Dernier volet des souvenirs de Bente Johansen. Episodes précédents : I - Les Destouches à Copenhague, II - Ma première rencontre avec Céline, III - Céline à Copenhague, automne 1945, IV - Exil à Copenhague. V - De Copenhague à Nice, été 1946 V - « Une petite bécasse » suivi de « Karen Marie » - VI - Karen Marie et Birger Bartholin, VII - Helga Pedersen, Karen Marie et Ella
Après le Danemark…
par Bente JOHANSEN-KARILD
par Bente JOHANSEN-KARILD
Des années de Céline à Meudon, je ne connais que la relation qui en a été faite par d’autres. Le vieillissement prématuré de Céline est dû, je pense, à des raisons à la fois psychiques et physiques. Psychiquement, Céline a dû être énormément affecté de ne pas être reçu à bras ouverts par ses anciens amis artistes et de voir l’intérêt pour ses livres diminuer notablement. Haines, chagrins et déceptions ont une très forte incidence négative sur tous les processus métaboliques.
Quant aux lavements quasi quotidiens qu’il s’était appliqués depuis bien des années, ils avaient tout simplement empêché son organisme d’assimiler suffisamment les éléments nutritifs nécessaires. Cependant, l’interview d’André Parinaud (1) montre que la puissance intellectuelle de Céline restait intacte, en même temps que l’écrivain admettait que c’était son style, le choix rythmique de ses mots qui lui survivraient et qui constitueraient son apport personnel à la littérature universelle.
Céline ne mettait pas sa lumière sous le boisseau. « je devrais avoir deux Prix Nobel, disait-il, celui de littérature et celui de la Paix ! (…) Mes livres seront lus par la jeunesse de l’avenir. » Comme d’habitude, sa prophétie se vérifia. Cela a été pour moi une expérience singulière que d’entendre en 2002 un enregistrement de la voix de Céline. Cela m’a reportée à l’année 1945, où je l’avais souvent entendu lire ses livres à haute voix pour en juger du rythme sonore. Ce n’est, toutefois, qu’en entendant Pierre Brasseur dire un passage de Voyage au bout de la nuit que j’ai compris pourquoi ce rythme continuait à passionner les céliniens (2).
Lors de mon séjour à Nice en 1946, j’avais acheté un ouvrage de Marcel Stanislas Ducout, La Danse Sonore. Synthèse de la danse et de la musique. A l’époque, le sujet ne m’intéressait pas, occupée que j’étais à faire une carrière de danseuse professionnelle. Plus tard, en tant que thérapeute de la danse, et après plus de quarante ans d’activité, j’ai dû reconnaître que la synthèse de la musique et de la danse agit sur les sentiments à travers l’appareil sensoriel et que c’est là une voie plus directe que la compréhension intellectuelle des mouvements.
Céline dit que l’émotion vient avant le verbe. Et c’est Curt Sachs qui écrit : « La danse est essentiellement la vie à un degré plus intense. » Depuis les débuts de sa carrière littéraire, Céline a été fasciné par la danse et a aimé des danseuses, qui, avec leur joli corps et leurs mouvements gracieux, ont su exprimer d’autres sentiments que lui dans ses livres. Et cela n’a t-il pas été pour lui une tentative inconsciente de préserver son équilibre mental en recherchant l’harmonieux, le beau et l’esthétique ?
Bente KARILD
Traduction et notes de François Marchetti
Notes
1- André Parinaud, Céline, la maîtrise de l’outrance, Le Bulletin célinien, 2001. Edition établie par Arina Istratova. Prix : 21€ franco.
2- Il s’agit, bien sûr, du célèbre passage de la mère Henrouille, bien connu des céliniens, mais qui force l’admiration de tout amateur de littérature. Quarante-cinq ans après l’enregistrement, Pierre Brasseur reste, dans Céline, un modèle que certains devraient garder en mémoire avant d’oser dire du Céline à leur tour.
e mène des recherches sur un artiste espagnol qui a eu une relation avec Bente Karin. C'est Teresa Branyas. Auriez-vous la gentillesse de me dire s'il y a une référence à Teresa dans la correspondance de Bente ?
RépondreSupprimerMerci beaucoup