À la première lecture, Casse-pipe n’offre pas d’équivoque : il s’agit bien d’un document humoristique sur la vie militaire. S’y trouve, en effet, tout ce qu’on attend d’un digne héritier de la longue tradition littéraire et satirique française qui, de Darien et Courteline aux films de Claude Zidi (1), vilipende avec gouaille et un plaisir certain l’armée et ses défaites : beaucoup d’humour et une cinglante dénonciation des mœurs militaires. Casse-pipe, journal intime et halluciné d’un jeune engagé, « ce con-là » (8), dans le 17e Cuirassiers, unité de cavalerie lourde (2), flanqué du « Carnet du cuirassier Destouches », rédigé dans les mois qui suivent l’incorporation de son auteur, Louis-Ferdinand Destouches, au 12e Cuirassiers en garnison à Rambouillet (3) le 3 octobre 1912, s’ils relatent qui l’incorporation d’une jeune recrue une pluvieuse nuit d’automne, qui l’apprentissage douloureux d’un jeune soldat, ne déroge pas à la règle du genre et en manifeste les caractéristiques principales : comique pur, raillerie et ironie pour le style ; « stupeur du bleu, victime de l’arbitraire des cadres,
naïveté du paysan benêt abusé par ses compagnons, bêtise du sergent de
semaine, incompétence du médecin-major, absurdité des ordres et des
consignes, dysfonctionnements d’une bureaucratie stérilement tatillonne » (4)
pour les thèmes, font la matière de l’ouvrage, tout à la fois
chronique, roman, témoignage, issus des notes du « Carnet ». Quant à ce
dernier, dans lequel le jeune homme, tout en ressentant « une nostalgie profonde de la liberté », se qualifie d’orgueilleux, constate « son infériorité virile » et désire devenir « un homme complet », malgré le pressentiment de « grandes crises »,
traduit les incertitudes et les aspirations d’un néophyte de la vie. Le
style de ce document, rédigé « à chaud », ajoute encore au contraste
entre les deux textes. En effet, ce style, emphatique et en apparence
détaché, exemple le plus pur de la « tradition écolière » de l’officier français de l’époque, fait, selon Girardet, d’« un
certain état d’esprit de soumission un peu craintive, d’éloignement du
réel, de dérobade à l’égard des initiatives et des responsabilités » (5) reflète l’éducation du jeune homme, classique, conformiste, et surtout empreinte du « concept légaliste, abstrait, impersonnel du devoir militaire tel que l’avait défini la France bourgeoise du XIXe siècle » (6) et que Destouches, même s’il songe à la désertion (7), ne renie pas, au moins à cette époque. Casse-pipe, en revanche, dont Céline interrompt la rédaction en 1937 pour s’atteler aux Beaux Draps et à Bagatelles pour un massacre (8),
s’avère hyperbolique et délirant, subjectif, absolument, à tel point
que le Carnet peut paraître comme sa version raisonnée tant il manifeste
les caractéristiques du « climat moral de timidité intellectuelle et de conformisme » (9),
avec lequel rompra le roman. En effet, se mettant en scène ainsi que
ses acolytes, en tant qu’enfants de troupe, non en héros mais en
victimes, et concentrant sa critique sur la vie de caserne telle que
peut l’appréhender un jeune homme issu à la fois de la petite noblesse
et de la bourgeoisie parisienne et instruite, « mon oiseau », « le joli colibri », « ma superbe recrue »
ainsi qu’il est nommé par son maréchal des logis tant son allure est
déplacée dans le monde militaire, Ferdinand décrit les aléas
rocambolesques d’une nuit d’octobre dans une caserne de cuirassiers,
occupés, non à l’activité de la guerre, mais à l’apprentissage des
incuries de l’institution militaire. La guerre, pourtant, dont l’impact
n’aurait pu s’effacer chez un auteur blessé en octobre 1914 lors d’une mission de reconnaissance périlleuse pour laquelle il s’était « offert spontanément » (10), ce qui lui vaudra une citation à l’ordre du régiment du 12e Cuirassiers, ainsi qu’en fait état le journal des marches et opérations des corps de troupe : « Le 29 octobre, le colonel Blacque-Bélair porte à l’ordre du régiment le maréchal des logis Destouches, du 2e escadron, blessé, le maréchal des logis Berthelot, le brigadier Fleurentin, le cavalier Magalon, grièvement blessé, le cavalier Chouquet, blessé ; les cavaliers Breguin, Pape, Denis, Jouhaune, Lenaye, Pavard, Le Bastard, Gaucher, Le Leannec, Picard, le trompette Pichon du 3e escadron, qui, durant les journées du 26, 27 et 28 octobre, ont assuré la liaison entre le 66e et le 125e régiments d’infanterie dans des conditions particulièrement dangereuses. Ces gradés et cavaliers sont rentrés au régiment avec la mention suivante du chef de bataillon commandant le 66ème d’infanterie : “Ils se sont conduits comme des héros”. Le colonel leur adresse ses félicitations, sans s’étonner autrement d’un courage et d’un dévouement dont le régiment lui a donné tant de preuves depuis le commencement de la guerre. » « Il prescrit que le présent ordre sera inscrit dans l’Historique du 12e cuirassiers. Le 29 octobre 1914. Signé Blacque-Bélair » (11) et écrivant ce texte avec le recul des années, de l’expérience et de la réflexion, la guerre, est l’horizon, des notes du Carnet comme de l’ébauche de 1937.
Nous le disions, comique, raillerie, ironie sont les moyens empruntés
par Céline pour tourner l’armée, en l’occurrence la cavalerie lourde, en
dérision. Entre le brigadier Le Meheu, incapable de mémoriser un mot de
passe, L’Arcille, le voltigeur du crottin, Rancotte, le maréchal des
logis « à la viscope extravagante » et la troupe, hirsute,
éreintée et pétomane, flanquée de Ferdinand, le nouveau venu, dont le
regard éberlué qu’il porte sur les mœurs militaires confine à
l’ahurissement, bien peu subsiste du prestige lié à ce corps
anciennement vénérable et exclusivement réservé « aux gentilshommes – les seuls à utiliser le cheval » (12).
Toutefois, il n’est pas uniquement notre propos ici de documenter ces
moyens stylistiques employés pour ridiculiser l’armée et les militaires.
Car Céline utilise un ressort supplémentaire pour à la fois convaincre
ses lecteurs de l’incurie, de l’absurdité, de l’inhumanité et enfin, de
l’obsolescence de ce corps (ainsi que toutes ses panoplies) et évoquer,
par le fantasme, de la liberté en particulier, les états d’âme du jeune
Destouches: le cheval, qui, presque un personnage, joue un rôle
primordial dans la narration.
Bien que totalement absent du Carnet du cuirassier Destouches, le cheval foisonne dans Casse-pipe
où sa présence se fait connaître en plusieurs temps et sur le mode
sensoriel, le récit s’attachant à désigner le lieu où il se trouve par
l’odorat, grâce au rappel olfactif de ses déjections et de l’odeur
qu’elles dégagent, puis par l’ouïe, dans la description auditive du
vacarme provenant des écuries, enfin par la vue, en étapes correspondant
à l’appréhension progressive de l’animal. On ne le voit monté qu’une
seule fois, par le bien nommé « capitaine Dagomart », dont le
patronyme, rappelant – tout en la parodiant – l’élite ancestrale, évoque
son impressionnante adresse à contrôler une monture déchaînée, et sa
suprême élégance, encore contrastée par l’allusion au Meheu, « martyr des furoncles ».
Inspirant l’épouvante, rarement seul, le cheval apparaît à diverses
reprises sous la forme d’un tourbillon de bêtes affolées, galopant d’une
obscurité à l’autre, avant de s’y fondre et de disparaître. Dans Casse-pipe,
cet ancestral partenaire de l’homme à la guerre, combattant lui-même,
fuit, en proie à la terreur, à l’anarchie et au chaos, comme une âme en
peine. Or, les termes qu’énoncent ces galopades nocturnes, charge,
ténèbres, fracas, néant, tels les quatre cavaliers de l’apocalypse (13),
ne sont autres que ceux qui renverront bientôt à la spirale infernale
dans laquelle seront happés, et broyés, les hommes et les sociétés de ce
temps. Tout se passe, en effet, comme si le cheval anticipait, par sa
fièvre éperdue et sa folle frayeur, les temps à venir; et dénonçait, du
même coup, l’incurie des hommes, et leur ineptie, dans le grand conflit
qui se prépare et qui lui coûtera tant (14).
Dans l’imagination rétrospective de Louis-Ferdinand Céline, rédigeant
un roman vingt-trois ans après les expériences personnelles qui l’ont
inspiré, les bêtes de Casse-pipe (15)
revêtiraient-elles une valeur métonymique ? Les bêtes et les hommes
s’inter-changeraient-ils dans un constant jeu de reflets ? C’est ce que
nous nous proposons de démontrer dans cet article, consacré aux hommes
et aux chevaux, également voués à la panique et à la disparition.
L’engagé volontaire Destouches, comme pressentant une épreuve décisive (16), reste longtemps à attendre l’heure exacte de son incorporation devant la grille de la caserne, « une
grille qui faisait réfléchir, une de ces fontes vraiment géantes, une
treille terrible de lances dressées comme ça en plein noir » (9).
Cette grille s’érige comme la porte de l’enfer, où l’attend sa première
expérience de ce que Céline considérera tout au long de son œuvre comme
l’honni : l’amalgame. Or, cet amalgame s’impose d’emblée aux sens du
jeune homme. En effet, « la viande, la pisse et la chique et la
vesse que ça cognait, à toute violence, et puis le café triste refroidi,
et puis un goût de crottin et puis encore quelque chose de fade comme
du rat crevé plein les coins... » On le voit, la source de « [l’] odeur dans le fond des narines à vous renverser les esprits »,
est à la fois multiple et diverse et induit à s’interroger sur la
nature des animaux en présence. En effet, en ce début de roman, l’auteur
ne manque pas de recourir au processus d’animalisation des hommes.
D’emblée, le doute règne quant à leur nature : dans le corps de garde où
Destouches pénètre enfin, la vingtaine d’êtres humains « vautrés dans la paille du bat-flanc » qui « [grognent] » au fond du local, une « tanière » dont l’odeur est « à défaillir »,
évoquent davantage des bêtes que des militaires. La suite ne dément pas
cette première impression : admonestés par le brigadier Le Meheu, puis
le maréchal des logis Rancotte, les hommes du 17e cuirassiers, aux « pas belles dentures de vieux chevaux » , qui « rampent » dans la litière, qui sont comparés à un « troupeau » d’où s’échappent des « grognements » (17), ainsi que des « ours » ,
n’ont plus d’humanité, ou si peu. D’ailleurs, l’enregistrement du nom
de la jeune recrue n’est pas effectué que, déjà, l’évidence s’impose :
« Les hommes tout autour ils reniflent... Ils sont là, en tas, comme des bêtes... » .
À ce stade de la narration, les chevaux
ne figurent que dans leurs conversations : entre « deux litres à la
régalade et puis un bidon [,] [i]ls se parlaient d’avatars, de chevaux,
qu’étaient échappés de l’écurie. C’était le grand tintouin,
semblait-il » . Car ces êtres tronqués jouissent du don de parole.
Toutefois, seuls les représentants de la hiérarchie immédiate, le
brigadier Le Meheu, et surtout le maréchal des logis Rancotte, qui
s’impose par « tout de suite une rafale d’injures, de menaces avec forts
rotements » et par « une viscope extravagante » formulent un énoncé :
celui du « dressage », non du cheval, mais le leur, dans l’institution
militaire, qui régule, dans la cavalerie lourde, l’apprentissage (ici
par l’abject) de la cohabitation humaine et animale, cette « contiguïté
anthropologique entre le combattant et le cheval », vérifiée par la
littérature et les témoignages (18).
L’engagé Destouches, qui n’arrive jamais à voir même les yeux de ses
supérieurs, allusion à leur gros képi certes, mais aussi à l’aspect
inhumain et débilitant de leurs rapports, en conçoit d’emblée la
portée : il est assigné à « la brouette », à savoir la corvée de
cueillette du crottin.
Le portrait de l’humain dans le reste du roman ne se départ pas de ce tableau initial : les cuirassiers de Casse-pipe, « gradaille » ou « mirliton »,
se caractérisent par l’hébétude, la stupeur, l’alcoolisme, la peur, la
saleté, l’indifférence à l’indignité humaine, l’insensibilité à autrui.
Tels des pantins émergeant de la métaphorique nuit où Céline les a
placés, ils s’ébrouent, infâmes de servitude et de fatigue. Or, si, comme le préconise Roger Nimier dans la préface à Casse-pipe, l’écurie du 17e cuirassiers « est évidemment celle d’Augias »,
le fumier à nettoyer, chez Louis-Ferdinand Céline, prend, à la manière
des Grecs, une valeur mythique. Le crottin, et autres déjections, en
effet, prennent en ces premières pages de Casse-pipe une importance considérable, tant par leur présence, leur odeur et le rôle qu’ils octroient aux hommes.
Il sert d’abord à la troupe de « baptiser » le bleu dans un abject épisode de bizutage (19):
« Il tombait tout d’en haut de l’urine... mais de la pluie... de la
cascade, de la pisse de tous les étages... [...] Pour que je triche pas à
la douche, ils m’ont bousculé plusieurs fois, les affreux, sous les
arrosages... Ils voulaient que j’en sois bien trempé, que ça me baptise
sérieusement. Des vrais jets de fontaines sous toutes les fenêtres des
étages... Ça pissait en bas par saccades, en gerbes brisantes... en
rafales... » . « Pluie, cascade, fontaines, saccades, gerbes, rafales »,
l’urine, profuse, s’appréhende en jeux d’eau dont l’expression
hyperbolique et grotesque souligne la parodie. Pas d’héroïsme ni de
spiritualité ici, alimentés dans l’imaginaire populaire et toute une
littérature par une histoire grandiose et la mystique militaire du
moine-soldat ; encore moins de religion, même pas celle « de la
liberté », qui, en son temps, avait poussé la France « [à donner] le
signal de la lutte décisive pour l’affranchissement général des
peuples » (20) :
juste un engloutissement dans l’abject organique. Restent le traitement
esthétisant de la scène et, malgré tout, son humour grinçant.
Une telle approche se retrouve plus loin dans la description de « la
cueillette des crottins », effectuée par l’Arcille : « Une véritable
voltige après les croupions. Il fonçait juste au moment pile... les
rondins giclaient, tout chauds dans un jet de vapeur... Ça chutait juste
dans sa vannette... C’était une virtuosité... Il devait drôlement se
manier, bondir exact à l’instant précis ! d’une galoche à l’autre...
avant que tout se débine, fuse en foire... Il rappliquait plein
d’équilibre ramener toute sa récolte au tas... le monticule très haut
fumant » . Tel un danseur de ballet, virtuose de la voltige, courant,
bondissant d’un équilibre à l’autre, l’Arcille, agile et rigoureux,
partage la scène avec la matière qu’il récolte en un véritable pas de
deux. Celui-ci se trouve d’ailleurs reflété, et amplifié, au point
d’instiller à la description un aspect surréaliste, dans un autre
épisode du même type, cette fois qualifié de « chasse aux crottes »,
durant lequel l’Arcille et le Moël, un acolyte, « tout au bout là-bas
des ténèbres, dans la buée, ils s’agitaient. Ils piquaient la nuit avec
leurs falots, on aurait dit des papillons. Ils avaient des ailes de
lumière. [...] C’était féerique, leurs ébats... comme des passages de
feux follets à trembloter d’une ombre à l’autre » . Le crottin fournit
ici la matière de la féerie, employée ici en instrument du grotesque.
Dans l’optique du « bleu », en revanche, celle-ci s’observe du fond de
la stupeur, dans la recherche hallucinée d’une échappatoire à la
laideur.
Or, en fait d’échappatoire, ce crottin procure un refuge. Le monticule cité auparavant, derrière lequel « on disparaissait peu à peu, on était recouverts, ensevelis » ,
s’érigeant au fur et à mesure que l’Arcille l’approvisionne, fait
l’objet d’une nouvelle description aux accents grotesques : « Le
crottin autour de nous, de plus en plus culminait. Ça se collait bien
avec l’urine, ça faisait des remblais solides, des épaisses croûtes bien
compactes» dans lesquelles le jeune cuirassier se surprend à observer que « c’était chaud dans le fond de la mouscaille, gras et même berceur» .
C’est que la congère fécale, s’élevant contre les intempéries, les
chevaux en furie, les supérieurs hiérarchiques sadiques et les fatigues
de la routine militaire, fournit à la petite troupe en marche vers la
poudrière et en rupture de mot de passe, dont le Meheu s’avère incapable
de se souvenir, une halte protectrice, même si celle-ci, « avec les casques, les éperons, les sabres, les aciers » ne garantit aucun confort. À la fois lieu de régression et refuge utérin, que le terme « berceur »
contribue à évoquer, elle isole les hommes du peloton, à mi-chemin
entre les règnes humain et animal, dans une ambiguïté anthropologique
que confirmera la guerre, lorsque celle-ci les transformera, ainsi que
le dira le narrateur de Voyage au bout de la nuit, en « animaux humains pour les grands abattoirs qui venaient d’ouvrir » , « [ces] soldat[s] gratuit[s] » (Voyage, 93), qui remplacent avantageusement les chevaux dans l’économie de la guerre moderne (21).
On le constate, le rapport de contiguïté, de coexistence et de
dépendance qui marque la relation ancestrale du cheval de guerre et de
son cavalier se trouve ici confirmé, même si Céline esthétise par
l’hyperbole et le féerique l’abjecte réalité de la vie militaire dans la
cavalerie lorsque cette dernière, amputée de son utilité, la guerre de
mouvement offensive, se limite au cantonnement et à l’entretien des
chevaux (22), ainsi que le dépeint le roman.
Hyperbole, outrance, grotesque, les moyens stylistiques mentionnés
précédemment sont également mis à contribution pour décrire la
perception auditive, puis visuelle de la présence de l’animal.
Toutefois, ces moyens n’occultent pas la fascination qu’exerce la bête
sur le narrateur. En effet, dans un premier temps, l’esthétisation du
cheval s’applique à sa vitesse et à sa légèreté. Son entrée
– relativement tardive – sur la scène corrobore la place centrale qu’il
occupe dans le roman. Tel un premier rôle, dont l’entrée en scène est
retardée afin d’exalter son importance, le cheval apparaît, après avoir
été appréhendé de façon indirecte par le peloton, par le rappel de ses
fuites «Y a un bourdin en voltige dans la carrière Nansoury », puis par le vacarme provenant des écuries « Un
orage dans les intérieurs. Les rafales, des coups de chausson... Tous
les madriers en voltige... Le tohu-bohu féroce... Bam ! Dam... Vrang... » et s’impose d’emblée par l’épouvante qu’il inspire : « Voilà
une trombe qui débouline... Vlop !... Po ! dop !... Vlop ! Po !
Dop !... en plein dans notre tas... Une charge... On reste planté... Il
nous traverse, je le vois au falot... un éclair... Il volait... C’était
plus un cheval... il tenait plus au sol... En vertige qu’il nous a
sciés... Yop ! Po ! Dop !... Tagada ! Tagadam ! il était loin... » Contrairement au peloton de cavalerie « trébuchant les uns dans les autres », « haletants, ahuris »
dans la nuit et sous la pluie battante, le cheval, avec son élégance
endiablée, sa vigueur, sa rapidité, semble se jouer de la pesanteur, lui
aussi à la manière d’une danseuse, défiant l’équilibre. « Ba-ga-dam ! bagadam ! [...] Un bolide qu’arrive, dévale, jaillit du noir... [...]
Galipette détend tout en l’air ! Saut de carpe ! Ça gicle ! Ça ronfle !
Trente-six mille fouets ! des quatre fers ! Vbrang ! La brute pivote !
barre en tornade ! fonce au vertige ! S’envole à travers l’espace ! » .
Sa force, également, impose
le respect, ainsi que sa propension à s’agiter, illustrée à plusieurs
reprises dans le roman, ici présentée au mode météorologique pour en
évoquer le potentiel naturel de violence : « Un orage de chevaux en furie d’un bout à l’autre du local. Tout le matériel, la quincaille, les bois, les bat-flanc dans la danse... Une ménagerie en tempête... [...] tout l’ouragan des animaux » .
De plus, le goût du cheval pour la bagarre est amplement évoqué, ce qui
offre au narrateur l’occasion de renouer avec l’hyperbole et
l’outrance : « Les bourdons se bagarraient horrible. Y en avait trois culbutés sur le dos tout en bataille [...]
Qu’ils se filent des pâtées atroces, que ça gicle et sonne le
tonnerre... Ils se croquent les crinières, les bourdons, ils s’arrachent
des vifs morceaux de viande. Ça saigne, éclabousse » . On le voit, relevant, pour la forme, de la chorégraphie et de la mise en scène, le discours de Casse-pipe associé au cheval s’attache à l’esthétisation de l’animal et de ses mouvements (23).
Pour le fond, en revanche, les termes s’énoncent de la façon suivante :
galop, fuite et combat, à l’instar des trois éléments clés de la
doctrine de guerre française, violence, vitesse et masse (24).
En
effet, deux images s’avèrent récurrentes : la charge et l’échappée.
D’abord représenté seul, le cheval, au fur et à mesure que se
développent l’intrigue (la marche forcée vers la poudrière, l’oubli du
mot de passe, les tergiversations au sujet du meilleur parti à prendre
pour se préserver de la riposte du planton) et donc la menace, l’éveil à
la réalité de la vie de caserne et l’inquiétude de Ferdinand, le cheval
se trouve dépeint en bande et en fuite : « Et puis il est encore
surgi toute une charge de chevaux des ténèbres... Ils sont venus buter
pile sur nous... Après ils nous ont entourés... Ils ont circulé en
tornades... puis ils sont repartis dans la nuit... Ils ont renfoncé en
plein noir... Tag ! a ! pam ! Tag ! a ! pam ! rageusement, comme ça de
plus en plus pris en grêle, en castagnettes... de plus en plus loin...
minuscules... des tambourins d’ongles... rien du tout... ». Le terme « charge »
le corrobore, c’est bien en bête de combat que le narrateur met en
scène ces animaux éperdus. Les chevaux en furie ont des caractéristiques
communes : ils se battent ; ou fuient, au galop, l’allure à laquelle
apparaissent tous les chevaux de Casse-pipe. Or, le galop revêt
une importance considérable dans le contexte d’avant-guerre où se situe
la narration. Car le galop, l’allure naturelle du cheval, est également
l’allure de la charge, donc de la rupture de la bataille. Or nulle
bataille n’étant en cours, si ce n’est celle qui oppose les « bourdons » entre eux, le galop sans motif de ces chevaux errants, tout en désignant leur obsolescence future, ajoute ainsi à la parodie.
Leur
fuite ajoute également au sens du roman. En effet, contrairement aux
hommes du peloton, astreints à marcher sous une pluie battante vers la
poudrière et contraints à une attente tout aussi forcée dans le but de
retrouver un mot de passe évasif, les chevaux, eux, jouissent d’une
liberté de mouvement et d’aisance que ne partagent pas les hommes.
L’action de l’animal, s’échappant de son écurie, pour frayer ou non,
semble refléter un désir insatisfait de ces hommes, et du jeune engagé
en particulier, celui qui consiste en une « envie de [s’en] aller, énormément, absolument, tellement tout cela [...] apparaissait soudain comme l’effet d’une formidable erreur » (Voyage au bout de la nuit) parce que « dans une histoire pareille, il n’y a rien à faire, il n’y a qu’à foutre le camp ».
Outre le fait que la fuite du cheval matérialise (en la sublimant, ce
qui explique sans peine la fascination dont nous parlions précédemment)
une impossibilité pour la troupe, elle s’érige en contrepoint à l’effort
de contrôle de l’armée sur les hommes, les bêtes et les matériels et
désigne son échec à les dominer et partant, sa propension à la défaite.
Véritable métaphore de la débâcle, le « personnage » du cheval en fuite,
presque un instrument de démoralisation, participe aussi de la
dérision.
15Reste
le combat de ces chevaux, sans motif lui aussi, mais si impressionnant,
si violent, si sanglant, que, bien que futile, il ne peut plus être
qualifié de dérisoire et n’inspire aux sens et à l’entendement que
l’épouvante. Récurrente, la vision qu’offre cette dernière semble
anticiper l’avenir des hommes de troupe: une répétition générale (nouvel
apport de la terminologie d’art dramatique) du conflit où on leur
imposera le devoir, et leur prêtera l’honneur, de les imiter sur le
grand « théâtre des opérations ».
La
substitution anthropologique que nous évoquions précédemment revêt ici
une nouvelle importance. Non plus seulement physique, elle s’applique
ici au psychologique, le galop, la fuite et le combat des chevaux de la
garnison répondant à la fois aux aspirations refoulées des hommes et à
leurs rapports antagoniques. Elle s’amplifie encore au regard de la
prospective, déjà connue en 1937 au moment de la rédaction de l’ébauche
de Casse-pipe, puisque le cheval livra ses dernières batailles
pendant la Première Guerre mondiale et que son partenariat guerrier avec
l’homme sera ensuite considéré comme obsolète, l’homme prenant
désormais sa place, au moins jusqu’à l’usage répandu des machines de
guerre (25). Elle souligne enfin l’insignifiance des hommes et leur interchangeabilité avec les bêtes.
Daniel Roche le souligne au cours de l’une de ses conférences sur la culture équestre, « le cheval est le test révélateur d’une vision du monde et de son organisation » (31).
Le cheval, par son alliance ancestrale au pouvoir, à la puissance et au
sacré, témoigne de la civilisation qui l’utilise. Or, en proposant une
version parodique du rôle du cheval, dans lequel celui-ci est transformé
en animal éperdu, errant et sans objet, le roman culbute tous les modes
ancestraux de représentation de « la plus belle conquête de l’homme »,
alliée au prestige, à la noblesse, au contrôle, à la supériorité du
règne humain et à l’art et la conduite de la guerre. Car c’est bien
l’image désacralisée du cheval qui s’érige dans le roman, à laquelle se
substitue celle de l’homme qui le contrôlait : cet homme, dépourvu de
l’attribut essentiel du prestige et de la mystique de la guerre qu’était
le cheval, et séparé de ce fidèle compagnon, « tout juste un individu »,
répondant désormais au titre risible de « cavalier à pied ». En toute
logique, il ne restait plus qu’à désacraliser la guerre, qui ne mérite
plus que le terme péjoratif et « réducteur » de casse-pipes (32).
Aussi les chevaux inutiles de Casse-pipe jouent-ils un rôle essentiel dans le roman et le Carnet : outre qu’ils créent, au plan littéraire, le lien entre l’œuvre de fiction et le journal intime, ils forgent, à l’instar de la foi déçue de Céline, l’éveil à une nouvelle conscience politique.
Aussi les chevaux inutiles de Casse-pipe jouent-ils un rôle essentiel dans le roman et le Carnet : outre qu’ils créent, au plan littéraire, le lien entre l’œuvre de fiction et le journal intime, ils forgent, à l’instar de la foi déçue de Céline, l’éveil à une nouvelle conscience politique.
Agnès HAFEZ-ERGAUT
« Des hommes, des chevaux et de la guerre dans Casse-pipe », Revue historique des armées, 272 | -1, 75-84.
http://rha.revues.org/7795
Agnès Hafez-Ergaut
Titulaire des diplômes de « Doctor of philisophy » et de « Master of Arts » en littérature de l’université d’Australie Occidentale, Agnès Hafes-Ergaut s’intéresse à la dimension historique de la littérature française à l’université de Tasmanie et a notamment publié « Le Vertige du vide Huysmans, Céline et Sartre », ainsi que plusieurs articles sur Louis-Ferdinand Céline.
Titulaire des diplômes de « Doctor of philisophy » et de « Master of Arts » en littérature de l’université d’Australie Occidentale, Agnès Hafes-Ergaut s’intéresse à la dimension historique de la littérature française à l’université de Tasmanie et a notamment publié « Le Vertige du vide Huysmans, Céline et Sartre », ainsi que plusieurs articles sur Louis-Ferdinand Céline.
Notes
1 À ce sujet, voir le très intéressant article de Lecomte (Jean-Philippe), « Contestation par la dérision du service militaire et de la vie de caserne depuis 1885 », Hermès 29, 2001, 67-76.
2 Louis-Ferdinand Destouches s’est effectivement engagé pour trois ans au 12e cuirassiers
en garnison à Rambouillet le 28 septembre 1912 et fut incorporé le
3 octobre. La rédaction du carnet a été datée à la fin de l’année 1913.
Note du Carnet du cuirassier Destouches, cf.13 et cf 3 et 47, op.cit., 119.
3 Il est à noter que le 12e cuirassiers était, outre « un régiment prestigieux où les plus grandes traditions de la Cavalerie étaient jalousement conservées », « un régiment pour la parade »
par son service aux présidents de la République. L’on sait par ailleurs
que Louis-Ferdinand Destouches n’était pas insensible à la parade et
qu’il en tirait quelques satisfactions. Sur ces points, voir François
Gibault, Le Temps des espérances (1894-1932), Mercure de
France, 1977, p. 124, 131. Quant aux raisons de son engagement, somme
toute surprenant au regard de ses prises de position pacifistes
ultérieures, sans doute faut-il les trouver dans « le patriotisme jacobin et guerrier », identifié par Guglielmo Ferrero dans son étude Le Militarisme et la société moderne, traduite et publiée en France en 1899, qui y voit « le principe moteur de l’ensemble de la vie sociale française à la fin du xixe siècle. Principe suprême de toute l’organisation administrative de la IIIe République, et surtout de toute l’orientation de sa politique scolaire ». « Le système français d’enseignement [...] [n’ayant] même », selon lui, d’autre efficacité que de « chauffer » dans l’âme des jeunes enfants l’idée de la patrie et de « sa grandeur politique et militaire » (Cité in Raoul Girardet, La Société militaire dans la France contemporaine,
1815-1939, Plon, 1953, p. 236-237), ce qui poussa les associations
estudiantines, en 1910, à militer en faveur du rétablissement du service
de trois ans, ainsi que l’illustre la pétition des élèves du lycée
Condorcet, se déclarant « prêts à sacrifier joyeusement, pour la vie et pour la gloire de la France, trois années de leur jeunesse ». Cité in Raoul Girardet, op.cit., p. 239.
4 Lecomte, op.cit., 67-68.
5 Girardet, op.cit., 321.
6 Girardet, op.cit., 325.
7 Dans son Carnet
(121), Destouches énonce clairement son désir de déserter, désir qu’il
musellera après l’intervention irritée de ses parents, et en particulier
de son père. Sur ce point, voir Gibault, op.cit., 128-129.
8 Annie Montaut, « Philippe Muray, Céline, Paris, Gallimard, 1981 », compte-rendu, Études littéraires, vol. 18, no 2, 1985, 454-461, 457.
9 Girardet, op.cit, 321.
10 Citation à l’ordre de la 7e division de cavalerie et de l’ordre noO439 en date du 25 novembre 1914, in François Gibault, Céline, Le Temps des espérances, Mercure de France, Paris, 1977.
11 Mémoires des hommes, journal des marches et opérations (JMO) du 12e régiment
de cuirassiers, 31 juillet 1914-31 décembre 1916, 26 N 877/16, p. 19.
Ajoutons que pour cet acte de bravoure, Céline recevra la Médaille
militaire, conférée par le général Joffre le 24 novembre 1914. Le
4 décembre 1914, le JMO du 12e stipule : « Le Mal des L. Destouches est médaillé » (JMO du 12e régiment de cuirassiers, 26 N 877/16, p. 20). Sur ce point, voir également Gibault (François), Céline, Le Temps des enthousiasmes, Mercure de France, Paris, 1977.
12 Roche (Daniel), Le Cheval et la guerre du xve siècle au xxe siècle,
« Les maladies, les accidents et les blessures du cheval de guerre »,
Association pour l’académie d’art équestre de Versailles, Paris, 2002,
297.
13 ... qui ont un répondant, sous la forme des cavaliers de l’apocalypse d’Haraz, dans Nord.
14 L’étude de Damien Baldin stipule que sur les 1 880 000 chevaux (dont 150 000 mulets) mobilisés entre le 31 juillet 1914 et le 11 décembre 1918, « au moins 758 507 chevaux de l’armée française sont morts durant la guerre, soit plus de 80 % de l’effectif moyen global », cité dans Damien Baldin, « De la contiguïté anthropologique entre le combattant et le cheval », Revue historique des armées, 249, 2007, [En ligne], mis en ligne le 15 juillet 2008. URL :
http://rha.revues.org//index473.html.
Consulté le 12 décembre 2008. Toutefois, les chiffres diffèrent.
D’après le site Le Canon de 75, « de 1914 à 1917, la remonte militaire
réquisitionne ou achète environ 950 000 animaux en France et importe des
États-Unis environ 474 000 chevaux, soit un total de 1 450 000 chevaux
et mulets incorporés dans les armées en 41 mois », cité in Le Canon
de 75, http://canonde75.free.fr/chevaux.htm, page mise à jour le
6 avril 2004, consulté le 17 novembre 2010. Enfin, il est dit que le
chiffre officiel estimé des chevaux morts (section vétérinaire de
l’armée) serait gravé sur une plaque se trouvant dans une salle
interdite au public du château de Saumur. Le texte en serait : « Aux
1 140 000 chevaux de l’armée française morts pendant la guerre
mondiale 1914-1918. Le Musée du cheval reconnaissant, 1923. »
15
Céline ne mentionne que ces animaux, contrairement à d’autres auteurs
décrivant la grande guerre et la vie dans les tranchées, et citant avec
insistance et dégoût, la présence des poux et des rats. Voir Poèmes de Krémer (Louis), Gallimard, 2008 et Journal d’un Poilu, Radio-France, 1998.
16 Dans son ouvrage, Gibault (François) affirme par ailleurs que Céline avait peur des chevaux : « En plus, Louis avait peur des chevaux ». Op.cit, p. 127.
17 Le phonème « grogner » et ses dérivés sont répétés trois fois en quelques pages, ainsi que le terme « ours ».
18 Sur ce sujet, voir Baldin (Damien), « De la contiguïté anthropologique entre le combattant et le cheval ».
19 Les quelques paragraphes et citations qui suivent sont partiellement extraits de mon livre Le vertige du vide – Huysmans, Céline et Sartre, Mellen (Edwin), Press, Lewiston, USA, 2000, 328 pages.
20 Sur ces points, voir Girardet, op. cit., chapitre premier, « Du soldat de la liberté au soldat de l’ordre », p. 7-47.
21
On le sait, la question économique s’applique à la cavalerie dès son
origine. En effet, celle-ci n’était réservée qu’aux nobles, car ils
étaient les seuls à avoir les moyens d’entretenir une monture. Dans
l’optique de la Première Guerre mondiale, l’approvisionnement en chevaux
et le fardeau de leur entretien, tant pour leur ravitaillement que pour
leur usage d’hommes immobilisés dans des services accessoires, tels les
maréchaux-ferrants, font de la cavalerie une arme coûteuse. De plus, « les demandes de l’armée [en chevaux] étant supérieures à l’effectif disponible » l’état-major « s’est retrouvé avec beaucoup plus d’hommes que de chevaux » (Baldin (Damien), Les
tranchées ont-elles enterré la cavalerie ? Entre disparition et
mutation : la cavalerie française durant la Première Guerre mondiale , Presses universitaires de France, Guerres mondiales et conflits contemporains, 2007/2 – no225, 7-20, 17), ce qui fait dire à Bert Stokes « qu’à
ce stade, il était plus grave de perdre un cheval qu’un homme, parce
qu’après tout, les hommes étaient remplaçables alors que les chevaux ne
l’étaient pas » (“Losing a horse was worse than losing a man because after all, men were replaceable while horses weren’t at that stage”), Bert Stokes remembers Passchendaele, From the collections of the Alexander Turnbull Library, World War 1 Oral Archive OHC-002767 (side 3 of 9) – interviewed in 1988 by Jane Tolerton and Nicholas Boyack ,
http://www.nzhistory.net.nz/media/sound/bert-stokes-remembers-passchendaele,
consulté le 13 octobre 2010. Ces facteurs, ainsi que la configuration
du conflit en guerre de position, l’échec de la cavalerie à s’imposer
comme arme décisive à l’été 1914 du fait de sa faiblesse de feu et des
importantes pertes humaines ont contribué au démantèlement des unités de
cavalerie et au transfert des cavaliers vers d’autres armes (Baldin,
11). Le 12e cuirassiers, le régiment de Louis Destouches,
après avoir combattu à Poelcapelle, Bixchoote, Ypres et Chouilly fut
lui-même mis à pied et incorporé dans la 25e division d’infanterie.
22 Sur la cavalerie lourde et le moral des cavaliers et « leur lassitude et leur sentiment d’inutilité », voir Jean-François Brun, « Le cheval dans la Grande Armée », Revue historique des armées, 249, 2007, 16 [En ligne], mis en ligne le 15 juillet 2008. URL :http://rha.revues.org//index533.html et Baldin, 15.
23
De nombreux traités d’étude des équidés documentent le caractère
vigoureux, au plan sexuel en particulier, capricieux, peureux et
quelquefois vindicatif mais sans cruauté, du cheval. Voir, par exemple,
l’ouvrage de Hontang (Maurice), Psychologie du cheval, Payot, Paris, 1989.
24 Ainsi Gazin (F.) (La cavalerie française dans la guerre mondiale,
1914-1918, Paris, Payot, 1930, 36-37) la formule-t-elle : « réaliser la
surprise par la mise en jeu d’un produit de trois facteurs, violence,
vitesse, masse » in Baldin, p. 8.
25 À ce propos, il est tentant de prêter un nouveau rôle au cheval de Casse-pipe.
En effet, victime des hommes et de sa loyauté envers eux, il aurait
peut-être, par sa liberté de galoper et de fuir, par sa vigueur, par
l’image de son indiscipline et à la connaissance rétrospective de son
martyr et de son obsolescence, inspiré en Destouches, par anticipation
des « grandes crises » qu’il s’attendait à vivre, une vision de
lui-même : fougueux, intrépide, batailleur ; et immolé aux trahisons de
son époque. Cette hypothèse, si elle pouvait être démontrée, ajouterait
un nouvel élément à la valeur autobiographique du roman.
26 Durand (Capitaine F.), Des tendances pacifiques de la société européenne et du rôle des armées dans l’avenir, 1841, cité in Girardet, op.cit.,p. 18.
27 Voir Girardet (Raoul), op.cit. et note 3 du présent article.
28 Mémoire des hommes, journaux des marches et opérations des corps de troupes, JMO du 12e régiment de cavalerie, 26 N 877/16, 31 juillet 1914-31 décembre 1916, p. 18.
29 Mémoire des hommes, Inventaire des journaux des grandes unités, JMO de la 7e division de cavalerie, 26 N 488/1, 31 juillet 1914-31 décembre 1916, p. 50.
30 Lettre à Albert Paraz, in Louis-Ferdinand Céline en verve, Présentation et choix David Alliot, Horay, 2004, 57.
31 Le cheval et la civilisation du xviiie siècle
à 1914, « Des hommes et des chevaux pendant quatre siècles » et « Le
cheval et les mythologies sociales », avec Daniel Roche, conférences
BnF, Institut de France, Fondation Del Duca, lundi 20 et mercredi
23 novembre 2006.
32
Rappelons que le substantif familier « casse-pipes » est un nom
masculin invariable, que Céline « individualise » en en modifiant
l’orthographe.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire