Philippe DJIAN, qui vient d'être récompensé du prix Interallié pour son roman Oh... (Gallimard, 2012), a publié en 2002 chez Julliard Ardoise, recueil de textes rendant hommage aux écrivains ayant marqués sa vie. Aux côtés de Kerouac, Salinger, Hemingway, Faulkner ou Melville figure Louis-Ferdinand Céline. Voici le texte qui lui est consacré.
Je
ne savais pas qui était Céline. Personne ne m'en avait parlé.
C'est dire à quel point je ne connaissais pas grand chose. Autour de
moi, il semblait plus urgent de trouver un moyen de se procurer le
dernier Bob Dylan avant les autres que de se plonger dans la
littérature de l'entre-deux-guerres (mais l'inverse ne met pas non
plus à l'abri d'un manque).
Je
ne savais pas qu'il était le salopard dont on me dresserait le
portrait par la suite. Et c'est un peu mon problème avec lui car je
l'ai immédiatement aimé et n'ai pu me défaire de ce sentiment,
malgré que j'en eusse.
Il
représente pour moi le styliste absolu. C'est trop me demander que
de mettre sa haine des juifs dans la balance. Je
ne comprends pas,
sinon d'une manière abstraite, ce qu'était ce monde de fous furieux
avant ma naissance. J'imagine mal ce que pouvait être un monde
peuplé de millions de connards. La haine, développée à ce
point-là, est un sentiment que je ne connais pas. Je sais qu'il
existe comme je sais qu'il existe des milliards d'univers semblables
au nôtre, mais cela ne m'avance pas beucoup.
La
lecture du Voyage
m'avait laissé perplexe. C'était un monde dans lequel je ne me
plaisais pas, à la fois trop proche et trop éloigné, et plein
d'une fureur qu'encore une fois j'avais du mal à me représenter.
Mais l'écriture m'avait intrigué. Elle avait eu sur moi l'effet
d'un alcool fort dont on ne sait si la brûlure est agréable ou non
tandis qu'il se répand déjà dans votre cerveau. Je me plongeai
alors dans Mort à
crédit.
Je
ne savais toujours pas qui était Céline. Mais lorsque je refermai
ce livre, le mal était fait. J'étais persuadé d'avoir découvert
le plus grand écrivain français et je ne pouvais plus revenir en
arrière.
Je
ne sais pas si beaucoup de gens ont pratiqué Céline en ignorant
tout du personnage. Je me suis trouvé dans cette situation. Mort
à crédit et le
Voyage
ne m'avait pas donné l'impression de côtoyer un monstre. Je
croisais dans la rue des rescapés de la Première Guerre qui me
paraissaient encore plus acariâtres et mal lunés. J'imaginais
Céline comme une espèce de misanthrope, peut-être même un
humaniste contrarié par l'éternelle sauvagerie de ses semblables.
Je ne me souviens plus si ces deux livres contenaient déjà des
propos antisémites. Si c'était le cas, cela ne m'avait pas frappé.
J'en retenais plutôt une charge contre l'exploitation des pauvres
par les riches, des faibles par les forts, une charge contre le
pouvoir de l'argent qui était source de tous les maux.
On
sait quelle fabuleuse puissance incantatoire possédait Céline. Sa
voix balayait tout et charriait toutes les horreurs et les merveilles
du monde. J'étais pétrifié devant un tel mouvement. Mais aussi en
décalage par rapport à la nature et à l'objet de ses imprécations.
Je ne vivais pas dans le monde qu'il vomissait. Si bien que je ne le
prenais pas à la lettre. J'aimais sa rage et sa fureur comme on aime
regarder une tempête dont on est à l'abri. Des têtes qu'il faisait
rouler sur le sol, du jeu de massacre auquel il se livrait, je ne
gardais que la fantastique leçon d'écriture.
À
la différence de Salinger et des autres qui ont suivi, Céline ne
m'a rien apporté sur le plan humain. En dehors du style, je n'ai
tiré de lui aucun enseignement, rien qui m'ait aidé à trouver ma
place parmi les autres. Eût-il été un résistant de la première
heure et le meilleur ami des juifs que ça n'aurait rien changé. Le
Ferdinand de Mort à
crédit n'exerçait
pas sur moi, on l'imagine sans peine, le même attrait que Holden
Caulfield. Ses pensées n'étaient pas les miennes, je ne parlais pas
comme lui, je n'agissais pas comme lui. Je n'ai jamais considéré
Céline comme un ami, ni même comme un proche et il est le seul de
tous les écrivains qui m'ont marqué pour lequel je n'éprouve pas
un sentiment d'attachement indéfectible.
Céline
n'est pas un écrivain qui vous tend la main. Il est celui qui vous
enfonce la tête plutôt que de vous repêcher. Il est l'Ange
Exterminateur. Le plus puissant d'entre tous. On peut imaginer que sa
noirceur est à la mesure de sa souffrance. Quand je n'avais rien à
faire, je passais devant chez lui, à Meudon, et je sentais ma tête
se rentrer entre mes deux épaules. J'avais l'impression qu'il
s'agissait d'une maison hantée, de laquelle s'échappaient des
vibrations terribles. Plus tard, après sa mort, lorsque j'y
pénétrai, je me sentis oppressé. Céline a toujours été pour moi
un maître effroyable. La passion que j'ai pour lui se double d'un
côté morbide.
Lorsque
j'ai lu Bagatelles pour
un massacre, je me
suis dit que j'avais affaire à un cinglé. Mais il y avait aussi ces
documents de l'époque qui témoignaient de la folie et de
l'abrutissement ambiants. D'une manière ou d'une autre, la haine
était un sentiment largement partagé. Le pouvoir de Céline, cette
espèce de génie monstrueux de la langue dont il était l'unique et
irascible détenteur, avait le chic pour mettre le feu à tout ce
qu'il approchait. Chez lui, la riposte ou même l'attaque ne
pouvaient être graduées. Et c'était un temps où l'on s'arrachait
un morceau de colline à coups de millions de morts. Et peut-être
que certains juifs faisaient vraiment chier, comme aujourd'hui
certains cathos font vraiment chier et un jour la souffrance et la
misère des gens finissent par vous retomber dessus, et la souffrance
et la misère peuvent transformer vos voisins en chiens enragés,
capables des actions les plus immondes. Vous leur écrasez le pied et
ils vous tranchent la gorge. Les têtes se baladent au bout d'une
pique. Faites confiance à la bêtise et à la cruauté humaines et
vous ne serez pas déçu.
Céline
n'était pas un esprit supérieur, loin de là, et il l'a amplement
prouvé en rédigeant ses pamphlets. Tout le monde sait qu'il y a
deux Céline : celui qui se tenait au fond de la salle et gueulait :
« Et la connerie aryenne, tu sais ce que c'est ?!!... » au cours
d'une réunion fasciste, et l'autre, celui qui cristallisait toute la
jalousie, toute la haine, toute la stupidité et toute la veulerie du
plus grand nombre. On peut imaginer que les rapports entre les deux
n'étaient pas simples.
Il
y a de l'apprenti sorcier dans le cas de Céline. On n'est jamais sûr
de contrôler certains pouvoirs. Ses détracteurs, semble t-il, n'ont
jamais bien pris la mesure des forces auxquelles cet homme était
confronté. Pourtant, Dieu sait que le travail qu'il a accompli
relève de l'entreprise surhumaine et donne ainsi une idée de l'état
de quasi-possession dans lequel il devait se trouver. Je pense que
Céline était incapable de maîtriser le flot brûlant qui
jaillissait hors de lui et je pense que ce torrent asséchait tout le
reste, et servait de lui comme d'un passage pour inonder des siècles
de littérature.
Céline
a dynamité l'écriture. Malheureusement, on ne trouve pas une telle
quantité d'explosifs dans les beaux quartiers, ni même dans les
couloirs des maisons d'édition. Une telle quantité d'énergie ne
peut provenir que du peuple (le travail de Joyce est d'une autre
nature) et Céline était un homme du peuple. Dont l'une des
qualités, à lépoque, était d'être antisémite. Des années plus
tard, Céline aurait vomi sur les Arabes ou sur les Noirs avec le
même aveuglement. Être antisémite, au début du siècle, devait
être comme aimer le foot aujourd'hui : se rallier au plus grand
dénominateur commun. Céline s'y est vautré. Mais on a les grands
auteurs que l'on mérite et la France de ce temps-là ne méritait
pas mieux. Céline y a plongé ses racines et il est devenu
l'écrivain du Mal. Je dirais presque, à son corps défendant.
Bernard Franck le comparait, il y a peu, à un chauffeur de taxi : un
type en train de râler et dont on ne verrait que le dos, car Céline
ne vous regarde pas en face. Bernard Franck a comme ça, de temps en
temps, des espèces d'illuminations.
Je
dois cependant avouer une chose, afin de tempérer mon excès de
sympathie pour cette période et rendre justice à la minorité qui
sauvait l'honneur de ce pays en ne cédant pas à ses démons : mon
grand-père maternel vivait à la maison. Et il représentait si bien
ce monde de dégénérés que je ne lui adressais même plus la
parole.
Je
ne vois pas très bien par quelle perversion de l'esprit l'on ne
reconnaîtrait pas l'immense talent de Céline sous prétexte qu'il
déraillait complètement (de la même façon que l'on peut s'entêter
à ne rien trouver dans les Cantos d'Ezra Pound). En quel
honneur ? Cela signifierait-il que pour apprécier Céline il faille
partager son délire ? Être un grand amateur de Céline, plutôt que
de Roger Vailland, révèle t-il quelque chose de louche ?
Que
la littérature fasse peur et nous entraîne parfois au milieu des
ténèbres, il faut s'y résigner. Que le coeur de l'homme soit aussi
le repaire d'un monceau d'ordures n'est pas plus surprenant. Mais
est-il question de chercher des excuses à Céline ?
À
moins de collectionner les croix gammées et d'en pincer pour les
vieux oripeaux qui moisissent dans les armoires de la décrépitude,
pratiquer Céline suppose de ravaler ses haut-le-coeur et, en
général, aucun écrivain ne se relève d'un tel handicap. Ce que je
vais dire ressemble à une triste plaisanterie et c'en est une, d'un
certain point de vue, mais pas tant que ça,, au bout du compte : un
homme qui éprouve un tel amour pour sa langue ne peut pas être
complètement mauvais. Il y a cette espèce de provocation chez
Céline, quelque chose que je ressens comme une sorte de «
oserez-vous me suivre ? » qu'il lancerait d'un air grimaçant et en
guise d'injonction à lui emboîter le pas sur les chemins boueux.
Comme pour tester notre résistance et notre capacité à payer un
prix qu'il a lui-même payé au centuple. Comme si la véritable
monstruosité qu'il voulait nous révéler était la monstruosité de
son travail et que, se déchirant, il voulait nous déchirer, nous
faire bouffer sa merde afin de se venger d'avoir été choisi
entre tous pour accomplir une oeuvre dont la démesure le détruirait
(Sade provoquerait chez moi la même impression confuse quelques
années plus tard).
Vouloir
en finir avec Céline est présomptueux : il nous a donné mille raisons de l'enterrer une bonne fois pour toutes mais il est toujours là et cela tient du prodige. Il est là qu'on le veuille ou non et plus rien ne peut l'abattre. Les branches pourries sont pourries mais on ne voit pas se déclarer une quelconque gangrène.
On ne peut davantage se débarrasser du problème en réduisant Céline à son style. Je m'y cramponnais autrefois quand une conversation finissait par tourner à l'aigre et que l'on me renvoyait l'image de l'antisémite à la figure. J'osais à peine expliquer qu'il était capable de me faire rire aux larmes et que si le raccourci juif = toutes les misères du monde me semblait grotesque, l'exploitation de l'homme par l'homme ne me laissait pas indifférent. Céline était trop sombre et trop brutal pour un garçon de mon âge, mais sa noirceur me fascinait. Je me plongeais dans ses livres en courbant l'échine. Je leur trouvais une beauté douloureuse, une luminosité tragique. Parfois je me sentais léger et parfois j'étais écrasé contre le sol glacé.
« Au commencement n'était pas le verbe. Au commencement était l'émotion. » C'était aussi avec ce genre de déclaration que Céline me coupait le souffle. Je n'avais pourtant aucune velléité d'écriture à ce moment-là, mais une quinzaine d'années plus tard, lorsque j'allais me décider, tout ce que Céline avait pu dire sur le style resurgirait dans mon esprit avec une précision étonnante. Il était un grand professeur. Il vous promettait les pires douleurs, les affres d'un travail acharné qu'il s'imposait à lui-même, une vie de forçat et certains retours de manivelle, mais il éblouissait le chemin et marquait votre inconscient au fer rouge. Et il ne se contentait pas d'un cours théorique : il vous mettait le résultat sous les yeux.
Ce n'est pas tant le Voyage que Mort à crédit devant lequel je restai sidéré. Au grondement sourd du premier, concernant le style, succédait l'explosion étourdissante et inévitable du second. Il y avait comme un ricanement qui planait au-dessus du livre, comme un chant d'amour décalé, comme une onde victorieuse : Céline avait empoigné notre vénérable langue à la gorge et l'avilit transfigurée. Une sorte de déclaration d'amour en forme de cassage de gueule.
Je pense toujours à ce film, Casque d'or, lorsque l'on parle de Céline. On n'y voit pas James Dean ou Marlon Brando. Reggiani ne portait pas de Levi's ni de tee-shirt et il dansait sur de drôles de musiques. Il employait des mots d'argot que je ne comprenais pas, contrairement à ceux de Salinger. Il avait même une casquette vissée sur le crâne.
Le rythme de Céline n'était pas le mien. Pour une question de tempo, de respiration, de chromatisme, de palpitation interne, qui font qu'un écrivain s'empare de votre être tout entier et pince votre corde et devient alors beaucoup plus qu'un ange tutélaire, je ne pouvais lui accorder davantage qu'une admiration sans bornes. Céline faisait le grand écart entre deux mondes. Comme les cubistes, il m'impressionnait, me subjuguait et même plus encore, mais il n'enfonçait pas les dernières portes de ma sensibilité. Son rythme n'entrait pas en harmonie avec le mien. Je me sentais plus proche de Matisse que des cubistes.
Et pour dire les choses autrement, plus proche des Rolling Stones.
La puissance phénoménale de Céline soulevait à chaque pas des blocs de roche tout entiers et son souffle aplatissait les forêts autour de lui. Je vivais alors avec une femme qui avait deux fois mon âge et qui m'apprenait beaucoup de choses. Puis un jour, elle tâcha de m'expliquer que je l'aimais mais que je n'étais pas amoureux d'elle. Je ne compris pas tout de suite ce qu'elle essayait de me dire.
Je rencontrai alors une Italienne de vingt ans qui me foudroya d'un seul regard. Je pouvais rester assis à la regarder pendant des heures. Je n'avais pas besoin qu'elle me fasse la conversation. Et il me semblait tout à fait normal de la voir marcher pieds nus dans la rue. J'y étais préparé depuis toujours.
« Au commencement n'était pas le verbe. Au commencement était l'émotion. » C'était aussi avec ce genre de déclaration que Céline me coupait le souffle. Je n'avais pourtant aucune velléité d'écriture à ce moment-là, mais une quinzaine d'années plus tard, lorsque j'allais me décider, tout ce que Céline avait pu dire sur le style resurgirait dans mon esprit avec une précision étonnante. Il était un grand professeur. Il vous promettait les pires douleurs, les affres d'un travail acharné qu'il s'imposait à lui-même, une vie de forçat et certains retours de manivelle, mais il éblouissait le chemin et marquait votre inconscient au fer rouge. Et il ne se contentait pas d'un cours théorique : il vous mettait le résultat sous les yeux.
Ce n'est pas tant le Voyage que Mort à crédit devant lequel je restai sidéré. Au grondement sourd du premier, concernant le style, succédait l'explosion étourdissante et inévitable du second. Il y avait comme un ricanement qui planait au-dessus du livre, comme un chant d'amour décalé, comme une onde victorieuse : Céline avait empoigné notre vénérable langue à la gorge et l'avilit transfigurée. Une sorte de déclaration d'amour en forme de cassage de gueule.
Je pense toujours à ce film, Casque d'or, lorsque l'on parle de Céline. On n'y voit pas James Dean ou Marlon Brando. Reggiani ne portait pas de Levi's ni de tee-shirt et il dansait sur de drôles de musiques. Il employait des mots d'argot que je ne comprenais pas, contrairement à ceux de Salinger. Il avait même une casquette vissée sur le crâne.
Le rythme de Céline n'était pas le mien. Pour une question de tempo, de respiration, de chromatisme, de palpitation interne, qui font qu'un écrivain s'empare de votre être tout entier et pince votre corde et devient alors beaucoup plus qu'un ange tutélaire, je ne pouvais lui accorder davantage qu'une admiration sans bornes. Céline faisait le grand écart entre deux mondes. Comme les cubistes, il m'impressionnait, me subjuguait et même plus encore, mais il n'enfonçait pas les dernières portes de ma sensibilité. Son rythme n'entrait pas en harmonie avec le mien. Je me sentais plus proche de Matisse que des cubistes.
Et pour dire les choses autrement, plus proche des Rolling Stones.
La puissance phénoménale de Céline soulevait à chaque pas des blocs de roche tout entiers et son souffle aplatissait les forêts autour de lui. Je vivais alors avec une femme qui avait deux fois mon âge et qui m'apprenait beaucoup de choses. Puis un jour, elle tâcha de m'expliquer que je l'aimais mais que je n'étais pas amoureux d'elle. Je ne compris pas tout de suite ce qu'elle essayait de me dire.
Je rencontrai alors une Italienne de vingt ans qui me foudroya d'un seul regard. Je pouvais rester assis à la regarder pendant des heures. Je n'avais pas besoin qu'elle me fasse la conversation. Et il me semblait tout à fait normal de la voir marcher pieds nus dans la rue. J'y étais préparé depuis toujours.
Céline a eu le chic pour se transformer en martyr. Il le désirait sans doute depuis le début. À un degré moindre, beaucoup d'écrivains ont cette tendance masochiste, ce penchant pour l'incompréhension. et le rejet, même si un sursaut de lucidité les pousse à arrondir les angles. La création est un travail solitaire qui s'effectue bien souvent, et dans le meilleur des cas, sous la bannière du « Seul contre tous », ce qui ne simplifie pas les choses.
Quand on demande à Nabokov ce qu'il pense de la déclaration de Tolstoï « La vie est une tartine de merde que l'on est obligé de manger lentement », il répond que quant à lui, sa vie est du pain frais avec du beurre de campagne et du miel des Alpes.
On croirait une publicité pour un week-end dans un centre de remise en forme avec une séance de bronzage en prime. Avec Céline, le portrait était moins souriant. Et j'étais à un âge où l'on se cherche encore des héros, des modèles que l'on puisse épingler aux murs (celui d'un gars en short de tergal, arborant un sourire bienheureux sur fond de pâturage, laissait perplexe). En punaisant une photo de Céline dans ma chambre, je décidai qu'un véritable écrivain était un hors-la-loi, un individu ombrageux et asocial par la force des choses, qui n'avait de comptes à rendre qu'à lui-même et livrait son combat en solitaire. On connaît la prégnance de ces images, sanctifiées par la fringale de l'adolescence et comme il est difficile de s'en débarrasser (si tant est qu'il le faille). Aujourd'hui encore, j'éprouve un certain frisson à cette évocation romantique de l'écrivain. Salinger, se retirant du monde, m'avait décoché les premières flèches. Céline termina le travail. En fait, la littérature commençait à m'exciter sérieusement.
Quand on demande à Nabokov ce qu'il pense de la déclaration de Tolstoï « La vie est une tartine de merde que l'on est obligé de manger lentement », il répond que quant à lui, sa vie est du pain frais avec du beurre de campagne et du miel des Alpes.
On croirait une publicité pour un week-end dans un centre de remise en forme avec une séance de bronzage en prime. Avec Céline, le portrait était moins souriant. Et j'étais à un âge où l'on se cherche encore des héros, des modèles que l'on puisse épingler aux murs (celui d'un gars en short de tergal, arborant un sourire bienheureux sur fond de pâturage, laissait perplexe). En punaisant une photo de Céline dans ma chambre, je décidai qu'un véritable écrivain était un hors-la-loi, un individu ombrageux et asocial par la force des choses, qui n'avait de comptes à rendre qu'à lui-même et livrait son combat en solitaire. On connaît la prégnance de ces images, sanctifiées par la fringale de l'adolescence et comme il est difficile de s'en débarrasser (si tant est qu'il le faille). Aujourd'hui encore, j'éprouve un certain frisson à cette évocation romantique de l'écrivain. Salinger, se retirant du monde, m'avait décoché les premières flèches. Céline termina le travail. En fait, la littérature commençait à m'exciter sérieusement.
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