Comœdia est un journal de presse écrite français aujourd'hui disparu, fondé par Gaston de Pawlowski, qui a paru du 1er octobre 1907 au 6 août 1914 et du 1er octobre 1919 au 1er janvier 1937 comme quotidien, puis du 21 juin 1941 au 5 août 1944 de façon hebdomadaire. Nous tirons l'article qui suit, paru à l'occasion de la sortie allemande de Voyage au bout de la nuit, de La Revue des lectures qui a repris ce texte dans son n°10 du 15 octobre 1934.
Il y a quelques temps, nous avons ici même fait remarquer le danger qu'il y avait à laisser passer à l'étranger le roman de M. Céline, Voyage au bout de la nuit, et d'y faire croire que c'est là le roman français actuel.
Notre crainte était bien fondée. Car on vient de publier la traduction allemande du Voyage au bout de la nuit. Et voici quelques extraits de journaux allemands pris au hasard :
« ...Cet ouvrage est profondément français... Il simule le pacifisme tout en glorifiant un communisme que nous avons bien fait d'exterminer dans notre patrie allemande, puisqu'il n'a aucune raison d'être... »
« ...Les personnages évoluant dans le soi-disant roman de ce nouvel auteur français doivent être du Midi. Un homme nordique... ne pourrait jamais faire preuve d'une telle décadence. Mais la France a les auteurs qu'elle mérite. Elle a même couronné ce livre et le met à côté des oeuvres de Zola... Seul un naturalisme français peut mener à cette décadence... »
« ...Il faut lire le livre de M. Céline pour constater à quel degré sont descendus nos voisins français. Il faut le dire pour savoir l'action néfaste de la soi-disant littérature de guerre. Il est vrai que nous avons aussi connu des Allemands qui, sous le régime pourri, ont "glorifié" le tireur au flanc pendant la guerre, mais nous n'avons pas rencontré en Allemagne une oeuvre aussi destructrice (kulturzerstörend...) et aussi néfaste pour l'esprit d'une nation. Surtout : nous n'avons pas rencontré un jury pour le couronner... »
« ...On se demande dans quels buts ce livre a été imprimé. Les écrivains français se moquent-ils d'eux-mêmes ou du français en général ?... »
Ces quelques extraits, puisés surtout dans les petites feuilles hitlériennes, suffisent largement pour démontrer l'effet produit au-delà des frontières. Cet effet est déplorable.
N'insistons pas. Le dommage est indiscutable. Mais posons la question : Comment empêcher à l'avenir semblables dommages ?
Camille SCHNEIDER, correspondant de Comœdia à Strasbourg.
Comœdia, 23 avril 1934.
Article très intéressant pour ce qu'il est et ses prolongements.. Complément de "70 critiques de Voyage, textes réunis par André Derval, Imec éditions, 1993" où il n'apparaît pas. Faut-il toujours se méfier des anthologies.
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