Céline à Copenhague (été 1945) |
« C'est le plus acharné de mes chacals – il voyage entre Paris et Copenhague exprès pour me harceler »
1944. Céline et Lucette, qui
viennent de se marier, partent le 14 juin de la gare de l’Est
pour l’Allemagne. Baden-Baden, Berlin, Kraenzlin, Sigmaringen
seront les passages obligés pour atteindre le but premier de cette
fuite : le Danemark, où Céline avait caché avant-guerre chez une
amie danoise ses économies converties en pièces d’or. Le
couple arrive à Copenhague le 27 mars 1945. Il y occupe un
appartement mis à disposition par une amie, Karen Marie Jensen,
situé au 20 Ved Stranden.
Le premier journal a révéler la présence du couple à Copenhague est l'hebdomadaire Samedi-Soir dans un article daté du 15 décembre 1945. Le 16, c'est au tour du journal danois Politiken de relayer l'information. Le journaliste qui a confirmé l'information à la presse française, c'est Mr Samuelson, correspondant danois de l'Agence France-Presse. En confirmant la présence de Céline à ses collègues parisiens, il va jouer un rôle important dans les poursuites judiciaires que devra affronter l'écrivain, son arrestation et son emprisonnement pendant 18 mois.
À partir de cette date, les autorités françaises, qui découvrent ou feignent de découvrir la présence de Céline dans la capitale danoise s'activent... et demandent l'arrestation et l'extradition de l'écrivain. Le 18 décembre 1945, Guy Girard de Charbonnière, envoyé extraordinaire à Copenhague, officialise par lettre la demande d'arrestation demandée par téléphone la veille en fin d'après-midi au cabinet du Ministre des Affaires étrangères, Gustav Rasmussen1. La police danoise arrête Céline le 17 décembre 1945 vers 20h.
La France envoie un dossier d’accusation si faible que les services danois tergiversent et refusent d’extrader l’écrivain. Il sera libéré en juin 1947 sans être autorisé à quitter le pays et sera logé par son avocat Thorvald Mikkelsen à Klarskovgaard sur les bords de la mer baltique. Il y restera jusqu’à son retour en France en 1951.
Voici le témoignage de É. Samuelson diffusé sur les ondes de la radio suisse R.T.S. en avril 2012 à l'occasion de la programmation d'une série de cinq émissions consacrées à Céline2 :
Céline, avec toute la mesure qu'on lui connaît, fera de ce journaliste un portrait savoureux :
Le premier journal a révéler la présence du couple à Copenhague est l'hebdomadaire Samedi-Soir dans un article daté du 15 décembre 1945. Le 16, c'est au tour du journal danois Politiken de relayer l'information. Le journaliste qui a confirmé l'information à la presse française, c'est Mr Samuelson, correspondant danois de l'Agence France-Presse. En confirmant la présence de Céline à ses collègues parisiens, il va jouer un rôle important dans les poursuites judiciaires que devra affronter l'écrivain, son arrestation et son emprisonnement pendant 18 mois.
À partir de cette date, les autorités françaises, qui découvrent ou feignent de découvrir la présence de Céline dans la capitale danoise s'activent... et demandent l'arrestation et l'extradition de l'écrivain. Le 18 décembre 1945, Guy Girard de Charbonnière, envoyé extraordinaire à Copenhague, officialise par lettre la demande d'arrestation demandée par téléphone la veille en fin d'après-midi au cabinet du Ministre des Affaires étrangères, Gustav Rasmussen1. La police danoise arrête Céline le 17 décembre 1945 vers 20h.
La France envoie un dossier d’accusation si faible que les services danois tergiversent et refusent d’extrader l’écrivain. Il sera libéré en juin 1947 sans être autorisé à quitter le pays et sera logé par son avocat Thorvald Mikkelsen à Klarskovgaard sur les bords de la mer baltique. Il y restera jusqu’à son retour en France en 1951.
Voici le témoignage de É. Samuelson diffusé sur les ondes de la radio suisse R.T.S. en avril 2012 à l'occasion de la programmation d'une série de cinq émissions consacrées à Céline2 :
Céline, avec toute la mesure qu'on lui connaît, fera de ce journaliste un portrait savoureux :
« J'ai refusé comme cela
au début avant mon arrestation de recevoir un journaliste danois
nommé Simonsen [sic]
– depuis il ne me lâche plus. C'est le plus acharné de mes
chacals – il voyage entre Paris et Copenhague exprès pour me
harceler. Cette gent journaliste est infect »3
«
On vous rapporte l'incident du subordonné congédié tout de
travers. Il s'agit en réalité d'un journaliste danois, représentant
ici une agence de presse et nommé Simonsen [sic]
– qui s'était présenté
chez moi – la veille de mon arrestation.
J'ai refusé de le recevoir – il comptait énormément vous le
pensez sur un [sic]
interview – Déçu il m'a voué une haine absolue. Il la reporte
sur Charbonnière qu'il engueule quand il le peut, publiquement –
lui faisant grief de Vichy, prétendant, tout de travers, que nous
sommes complices etc... Ce Simonsen est aussi un imbécile »4
Dans
ce dernier extrait, Céline fait référence aux attaques du
journaliste contre Guy Girard de Charbonnière publiées dans
Franc-Tireur
le 27 juin 1946 et dans lequel il accuse le
diplomate d'être complice avec
Céline et de faire son possible
pour empêcher toute extradition en
dévoilant ses prétendues
sympathies vichystes. Alors qu'il
gardera longtemps l'image du féroce persécuteur de Céline,
Charbonnière
aura à cette époque été
largement dénoncé pour sa mollesse. Son
manque de zèle pour cette
affaire Céline lui vaudra
notamment les
attaques de L'Humanité
en février 1946 et novembre 1947. Gustav
Rasmussen, Ministre des Affaires étrangères, enverra pour le
soutenir un démenti à la presse et lui affirmera «
au cours d'une conversation
privée : "Il est vraiment injuste de vous faire supporter le
poids de nos propres péchés."
»5
Malgré la réception de quelques éléments nouveaux envoyés par la justice française et en invoquant auprès des autorités danoises « l'intérêt très vif que l'opinion publique française porte à l'affaire Céline », Charbonnière restera très étonné de la faiblesse du dossier d'accusation :
Malgré la réception de quelques éléments nouveaux envoyés par la justice française et en invoquant auprès des autorités danoises « l'intérêt très vif que l'opinion publique française porte à l'affaire Céline », Charbonnière restera très étonné de la faiblesse du dossier d'accusation :
« Je suis même surpris
que, s'agissant d'un collaborateur aussi notoire que Céline, il
n'ait pas été possible au Juge d'Instruction de rassembler des
témoignages plus convaincants. »6
Samuelson
continuera pour sa part à s'intéresser à cette affaire. Le 9 mars
1947, il signe un article dans le journal Social
Demokraten7
dans lequel il s'interroge sur les tergiversations de la justice
danoise et les conséquences d'une extradition :
« Il y a bientôt deux ans
que les autorités danoises tiraillent pour prendre une décision sur
une affaire qui dans son ensemble présente un caractère inaccoutumé
et dont le dénouement pourrait arriver à établir un précédent si
le Danemark, en tant que nation alliée, allait refuser de donner
suite à une demande officielle d'extradition d'un ressortissant
appartenant à une autre nation alliée, accusé dans ce pays
d'activité nazie pendant l'occupation allemande. »
À son grand dam, Céline
ne sera pas extradé et évitera probablement le sort de son premier
éditeur, Robert Denoël, assassiné à Paris le 2 décembre 1945.
Matthias GADRET
Le Petit Célinien, 8 Mai 2014
Notes
1- Cf.
Gaël Richard, Le procès Céline, Du Lérot, 2010, p. 90.
3- Lettre à Marie Canavaggia du 13 mai 1947, Cahiers Céline 9, Gallimard, 2007, p. 300.
4- Lettre
à Canavaggia, 30 mai 1947, Cahiers Céline 9, Gallimard,
2007, p. 307.
5- François
Gibault, Céline, Tome III, Mercure de France, 1985, p. 99.
6- Lettre
à Georges Bidault du 21 septembre 1946.
7- Reproduit
dans Gaël Richard, Le procès Céline, Du Lérot, 2010, p.
135-138.
> Sur les traces de CÉLINE à Copenhague : « Un homme, une ville » (France Culture, 1984)
> Korsør 1948 : Georges de Caunes rencontre Céline > Les différentes demeures de Céline à Klarskovgaard
Ce Samuelson était une belle crapule.
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