Rien à priori ne permettait un quelconque rapprochement entre les deux artistes que sont Fernand Léger, peintre, « pionnier du cubisme » et Céline. C'est par la ville de New York qu'Isabelle Monod-Fontaine fait le lien dans ce court essai intitulé Léger, Céline, deux français à New York, d'abord paru aux éditions 1ère en 1997 puis réédité en 2005 aux éditions de l'Épure.
L'auteur nous montre à travers la correspondance de l'un et les yeux de Bardamu dans Voyage au bout de la nuit pour l'autre que les deux artistes, tous deux de la même génération, auront à la vue de New York les mêmes impressions.
L'architecture, les femmes, les rythmes, les lumières de la ville américaine marqueront leur imaginaire et viendront influencer, chacun à sa manière, leurs recherches esthétiques.
Extrait : « Fernand et Ferdinand ont partagé cependant un trouble certain, on le sent jusque dans leurs mots les plus louangeurs, inquiétés qu'ils sont par le luisant trop "voulu" des surfaces new-yorkaises, et travaillés par l'idée que ces surfaces scintillantes - bas de soie tirés sur des jambes impeccables, fruits éclatants trop astiqués, fenêtres miroirs répétées à l'identique par centaines sur les façades des buildings - ne soient finalement qu'un gigantesque leurre, un piège pour le regard et rien d'autre. Un trompe l'oeil dans toute la force du terme, qui transforme automatiquement le spectateur en consommateur forcément frustré ; s'il ne dispose pas du magique papier-dollar, il ne passera jamais derrière la vitrine, et même alors l'objet convoité se dérobe à sa prise, tandis qu'il devient lui-même une image. C'est le processus pervers que Céline a magnifiquement décrit, liant le thème de la réclame, celui des serveuses-objets mécanisés, et celui d'une esthétique de la lumière mise au service de la promotion commerciale ».
M.G.
Isabelle MONOD-FONTAINE, Léger, Céline, deux français à New York, 2005.
Éditions de l'Épure, 48 pages, 8 €.
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