Dans son 49è numéro, la revue Histoires littéraires, revient sur l'année éditoriale 2011, qui a marqué le cinquantenaire de la mort de Louis-Ferdinand Céline, avec un article de Jean-Paul Louis. Un jugement sûr et sans concession sur la profusion des parutions 2011. De l'étude « qui n'a plus grand chose à nous apprendre » aux livres « dont on peut gager qu'ils sont déjà oubliés », rien de cette année Céline n'est oublié, et surtout pas ce trop court passage du film Le Procès Céline où l'on entend Serge Perrault évoquer avec délicatesse l'influence de la danse sur le style de Céline. Voici les premières lignes de cet article définitif...
« La plus parfaite salope de la littérature contemporaine. »
(Un lecteur de 1936).
La mode des célébrations participe des grands mythes de la République : discours et flonflons récupérateurs d’un héritage devenu glorieux, grâce à cinquante ans de vieillissement au minimum. Selon l’importance du célébré, ces anniversaires sont destinés à rehausser les mérites de la mère patrie ou d’un terroir plus réduit, d’une ville de naissance, ou encore plus petit, d’une place publique où se trouve une statue érigée par souscription, Quand il s’agit d’un anniversaire de mort, on peut aussi se réunir au cimetière avant de gueuletonner dans un lieu cher au disparu. Vaste thème de réflexion, qu’un jour devrait traiter Histoires littéraires.
C’est à un exercice plus modeste – et pourtant compliqué, et risqué – qu’on me demande de me livrer. J’ai opposé qu’en étant l’un des acteurs (non certes le plus en vue), je me trouvais mal préparé à un exposé lucide. Mais il paraît qu’au contraire, je serais le mieux à même d’examiner ce qu’a produit d’utile ou d’inutile, pour l’histoire littéraire, le cinquantenaire de la mort de Louis-Ferdinand Céline.
Le métrage des publications donne une indication quantitative : livres, revues (numéros spéciaux et dossiers), catalogues de ventes, enregistrements publiés en 2011, consacrés en tout ou en partie à Céline, s’allongent sur plus ou moins un mètre, selon qu’on y admet ou non les à-côtés, mentions, élucubrations, fantaisies passagères. On compte pour la construction des rayonnages de bibliothèque qu’on loge de 35 à 40 volumes au mètre linéaire. Mais aux volumes, il faut ajouter ce qui tient en peu d’espace : articles, échos de presse, courts témoignages, vindictes ou dissertations, logorrhée informatique, qui ont été par centaines, flot libéré brillamment dès janvier par notre gracieux ministre de la Culture – soit six mois avant l’anniversaire réel de sa mort, que Céline a eu le bon goût de situer pile au milieu de l’année 1961, ce qui rend légitime l’étalement des festivités sur l’année entière. Les morts de janvier risquent l’oubli dès le printemps, et ceux de décembre le débordement sur l’an suivant où ils se diluent.
De ce mètre linéaire et de ces myriades d’articles qui volettent au-dessus des volumes, comme poussière qui s’en échappe pour retomber bientôt, voici ce qu’on retient ou rejette, au gré de chacun, et sans garantie d’exhaustivité.
Le premier opus à voir le jour est aussi, chose étrange, celui qui a le plus vite disparu : achevé d’imprimer à de nombreux exemplaires dès la fin de 2010 pour être fin prêt en janvier, le crû 2011 des Célébrations nationales est devenu une curiosité bibliophilique, ce à quoi sa présentation d’annuaire ou de catalogue de vente par correspondance ne le destine pas habituellement. Il a fallu que dans la section « Littérature et sciences humaines », qui vient en second après « Institutions et vie politique », se trouvent trois pages (98-100) consacrées à Céline, pour que la distribution en soit arrêtée brutalement et le volume voué à la destruction. Un arrachage de ce texte de circonstance, dont la présence a été jugée un peu tard difficile à soutenir, aurait amputé une page du prix Nobel de Maeterlinck qui le précède, à la table il aurait bien fallu faire disparaître, avec l’Odieux, Jean Cayrol, La Tour du Pin, Troyat, Maeterlinck à nouveau, Cendrars, Frantz Fanon et Michel Foucault, et quant aux pages 291-292 de l’index, l’extirpation de Céline aurait entraîné une hécatombe de A à P.
Pourtant, le texte autorisé d’Henri Godard, commandé et approuvé, avait de pondéré et de mise à distance tout ce qu’il convient aux moments solennels. Il faut croire que le célébré, lui, ne s’y laisse jamais plier. Cette pantalonnade a suscité de nombreux commentaires d’inspirations diamétralement opposées. On ne saurait dire si, privé de ce lancement magistral, le millésime aurait connu le même succès éditorial.
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DU LEROT, éditeur
16140 TUSSON
Le numéro 25 €.
Abonnement 1 an, 80 € à :
HISTOIRES LITTERAIRES
32, Av. de Suffren
75015 PARIS
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HISTOIRES LITTERAIRES
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Jean-Paul LOUIS
Histoires littéraires, revue trimestrielle consacrée à la littérature française des XIXè et XXè siècles, (janvier-février-mars 2012), vol. XIII, n°49.
Au sommaire de ce numéro :
Études
M. Reid : Des femmes dans l'histoire littéraire
L. Bihl : Victor Bohain, le chevalier de papier
Documents
Un inédit d'Antonin Artaud
J.-P. Goujon : Une lettre d'Ange Pechméja
Propos
J.-P. Louis : Céline millésime 2011
Petites coupures
H. Scepi : Baudelaire au miroir d'un siècle qui s'enfuit
Entretien avec Henri Béhar
En lisant Histoires littéraires, par Delfeil de Ton
Chronique des ventes et des catalogues
En société
Livres reçus
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