Dos et premier plat de la reliure du manuscrit de Nord, avec la signature "Docteur Destouches" |
On a tout dit au sujet de Céline. On s'est bien évidemment indigné - le mot est à la mode - de ses coups de gueule mémorable, de ses invectives légendaires, de sa misanthropie, de sa paranoïa et de sa méfiance maladive envers son prochain. On a dénoncé
haut et fort tout ce que lui-même ne prenait pas la peine de cacher.
Louis-Ferdinand Céline était un cas à part parmi les écrivains.
Polémiste à ses heures, ce franc-tireur n'avait ni langue ni plume
dans sa poche lorsqu'il fallait déboulonner quelques idées reçues.
Sa verve pamphlétaire, son lyrisme au vitriol et inappétence
manifeste au politiquement correct n'ont pas facilité, loin de là,
son éventuel retour en grâce...
Certains,
comme Léon Trotsky, se félicitèrent d'abord de son indifférence à
l'académisme ; d'autres, comme Paul Nizan, virent dans Voyage au
bout de la nuit un pied de nez plutôt réussi «
aux romans des petits
chiens savants »,
mais beaucoup comme Marcel Jouhandeau, André Malraux ou Roger Ikor
(pour ne citer qu'eux) ne savaient comment traiter cet objet
littéraire non identifié... Antisémitisme, Céline l'était
assurément, mais il était aussi anticapitaliste, antimilitariste,
anticlérical, antibourgeois, anticommuniste, anticolonialiste,
anticonformiste, antisocial, antiparlementaire, en un mot, anti-tout
ce que l'on voudra... Récidiviste en son âme et conscience, Céline
n'était pas non plus un homme à se taire ou à se laisser
bâillonner par le premier venu. Du coup, on a eu un peu trop
tendance à reléguer le phénomène célinien à un négativisme
absolu et à oublier que son oeuvre ne serait pas ce qu'elle est,
sans l'incroyable vitalité de ses phrases, sans ce souffle qui
réanime une langue jusqu'alors un peu moribonde. Car Céline, on ne
le dira jamais assez, était – comme Rabelais le fut aussi en son
temps – autant médecin qu'écrivain. Il avait l'oeil d'un
clinicien. Rien ne l'arrêtait dans ses voyages au bout de l'enfer et
rien, bien évidemment, n'était passé sous silence dans ses
autopsies sans ordonnance. De la première à la dernière page,
Céline décortiquait, analysait, auscultait la condition humaine
sous tous ses angles. Quitte à forcer le trait, quitte à jouer les
Cassandre, quitte à extrapoler plus qu'il n'en fallait, Céline
semblait éprouver un malin plaisir à se lancer dans les plus
sombres diagnostics et à faire cavalier seul. Si nul n'écrivait
comme lui, c'est qu'il n'écrivait comme personne. Et s'il aimait
autant les points de suspension, c'est que l'idée du point final lui
était totalement étrangère. Même après guerre, alors qu'il avait
tout perdu et qu'il n'était plus que l'ombre de lui-même, il
n'était pas en panne d'inspiration. En 1957, il venait même de
déclarer à son ami Roger Nimier qu'il avait hâte de boucler sa «
trilogie allemande ». Inauguré avec D'un
château l'autre, ce
vaste projet qu'il entendait poursuivre avec Nord, sonnerait le
dernier round d'une vie bien remplie. En attendant, il lui faudra
écrire près de 2500 pages pour ne garder que 1565 feuillets... Un
travail monumental, fait de lectures et de relectures, de
rectificatifs, de corrections et d'ajustements de dernière minute,
dont ce marathonien de l'écriture se disait coutumier. Cette fois,
cependant, le défi était de taille. En « coloriste
des mots », Céline
pressentait l'ampleur de sa tâche. S'il n'avait rien à prouver à
son lecteur, son lecteur, lui, l'attendait toujours au tournant.
C'était ainsi. Céline, même au bout du rouleau, serait toujours
Céline. Il ne laisserait jamais personne indifférent.
En
1959, Céline n'a plus que deux ans à vivre. Après-guerre, il s'est
retiré à Meudon, route des Gardes, où il s'est installé avec sa
compagne, la danseuse Lucette Almanzor, et avec ses chiens, ses
chats, ses perruches et ses perroquets. Céline a toujours aimé la
vie de bohème. Où qu'il aille, à Paris, à Clichy, à Londres, au
Cameroun, en Allemagne ou au Danemark, Céline est un bourlingueur
né. Toujours sur le départ, toujours prêt à plier bagage, il
s'est habitué très tôt à se contenter de l'essentiel et à
n'emporter avec lui que le strict nécessaire, en l'occurrence des
liasses de feuillets qu'il se plaît à accrocher chez lui avec de
grosses pinces à linge. Histoire de ne pas perdre de vue le travail
accompli et de ne pas interrompre l'écriture en cours. Car, sous ses
airs clochardisants, Céline est bien plus organisé qu'il n'y
paraît. À Meudon, il s'est même réservé le rez-de-chaussée de
sa nouvelle maison afin d'y aménager son atelier d'écriture. Un
espace où comme l'observe Henri Godard, tout a été parfaitement
pensé : « Céline, de
son bureau en façade, avait la vue sur Paris par la haute fenêtre
située sur la gauche. Sur la vaste table de travail presque carrée
recouverte d'un tissu jusqu'au sol, il pouvait disposer, outre les
feuillets sur lesquels il était en train d'écrire autant de
versions antérieures qu'il voulait en consulter.
»(1) C'est sans doute sur ce même bureau que, le 27 janvier 1959,
il s'apprête à répondre à l'un de ses amis de la dernière heure,
Roger Nimier, l'un des rares habitués de la NRF à oser lui rendre
visite. « Si la NRF
vous laisse une seconde pour penser à moi, voulez-vous songer à la
Pléiade. [...] Je
ne lâcherai pas mon prochain ours qu'ils ne m'y aient fait
paraître... Et qu'il avance mon prochain ours ! qu'il est terminé
qu'il me reste à le pourlécher pendant encore quelques mois... 2600
pages. » L'ours en
question n'est autre que le manuscrit autographe de Nord,
un document exceptionnel qui comme la plupart des textes de Céline,
fera l'objet d'innombrables refontes. Pour Féerie pour une autre
fois, Céline avait peaufiné son texte à partir du dactylogramme
que sa fidèle correctrice et secrétaire, Marie Canavaggia, avait
réalisé pour lui. Pour Nord,
ce sera plus compliqué. Des maux de têtes et des vertiges
incessants lui font craindre le pire... Aura t-il seulement la force
d'achever son oeuvre ? Rien n'est moins sûr. Lucette qui le voit
sans cesse consulter sa montre, ne l'a jamais connu aussi anxieux. Et
les rares intimes qui lui rendent encore visite, ne peuvent que
constater l'état de surmenage et de délabrement physique dans
lequel il se trouve. En l'espace d'un an, pas moins de 5000 mots
seront remplacés de la main même de Céline. Sans compter les
paragraphes que l'auteur a déplacés au gré des circonstances et
supprimés de la version définitive... Cette fois, Céline n'hésite
pas à réécrire entièrement des passages entiers de son texte
(voir notre encadré), à édulcorer les expressions trop excessives
à ses yeux et à apporter plus de précisions à ses formulations de
départ. En dernière lecture, l'adjectif « rigolo
» devient ainsi « amusant
», tandis que les « sadiques
» se voient remplacés par des « monstres
» tout aussi bien attentionnés... Au fil des relectures, le hameau
de « Porcville
» est d'abord rebaptisé « Petteville
» puis « Niaquouéville
» pour être finalement cité sous le seul nom de « Marcouville
». Si certains rectificatifs peuvent prêter à sourire, Céline
sait néanmoins où il va, car, comme l'explique Henri Godard, ce
qu'il appelle « polir
son texte », consiste
surtout à multiplier les effets de surprise de façon à ce que son
texte vive « en
faisant vivre au lecteur ces émotions dans son présent
»(2) Autrement dit,
Notes
1 – Passage extrait de Céline d'Henri Godard, Éd. Gallimard, 2011, p. 483.
2 – Cest la formule qu'emploie Henri Godard dans Céline, Éd. Gallimard, 2011.
3 – C'est une séquelle de la guerre de 1914.
4 – Lettre du 23 décembre 1959, extraite des Lettres de Céline, édition établie par Henri Godard et Jean-Paul Louis, Éd. Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 2010.
5 – La formule originale qu'on peut lire dans le manuscrit de Nord était la suivante : « Le chat dit Bébert, propriétaire Docteur Destouches, 4 rue Girardon, ne nous a semblé atteint d'aucune affection transmissible » (pp. 122 et 123). En tronquant cette phrase, Gwenn-Aël Bolloré adresse un autre message au lecteur.
c'est
avant tout sur le rythme, sur l'oralité de ses phrases et sur la
scansion des mots, que se porte l'attention de Céline, rejoignant,
en ce sens, ce qu'il a dit naguère à son ami Robert Carlier : « Je
n'envoie pas de message au monde, moi, non ! Je me saoule pas de
mots, ni de porto, ni des flatteries de la jeunesse. Je cogite pas
pour la planète... Je suis qu'un petit inventeur, et que d'un petit
truc qui passera pardi ! Comme le reste ! Ce que j'ai inventé, je
viens de l'écrire dans la Nouvellerevuefrançaise (en un seul mot
s'il vous plaît) : j'ai inventé l'émotion dans le langage écrit...
» Et, comme il le dit
lui-même, ce n'est pas une mince affaire...
Chronique
d'une débâcle annoncée
En attendant, le manuscrit de Nord prend forme. Céline y relate sa fuite à Baden-Baden, à Berlin, puis à Zorhnof, en présence de ses trois compagnons d'infortune : Lucette Almanzor, l'acteur Le Vigan (dit « La Vigue ») et l'inénarrable chat Bébert. Il y décrit une Europe à feu et à sang, des paysages dévastés par les bombardements et une « Allemagne de la débâcle comme Dante visitait les cercles de son enfer. » Il y dépeint l'effondrement du Reich et l'étrange déconfiture dans laquelle sombrent les armées d'Occupation. Et il déclare haut et fort qu'il est avant tout chroniqueur, qu'il en a fini avec le roman et qu'en sa qualité de médecin, il ne se lasse pas d'ausculter le genre humain. Au passage, les « alcooleux », les « demi-bistrotes », les « cul-de-jatte gâteux », les « sergents manchots », les « colonels congestionnés », les « bouseux prisonniers », les « conseillers hépatites », les « semi-lettons », les « râpeux boutiquiers », les « morphinomanes », les « rombières défaillantes et cardiaques », les « boches et les bochesses », les « gredins et gredines » de tous horizons en prennent bien évidemment pour leur grade. Fidèle à lui-même, Céline n'épargne rien ni personne. À ce rythme, il risque bel et bien de s'épuiser à la tâche, car depuis que sa main droite est à moitié paralysée (3), il lui est quasiment impossible d'avoir une écriture soignée. C'est donc sur de simples feuilles volantes qu'il note à la va-vite et au stylo-bille bleu les phrases qui lui viennent à l'esprit. En d'autres circonstances, il lui est arrivé de réécrire jusqu'à 7 fois certains de ses manuscrits (ce fut notamment le cas pour Voyage au bout de la nuit). Cette fois, le temps presse. Céline sait qu'il s'est lancé dans une ultime course contre la montre. Au final, il ne restera que 1565 pages sur les 2500 pages d'origine. En quelques mois, Céline a fait subir à son premier jet une sévère cure d'amaigrissement. Une prouesse dont il n'est pas peu fier. D'ailleurs, il se déclare plutôt « satisfait d'avoir bien payé pour avoir un sujet et un style ». Il l'a dit et redit. Un style n'a pas de prix. Selon lui, un grand écrivain est dans l'obligation de « mettre ses tripes sur la table » et doit, tôt ou tard, payer la rançon de la gloire. Lorsque le manuscrit de Nord est enfin mis au net, Céline est à bout de forces et presque à bout d'arguments lorsqu'il relate à Roger Nimier son passage en coup de vent aux éditions Gallimard. « Très discrètement et des plus rapides nous avons été Marie, moi, à la NRF, ce matin, porter l'ours à Festy. [...] Nous n'allions pas vous déranger ! Vu une minute Mme Laigle entre deux portes ! Mais ne voulez-vous avoir la bonté de rédiger le petit digest coutumier de la fin ? »(4) Quinze jours plus tard, toujours pas de nouvelles de Gallimard. Dans un second courrier à Roger Nimier, Céline ne cache plus son angoisse. « J'ai peur de l'avenir Roger... L'impression, vite ! » Nord paraît finalement au mois de juin 1960. Tirée à 14000 exemplaires, son édition originale remporte d'emblée tous les suffrages. « Tout, de votre génie lyrique et de votre art scrupuleux, me paraît revenu » lui écrit Henri Mondor. Si Céline se réjouit de cet accueil, il n'en est pas moins aux abois. Comme à son habitude, il craint de manquer d'argent et songe à vendre le manuscrit de Nord à un collectionneur. Or, Renée Cosima, la femme de Gwenn-Aël Bolloré, accompagne souvent sa fille aux cours de danse de Lucette Almanzor. Le futur acquéreur semble tout désigné... Il faudra tout l'entregent de Roger Nimier pour que les deux intéressés parviennent à s'entendre. En juin 1960, Renée Cosima Bolloré devient officiellement la propriétaire du manuscrit de Nord. En guise de remerciement, Céline signe sur la dernière page cet envoi autographe : « Hommage à Renée Cosima Bolloré [sic] maman d'Anne Meudon 6 juin 60 LF Céline. » Un an plus tard, les exemplaires de Nord seront retirés des librairies à la suite d'une plainte en diffamation de Mme Asta S., une Allemande qui se reconnaît dans le personnage d'Isis. Un épilogue dont Céline ne prendra pas connaissance, puisqu'il meurt le 1er juillet 1961 d'une rupture d'anévrisme. En 1970, Gwenn-Aël Bolloré fait relier par Mercher le dernier voyage de Louis-Ferdinand Céline. Sur le maroquin vert janséniste, des quatre volumes, in-4 (270x205 mm), on peut lire en lettres d'or un fragment de la mention vétérinaire qui figurait, dans Nord, dans le passeport du chat Bébert : « Docteur Destouches, 4 rue Girardon, ne nous a semblé atteint d'aucune affection transmissible. »(5) À bon entendeur, salut ! Après tout... le lecteur lambda n'est pas censé partager, cinq sur cinq, les idées de Céline.
Valère-Marie MARCHAND
Plume Magazine, n°65, juillet-août-septembre 2013.
Un numéro toujours disponible, 5,90 €, sur www.plume-mag.com.
En attendant, le manuscrit de Nord prend forme. Céline y relate sa fuite à Baden-Baden, à Berlin, puis à Zorhnof, en présence de ses trois compagnons d'infortune : Lucette Almanzor, l'acteur Le Vigan (dit « La Vigue ») et l'inénarrable chat Bébert. Il y décrit une Europe à feu et à sang, des paysages dévastés par les bombardements et une « Allemagne de la débâcle comme Dante visitait les cercles de son enfer. » Il y dépeint l'effondrement du Reich et l'étrange déconfiture dans laquelle sombrent les armées d'Occupation. Et il déclare haut et fort qu'il est avant tout chroniqueur, qu'il en a fini avec le roman et qu'en sa qualité de médecin, il ne se lasse pas d'ausculter le genre humain. Au passage, les « alcooleux », les « demi-bistrotes », les « cul-de-jatte gâteux », les « sergents manchots », les « colonels congestionnés », les « bouseux prisonniers », les « conseillers hépatites », les « semi-lettons », les « râpeux boutiquiers », les « morphinomanes », les « rombières défaillantes et cardiaques », les « boches et les bochesses », les « gredins et gredines » de tous horizons en prennent bien évidemment pour leur grade. Fidèle à lui-même, Céline n'épargne rien ni personne. À ce rythme, il risque bel et bien de s'épuiser à la tâche, car depuis que sa main droite est à moitié paralysée (3), il lui est quasiment impossible d'avoir une écriture soignée. C'est donc sur de simples feuilles volantes qu'il note à la va-vite et au stylo-bille bleu les phrases qui lui viennent à l'esprit. En d'autres circonstances, il lui est arrivé de réécrire jusqu'à 7 fois certains de ses manuscrits (ce fut notamment le cas pour Voyage au bout de la nuit). Cette fois, le temps presse. Céline sait qu'il s'est lancé dans une ultime course contre la montre. Au final, il ne restera que 1565 pages sur les 2500 pages d'origine. En quelques mois, Céline a fait subir à son premier jet une sévère cure d'amaigrissement. Une prouesse dont il n'est pas peu fier. D'ailleurs, il se déclare plutôt « satisfait d'avoir bien payé pour avoir un sujet et un style ». Il l'a dit et redit. Un style n'a pas de prix. Selon lui, un grand écrivain est dans l'obligation de « mettre ses tripes sur la table » et doit, tôt ou tard, payer la rançon de la gloire. Lorsque le manuscrit de Nord est enfin mis au net, Céline est à bout de forces et presque à bout d'arguments lorsqu'il relate à Roger Nimier son passage en coup de vent aux éditions Gallimard. « Très discrètement et des plus rapides nous avons été Marie, moi, à la NRF, ce matin, porter l'ours à Festy. [...] Nous n'allions pas vous déranger ! Vu une minute Mme Laigle entre deux portes ! Mais ne voulez-vous avoir la bonté de rédiger le petit digest coutumier de la fin ? »(4) Quinze jours plus tard, toujours pas de nouvelles de Gallimard. Dans un second courrier à Roger Nimier, Céline ne cache plus son angoisse. « J'ai peur de l'avenir Roger... L'impression, vite ! » Nord paraît finalement au mois de juin 1960. Tirée à 14000 exemplaires, son édition originale remporte d'emblée tous les suffrages. « Tout, de votre génie lyrique et de votre art scrupuleux, me paraît revenu » lui écrit Henri Mondor. Si Céline se réjouit de cet accueil, il n'en est pas moins aux abois. Comme à son habitude, il craint de manquer d'argent et songe à vendre le manuscrit de Nord à un collectionneur. Or, Renée Cosima, la femme de Gwenn-Aël Bolloré, accompagne souvent sa fille aux cours de danse de Lucette Almanzor. Le futur acquéreur semble tout désigné... Il faudra tout l'entregent de Roger Nimier pour que les deux intéressés parviennent à s'entendre. En juin 1960, Renée Cosima Bolloré devient officiellement la propriétaire du manuscrit de Nord. En guise de remerciement, Céline signe sur la dernière page cet envoi autographe : « Hommage à Renée Cosima Bolloré [sic] maman d'Anne Meudon 6 juin 60 LF Céline. » Un an plus tard, les exemplaires de Nord seront retirés des librairies à la suite d'une plainte en diffamation de Mme Asta S., une Allemande qui se reconnaît dans le personnage d'Isis. Un épilogue dont Céline ne prendra pas connaissance, puisqu'il meurt le 1er juillet 1961 d'une rupture d'anévrisme. En 1970, Gwenn-Aël Bolloré fait relier par Mercher le dernier voyage de Louis-Ferdinand Céline. Sur le maroquin vert janséniste, des quatre volumes, in-4 (270x205 mm), on peut lire en lettres d'or un fragment de la mention vétérinaire qui figurait, dans Nord, dans le passeport du chat Bébert : « Docteur Destouches, 4 rue Girardon, ne nous a semblé atteint d'aucune affection transmissible. »(5) À bon entendeur, salut ! Après tout... le lecteur lambda n'est pas censé partager, cinq sur cinq, les idées de Céline.
Valère-Marie MARCHAND
Plume Magazine, n°65, juillet-août-septembre 2013.
Un numéro toujours disponible, 5,90 €, sur www.plume-mag.com.
Notes
1 – Passage extrait de Céline d'Henri Godard, Éd. Gallimard, 2011, p. 483.
2 – Cest la formule qu'emploie Henri Godard dans Céline, Éd. Gallimard, 2011.
3 – C'est une séquelle de la guerre de 1914.
4 – Lettre du 23 décembre 1959, extraite des Lettres de Céline, édition établie par Henri Godard et Jean-Paul Louis, Éd. Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 2010.
5 – La formule originale qu'on peut lire dans le manuscrit de Nord était la suivante : « Le chat dit Bébert, propriétaire Docteur Destouches, 4 rue Girardon, ne nous a semblé atteint d'aucune affection transmissible » (pp. 122 et 123). En tronquant cette phrase, Gwenn-Aël Bolloré adresse un autre message au lecteur.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire