Céline par Nicoletta SIGNORELLI (2013) |
« Maintenant je la vois la Clémence,
elle a toujours d'aussi grands yeux,
mais c'est plus de la frayeur
maintenant... c'est un peu de colère
contre moi... de grands beaux yeux
noirs... l'âge lui a pas enlevé les
yeux... Bébert mon chat saute sur
ma table, il veut voir aussi ce
qu'on fabrique... Il est familier
audacieux brrt... brrt... qu'il me
fait... il a surgi de l'ombre, il nous
dévisage là tous... il a aussi lui des
grands yeux... il regarde la
Clémence bien fixe... il s'installe
sur mon papier, juste sur la ligne
que je finissais... il s'enfuyerait si
j'y touchais... il est en train de se
faire son idée sur Clémence, sur
ses intentions... Il aime pas les
visiteuses... Il croit toujours
qu'elles veulent l'emmener, ça y
est arrivé une fois... Bebert c'est le premier chat de la Butte pour la
beauté, l'intelligence, le calme, la grâce, le vol aussi... il vole c'est un
rêve, il vole tout... C'est le premier chat après Alphonse, le chat à
Empième, un autre écrivain rue Cortot... Alphonse alors c'est du prodige,
il est peut-être pas aussi beau question tigrage, ampleur de queue, mais il
ouvre les portes tout seul...
Ça c'est bluffant, de le voir agir... il saute après le bec du canne, il se
pend... vlof ! dehors... Bébert peut pas en faire autant. Mais pour tout le
reste, surtout le regard, les joutes, les galopades après le bouchon qu'on
dirait qu'il a trente-six pattes et qu'il vous le ramène dans la main,
vraiment un lutin de gaîté... et puis n'est-ce pas méditatif là, scrutateur
des nouvelles bouilles... pas confiant du tout... »
Louis-Ferdinand Céline, Maudits soupirs pour une autre fois, Gallimard, 1985.
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