecture de police de Paris, « Dossier Céline », Carton : EA 152. IV.
Merci !... à mardi prochain !
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