Pavé, somme de bile, les Editions Gallimard publient leur correspondance avec l’écrivain maudit. Trésor de mauvaise foi et de voltige littéraire, ces « Lettres à la NRF » éclairent bien des pans de Céline.
Source précieuse, pan d’histoire littéraire, mais surtout sac de fiel et catalogue de méchancetés. Pascal Fouché nous dévoile dans les 600 pages de Lettres à la NRF les relations tumultueuses entre l’écrivain Céline et son éditeur de l’après-guerre, Gaston Gallimard. Ces lettres, hachurées d’une main fébrile, font passer l’ordonnance d’un médecin pour une plaisante dactylographie. Ratures, phrases incomplètes et vocabulaire maison transforment leur transcription en œuvre de Champollion.
Né Louis-Ferdinand Destouches, Céline a 38 ans lorsqu’il fait le tour des éditeurs avec son manuscrit du Voyage au bout de la nuit. Blessé de guerre, grand voyageur, coureur de tutus, médecin (après avoir été joaillier et surveillant de plantation africaine), il contacte Gaston Gallimard de la Nouvelle revue française le 14 janvier 1932. L’auteur écrit de son premier pavé : « Je ne crois pas que mon machin soit ennuyeux. » Fausse modestie. Car plus bas, il y voit « du pain pour un siècle entier de littérature. C’est le prix Goncourt 1932 dans un fauteuil pour l’heureux éditeur » (…) Cependant la réponse de Gallimard tarde : l’impatient Céline signe chez Denoël. Adieu également le prix tant convoité. Céline reçoit un Renaudot de consolation alors que l’anodin Mazeline (chez Gallimard) rafle le Goncourt.
L’écrivain ne digère pas cet échec : « J’ai fait tout ce qu’il faut pour me les rendre hostiles à vie et à mort ! Dès 1932 ! Vieux compte ! » On connaît la suite : son second roman (Mort à crédit), incendié par la critique, un antisémitisme névrotique, ses pamphlets, sa fuite dans l’Allemagne de 1944, les prisons danoises, l’exil, ses procès et sa difficile réhabilitation. En 1951, Céline s’installe à Meudon. Malade, haineux décharné, il écrit Nord, D’un château l’autre et rabroue les rares malades qui osent encore le consulter.
Après la guerre, Céline renoue sa correspondance avec Gaston Gallimard (son nouvel éditeur) et ses assistants Jean Paulhan et Roger Nimier. L’écrivain reconnaissant ? Son courrier n’est que menaces et mise au pilori de la terre entière. Un véritable terrorisme épistolaire mené à la plume cadencée. « je tiens Musée, vous le savez, de toutes les injures possibles… »
En vrac : à Gaston Gallimard, « Pape, coco ! pédé !, gaulliste ! », « Formidable limace » et « merlan frit lubrique » dès que tarde le moindre versement d’argent. Sa maison d’édition ? « Cette nénéref m’agace comme les filles qui parlent toujours d’amour et n’ont jamais joui ! (…) Vous auriez une rubrique Torche-culs, mes livres y figureraient. » Gallimard garde son calme (« Vous avez toujours 18 ans et c’est ce que j’aime en vous »), d’autres craquent rapidement : Paulhan (« Vos lettres ont cessé de m’amuser ») ou encore Malraux décrivant Céline comme « un pauvre type ».
Céline déteste quasiment tout le monde. Les autres auteurs ? des « pédérastes au sexe triste ». Sartre ? « Un agité du bocal. » La presse ? « A la vidange ! » la critique ? « Sous-chiasse à la sauvette. » Les libraires ? « Tous des fumiers ! » Trois sujets l’obsèdent cependant : son argent, son entrée immédiate dans la collection de la Pléiade et l’impression de ses « ours » en édition de poche. Et de harceler ses correspondants : « Je suis persuadé que c’est dans votre maison-même que l’on me sabote avec le plus d’entrain ! Jalousie de toute votre clique de ratés ? Mots d’ordres politiques ? Racisme ? (…) Vous me faites crever de faim et de froid. » Concernant la Suisse, Céline loue la valeur de notre franc, mais décrit la Radio Suisse romande comme étant « La radio des goîtreux »… une de ses dernières lettres en 1960. Céline, 67 ans, meurt à Meudon le premier juillet 1961, d’une rupture d’anévrisme.
Source précieuse, pan d’histoire littéraire, mais surtout sac de fiel et catalogue de méchancetés. Pascal Fouché nous dévoile dans les 600 pages de Lettres à la NRF les relations tumultueuses entre l’écrivain Céline et son éditeur de l’après-guerre, Gaston Gallimard. Ces lettres, hachurées d’une main fébrile, font passer l’ordonnance d’un médecin pour une plaisante dactylographie. Ratures, phrases incomplètes et vocabulaire maison transforment leur transcription en œuvre de Champollion.
Né Louis-Ferdinand Destouches, Céline a 38 ans lorsqu’il fait le tour des éditeurs avec son manuscrit du Voyage au bout de la nuit. Blessé de guerre, grand voyageur, coureur de tutus, médecin (après avoir été joaillier et surveillant de plantation africaine), il contacte Gaston Gallimard de la Nouvelle revue française le 14 janvier 1932. L’auteur écrit de son premier pavé : « Je ne crois pas que mon machin soit ennuyeux. » Fausse modestie. Car plus bas, il y voit « du pain pour un siècle entier de littérature. C’est le prix Goncourt 1932 dans un fauteuil pour l’heureux éditeur » (…) Cependant la réponse de Gallimard tarde : l’impatient Céline signe chez Denoël. Adieu également le prix tant convoité. Céline reçoit un Renaudot de consolation alors que l’anodin Mazeline (chez Gallimard) rafle le Goncourt.
L’écrivain ne digère pas cet échec : « J’ai fait tout ce qu’il faut pour me les rendre hostiles à vie et à mort ! Dès 1932 ! Vieux compte ! » On connaît la suite : son second roman (Mort à crédit), incendié par la critique, un antisémitisme névrotique, ses pamphlets, sa fuite dans l’Allemagne de 1944, les prisons danoises, l’exil, ses procès et sa difficile réhabilitation. En 1951, Céline s’installe à Meudon. Malade, haineux décharné, il écrit Nord, D’un château l’autre et rabroue les rares malades qui osent encore le consulter.
Après la guerre, Céline renoue sa correspondance avec Gaston Gallimard (son nouvel éditeur) et ses assistants Jean Paulhan et Roger Nimier. L’écrivain reconnaissant ? Son courrier n’est que menaces et mise au pilori de la terre entière. Un véritable terrorisme épistolaire mené à la plume cadencée. « je tiens Musée, vous le savez, de toutes les injures possibles… »
En vrac : à Gaston Gallimard, « Pape, coco ! pédé !, gaulliste ! », « Formidable limace » et « merlan frit lubrique » dès que tarde le moindre versement d’argent. Sa maison d’édition ? « Cette nénéref m’agace comme les filles qui parlent toujours d’amour et n’ont jamais joui ! (…) Vous auriez une rubrique Torche-culs, mes livres y figureraient. » Gallimard garde son calme (« Vous avez toujours 18 ans et c’est ce que j’aime en vous »), d’autres craquent rapidement : Paulhan (« Vos lettres ont cessé de m’amuser ») ou encore Malraux décrivant Céline comme « un pauvre type ».
Céline déteste quasiment tout le monde. Les autres auteurs ? des « pédérastes au sexe triste ». Sartre ? « Un agité du bocal. » La presse ? « A la vidange ! » la critique ? « Sous-chiasse à la sauvette. » Les libraires ? « Tous des fumiers ! » Trois sujets l’obsèdent cependant : son argent, son entrée immédiate dans la collection de la Pléiade et l’impression de ses « ours » en édition de poche. Et de harceler ses correspondants : « Je suis persuadé que c’est dans votre maison-même que l’on me sabote avec le plus d’entrain ! Jalousie de toute votre clique de ratés ? Mots d’ordres politiques ? Racisme ? (…) Vous me faites crever de faim et de froid. » Concernant la Suisse, Céline loue la valeur de notre franc, mais décrit la Radio Suisse romande comme étant « La radio des goîtreux »… une de ses dernières lettres en 1960. Céline, 67 ans, meurt à Meudon le premier juillet 1961, d’une rupture d’anévrisme.
Thierry SARTORETTI
Le Nouveau Quotidien, 18 octobre 1991.
Louis-Ferdinand Céline, Lettres à la N.R.F, 1931-1961, Gallimard, 1991.
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